Le gîte du Fond de Vedeur, à Durbuy. Un passé riche et varié et un futur pour le moins indécis. Une belle bâtisse chargée d’histoire qui tombe inexorablement en ruine.

Durbuy, perle des Ardennes. « La plus petite ville du monde », comme elle aime à le rappeler, est un haut lieu du tourisme en Wallonie. Il reste d’ailleurs peu d’habitants du cru au cœur de la vieille ville. Presque tous sont partis. Ils ont laissé la place aux touristes et surtout aux investisseurs.

Mais il est un lieu, pas très loin du centre, qui cherche un second souffle, un amoureux des vieilles pierres et des belles histoires qui pourrait redonner vie à cet endroit abandonné.

Le gîte du Fond de Vedeur est en perdition. Laissé à l’abandon depuis des années, il dépérit à vue d’œil. Si personne ne vient le sauver dans un avenir proche, il sera définitivement perdu.

Et pourtant, le passé de ce lieu est particulièrement riche. Avant de devenir un gîte, ce bel édifice a été un moulin, une fabrique de mètres pliants en bois, de raquettes de tennis et même une gendarmerie. Curieux destin.

Nous vous racontons ici l’histoire incroyable du Fond de Vedeur et de la famille Gresset.

La bâtisse en impose. Nichée le long d’une route serpentante qui s’enfuit de Durbuy, elle s’élève dans un creux de la vallée. Moellons de calcaire, grandes fenêtres. Une petite gloriette de bois veille au fond du jardin, offrant la douceur ombragée de sa toiture pointue aux visiteurs. Un ruisseau traverse la propriété de ses eaux rageuses. Il a été pendant des décennies la source qui a alimenté ce vieux moulin devenu manufacture.

Mais à y regarder de plus près, on voit que beaucoup de carreaux sont cassés. La végétation grimpe le long des murs. À l’arrière, il ne subsiste presque rien de la véranda, juste la structure de métal. La poignée de la porte principale résiste et garde au secret les entrailles de cette belle et grande maison. Mais d’autres portes baillent au vent et invitent le visiteur à découvrir les mystères de ces lieux.

Le gîte de Durbuy
Le gîte de Durbuy

Riche passé

L’histoire commence en 1812, quand François Seeliger, marchand patenté et maire adjoint de Durbuy, demande l’autorisation de construire un moulin à écorce de chêne. Il compte utiliser le tan produit pour sa tannerie de cuir au village. Il fera faillite en 1819. Le moulin sera alors complètement détruit.

En 1886, les trois frères Gresset, Charles, Félix et Édouard, rachètent les terres. Deux ans plus tard, ils y érigent une manufacture. Félix reprend ensuite les parts de ses frères et remplace la roue hydraulique du moulin par une turbine. Il y créera aussi un étang sous les conseils d’un ami qui a travaillé au château de Versailles.

La manufacture du Fond de Vedeur fabrique divers objets. En particulier, des mètres pliants en bois (d’où le nom de « fabrique linéaire »).

mètres pliants Fond de Vedeur
mètres pliants Fond de Vedeur
Archives Fond de Vedeur

Le catalogue de la fabrique Gresset est plutôt hétéroclite : on y retrouve, outre les mètres pliants, des raquettes de tennis, des luges, des traineaux, des toitures courbées pour les wagons de train, des jantes pour voiture… Il n’y avait à l’époque que deux usines en Belgique qui pouvaient cintrer le bois, dont celle de Durbuy. Au début du XXe siècle, Félix Gresset y travaillait avec une trentaine d’ouvriers.

En 1954, Édouard Gresset, fils de Félix, gérait encore la fabrique quand il décède d’une crise cardiaque au cœur de l’usine. Sa veuve vend les machines, les stocks. Le bâtiment a ensuite été loué par la gendarmerie. Puis il a été occupé comme maison de repos, enfin comme gîte touristique.

Fond de Vedeur gîte touristique
Fond de Vedeur gîte touristique
Fond de Vedeur gîte touristique
Fond de Vedeur gîte touristique

Toujours référencé sur Booking et TripAdvisor

Le Fond de Vedeur a été exploité comme gîte jusqu’aux environs de 2016 (en atteste un journal retrouvé sur place). Assez curieusement, lorsque l’on effectue une recherche sur internet à son sujet, on trouve encore plus d’une dizaine de pages qui en font la référence comme lieu de villégiature, avec les tarifs de location, de nombreuses photos et des avis d’utilisateurs. Booking, TripAdvisor, Ready to trip et bien d’autres en vantent les mérites et le charme désuet. Ce qui égratigne quelque peu la crédibilité de ces sites.

Parmi les nombreux avis d’utilisateurs, pas toujours très positifs, celui d’un touriste israélien dénonce l’humidité qui règne dans le bâtiment, jusque dans les lits.

Spicytofu72, un touriste néerlandais, n’hésite pas à titrer son commentaire : « The absolute worst place I’ve ever stayed. EVER . » (« Le pire endroit où je suis allé »).

Des avis qui révèlent le gros défaut des lieux : l’absence de lumière, de soleil et l’humidité très importante. Ce qui le rend difficilement exploitable.

Le Fond de Vedeur

Le Fond de Vedeur appartient toujours aux descendants de la famille Gresset, les Hons, qui vivent à Bruxelles. Nous avons essayé de les contacter mais ils ont préféré ne pas répondre à nos questions.

La famille Hons serait prête à vendre les lieux, comme en atteste une affichette « Te koop » sur la porte d’entrée.

Mais les acheteurs potentiels ne se bousculent pas et la vieille fabrique du Fond de Vedeur disparait petit à petit sous la végétation galopante.

Fond de Vedeur
Fond de Vedeur
Fond de Vedeur
Fond de Vedeur
Fond de Vedeur

Du côté de la Ville de Durbuy, on aimerait que ce bâtiment retrouve une nouvelle affectation. Ouvert aux quatre vents, visité par de nombreux urbexeurs, il se détériore rapidement. L’espoir de la Commune serait qu’il puisse être utilisé comme logement pour les travailleurs de l’horeca actifs au cœur de la vieille ville. Ou alors en faire un lieu pour organiser des escape rooms. C’est vrai que le décor décrépi s’y prêterait à merveille.

Souvent squatté, à l’abandon, le Fond de Vedeur se meurt inexorablement. Qui sait s’il pourra un jour retrouver son lustre d’antan.

Un document réalisé par 

Texte et photos : Jacques DUCHATEAU sauf archives et Google.

Merci aux historiens Jacky Adam, Monique Thirion et Didier Monville, ainsi qu’à Xavier Fostroy, de la Ville de Durbuy.

Développeur : Cédric Dussart