La façade tout en courbe de l’ancien sanatorium de Borgoumont-la-Gleize se dresse au bout d’une fine route qui serpente dans les bois. Ouvert aux quatre vents et aux intrus les plus divers, le bâtiment a perdu de son lustre d’antan.

 

Il est majestueux, posé sur une crête boisée. Le sanatorium de Borgoumont impressionne : 3500 m² au cœur de la forêt de Stoumont.

Sa ligne architecturale si particulière, élégante et incurvée, donne l’impression qu’il nous tend les bras.

Et pourtant, au début du XXe siècle – les premiers patients y sont arrivés dès 1903 – faire une cure à Borgoumont n’était pas une partie de plaisir.

Depuis sa création, le sanatorium accueille des hommes (et uniquement des hommes) atteints de la tuberculose.

Jean-Marc De Brito y a travaillé pendant des années. Il était chargé des analyses d’échantillons. On est alors au milieu des années 60.

Jean-Marc raconte : « Il y avait une grande galerie couverte, aujourd’hui disparue, où les patients venaient se reposer sur des chaises longues, au soleil. »

Repos. Une cure contre la tuberculose se résumait à ça : du repos, le silence et une alimentation riche. Très riche. « Jusqu’à 5 repas par jour. Parce que la maladie faisait maigrir. »

Les chants, les cris, les rires bruyants, qui troublent le repos général, sont interdits.

Entre le couvent et la prison

Si le bâtiment est accueillant, le personnel dévoué, le règlement n’est pas loin de celui d’un couvent. Voire d’une prison.

Extraits :

  • Les malades doivent être constamment étendus sur leur chaise longue respective.
  • Les jeux sont interdits.
  • Les chants, les cris, les rires bruyants, qui troublent le repos général, sont interdits. Les conversations mêmes doivent être très modérées, la parole provoquant la toux.

Autant dire que ça ne rigolait pas tous les jours.

Jean-Marc De Brito replonge dans ses souvenirs de Borgoumont.
© Philippe Labeye

À Borgoumont, tout a été prévu, dans les moindres détails, pour préserver au maximum l’hygiène et la propreté : les meubles sont fixés au mur, pour faciliter l’entretien en-dessous. Leur paroi supérieure est inclinée, pour éviter l’accumulation de poussières. Le clocher (partiellement endommagé par un incendie au printemps dernier) est en fait un aérateur qui permet de faire circuler l’air dans les chambres.

Malgré tout, une salle de spectacle permettait aux dispensaires un minimum de divertissement. Line Renaud ou encore Jacques Brel y sont venus en spectacle.

Antibiotique et vaccin

Au fil des décennies, le sanatorium a perdu sa fonction première. Grâce à la découverte des antibiotiques (en 1944) et des premiers vaccins. Il a aussi perdu de son faste. Le béton a remplacé les arcades en fer forgé, ce que regrette amèrement Jean-Marc De Brito : « Ça a bien changé ! Toute la galerie en fer forgé a été enlevée et remplacée par des blocs de béton… Il y a eu des tas de modifications. Ça n’a plus rien à voir avec l’époque du sanatorium de 1903. » Les élégants escaliers en fer forgé et en boiserie ont eux aussi depuis bien longtemps disparu.

Le bâtiment n’en a pour autant pas perdu de son utilité : il est reconverti en hôpital puis en centre de rééducation fonctionnelle pour handicapés moteurs. Propriété du CHR de Verviers, il est ensuite exploité comme centre Fedasil pour l’accueil de réfugiés, jusqu’en 2013.

Ce seront les derniers occupants des lieux.

Depuis, laissé à l’abandon, squatté et visité par de nombreux urbexeurs, le sanatorium n’a cessé de sombrer lentement mais sûrement vers un état de ruine.

Des projets

Plusieurs projets ont été menés pour lui assurer une belle reconversion. On a parlé d’un centre de vacances, mais aussi d’appart’hôtel. Jean-Marc De Brito adorerait découvrir son ancien lieu de travail envahi par les vacanciers : « Il y a également un établissement du même genre en Allemagne qui est devenu un hôtel 5 étoiles. Mais, lui, a gardé toute sa structure intérieure. Tout est resté intact. Ici, c’est malheureusement trop tard. On a bétonné à tort et à travers. »

Il espère malgré tout que le sanatorium de Borgoumont retrouvera un jour son lustre d’antan.

Désormais ouvert aux quatre vents, le sanatorium est de nouveau à vendre. Le CHR de Verviers l’avait acheté à la Province de Liège en 2010 pour un euro symbolique. L’entrepreneur qui le rachètera a tout intérêt à avoir les reins solides tant le bâtiment semble à bout de souffle. Un comble pour un ancien centre de soin de la tuberculose…

Un documentaire réalisé par
Texte : Jacques DUCHATEAU, avec Caroline BEAUVOIS
Photos : Jacques DUCHATEAU, Philippe LABEYE sauf archives Jean-Marc de Brito
Développeur : Cédric Dussart