L’histoire de son déclin et de sa destruction a fait le tour du monde. Le château Miranda, à Noisy, était un haut lieu des urbexeurs, ces visiteurs de lieux abandonnés. Les scénarios pour le sauver ont été nombreux mais aucun n’a abouti. Il a été rasé jusqu’à la dernière pierre.

C’est dans la seconde moitié du XIXe siècle que le château de Noisy est érigé à Celles, en face du château de Vêves. Propriétaire de ces deux demeures exceptionnelles, la famille de Liedekerke-Beaufort occupe depuis des générations le château de Vêves, dont le confort n’est plus vraiment au goût du jour en ce XIXe siècle finissant.

La famille décide donc de construire un nouveau château sur ses terres, dans un style néogothique qui rappelle les grandes demeures du sud de l’Angleterre. Fastueux, avec sa grande tour flanquée d’une horloge digne des plus belles églises, le château de Noisy fera rêver par son architecture de conte de fées.

Pour se donner une idée du personnel qui s’activait alors dans cette prestigieuse demeure, Étienne Marot, échevin du Patrimoine de la commune de Houyet, nous explique : « À la fin du XIXe siècle, chaque matin, une équipe de 40 jardiniers ratissait les allées en gravier ». La famille puisait sa fortune dans les revenus agricoles et forestiers. Une réalité économique qui ne passera pas le cap du XXe siècle.

Après la 2e guerre, les de Liedekerke-Beaufort ne pouvant plus faire face aux frais faramineux d’un tel château, se sont retirés dans les dépendances. Noisy fut occupé en location comme centre de vacances pour le personnel de la Poste. Mais la Poste l’a quitté aussi et le château s’est lentement et inexorablement dégradé après les années 1980.

® Florent Marot

L’urbex sonne le glas

Le château de Noisy, appelé aussi château Miranda (du nom de la S.A. qui l’a géré), suscitera un intérêt dans le monde des urbexeurs.

L’urbex, une pratique qui consiste à visiter et photographier des lieux abandonnés : maisons, usines, châteaux… Des brocanteurs viendront aussi se servir sur place en divers objets anciens, matériaux et métaux. Certains ont d’ailleurs été poursuivis et condamnés.

Au tournant du XXIe siècle, l’intérêt pour le château Miranda, de plus en plus en ruine, a largement dépassé les frontières de notre pays. On vient du monde entier pour rêver dans un lieu fortement symbolique. En atteste une rapide recherche sur le web, où l’on trouve des milliers de photos venues des quatre coins du monde.

Et ce sont justement ces nombreux visiteurs indésirés qui ont poussé le comte de Liedekerke-Beaufort à détruire son château.

Il faut dire que depuis de nombreuses années, la famille tentait en vain de lui trouver une nouvelle affectation. Elle pensait s’allier à une société hollandaise qui y aurait exploité un hôtel de luxe. Mais l’état de ruine dans lequel se trouvait le château à la fin des années 90 était fort avancé. On parlait alors d’un budget d’un milliard de francs belges (25 millions d’euros) pour le restaurer. L’opération était vouée au fiasco financier.

Le déplacer en Chine ou à Marbella

Les visites indésirées ont continué. Dans une de ses rares interviews, accordée à MaTélé, le comte de Liedekerke-Beaufort expliquait : « Il y a un problème de sécurité publique. Il y a eu, via internet, de plus en plus de visites sauvages, non annoncées, dans le château. C’est devenu dangereux. (…) Je ne voudrais pas qu’il y ait un accident. C’est la raison principale de ma demande de démolition. De plus, le garde-chasse assermenté de Noisy s’est fait agresser et taper dessus. Il a fini aux urgences à l’hôpital. C’est quand même un problème !  Si ces visites risquées n’avaient pas eu lieu, nous aurions laissé le bâtiment devenir une belle ruine. »

Le comte a donc rentré une demande de permis de démolition de son château, « cette folie d’un arrière-arrière-grand-père », dira-t-il encore à nos confrères de MaTélé.

Un comité de sauvegarde du château a vu le jour. Les manifestations ont été nombreuses pour tenter de sauver ce patrimoine si particulier. Plusieurs procès ont été intentés pour démontrer l’illégalité du permis de démolition. En vain.

Et puis des projets farfelus ont été lancés : démonter le château et le remonter en Chine ou à Marbella. C’est l’entreprise de démolition Castagnetti, mandatée en 2016 par le propriétaire pour démolir le château, qui a lancé l’idée. Lors d’une conférence de presse qui restera dans les mémoires, le directeur commercial de la société, Réginald Rothen, avait déclaré « si quelqu’un dans la salle est prêt à mettre sur la table une importante somme d’argent, nous sommes disposés à le démonter pour le déplacer ailleurs. »

Démonter Noisy et le reconstruire ailleurs ? Pourquoi pas. Les rêves les plus fous étaient possibles. Il restait tout de même un problème de taille : le budget. Rien que pour le démontage, on parlait alors de 5 millions d’euros.

Un Franco-Russe vivant à Marbella avait manifesté de l’intérêt pour déménager le château dans le grand sud de l’Espagne. Mais il est décédé d’une tumeur au cerveau en quelques mois. Un Belge établi en Chine s’était aussi montré intéressé pour y déplacer le château. Mais il n’a plus fait parler de lui.

C’est lors de cette conférence de presse que Réginald Rothen, directeur commercial de la société de démolition Castagnetti, a lancé l’idée de déménager le château.

La société Castagnetti a alors lancé un crowdfounding avec une publicité monstre via les réseaux sociaux à travers le monde entier, pour récolter la somme adéquate pour sauver Noisy. Mais le résultat de ce financement participatif n’a pas été à la hauteur des attentes. Et le château a été irrémédiablement rasé. Les travaux de démolition ont commencé en octobre 2016 et, après quelques rebondissements, se sont terminés l’été suivant.

® Florent Marot

Il ne reste désormais plus rien du château Miranda. Des regrets, certainement, dans le cœur de ceux qui auraient voulu conserver ce vestige du patrimoine wallon. Mais la raison l’a ici emporté sur le cœur.

Un documentaire réalisé par
Texte : Jacques DUCHATEAU
Photos : Jacques DUCHATEAU, Florent MAROT, Pierre WIAME, Jean-Marc MARION
Développeur : Cédric DUSSART