Une enfance à Chapon-Seraing

La ferme de ses parents: c’était là toute la vie de Micheline. À 9 ans, la jeune habitante de Chapon-Seraing trayait les vaches et conduisait le tracteur dans la cour de la ferme.

Les loisirs de Micheline, à part ce fameux bal de la fête à Verlaine? Il n’y en avait guère. « J’ai arrêté mes études après mon école moyenne. J’étais une tête de classe et je voulais vraiment continuer. Mais pour mes parents, c’était hors de question, je devais travailler à la ferme

À 9 ans, Micheline trayait donc les vaches et conduisait le tracteur dans la cour de la ferme. « J’avais mon cheval, il s’appelait Sada, je l’adorais. On ne savait pas se passer de chevaux à l’époque . » Après leur mariage, Micheline et Léon sont allés vivre dans le bâtiment de l’administration communale à Chapon-Seraing qui cherchait une concierge. Et après sa journée, Micheline aidait son père dans les champs et avec les bêtes. «Le jour avant d’accoucher, j’étais en train de nettoyer les champs de betterave », se souvient-elle. Pour les filles, outre la fameuse fête du village qu’on attendait avec impatience en octobre, il n’y avait pas tant d’occasions de sortir.

Légende:  Il n’était pas rare que la ferme Denotte accueille les voisins pour danser le cramignon dans son salon.

« Parfois, en été, papa et maman organisaient des fêtes chez eux. Il faut dire qu’à l’époque tout le monde venait chercher son beurre et son lait chez nous, on connaissait tout le monde. Mon père aidait les villageois en charruant parfois certains terrains et en échange, les voisins venaient donner un coup de main à mon père après leur journée. Il arrivait souvent que l’on fasse la fête jusqu’à deux heures du matin, comme après la communion de ma sœur. On dansait le cramignon. » Et même si elle souvient quand même d’avoir été au cinéma le Vigilanti à Verlaine lorsqu’elle courtisait ou être allée au réveillon de Nouvel an à Stockay Saint-Georges en camionnette, pour Micheline, c’était toujours la vie de famille à la ferme qui primait avant tout et qui a toujours primé.

Micheline devait courtiser sur le pas de la porte

Micheline a consacré tout son temps à l’exploitation de son père. Peu de sorties, donc, à part un fameux bal en octobre 57…

«Ma grand-mère avait une cousine à Verlaine. C’était la fête du village. Je les entends encore dire: ‘Et si on emmenait les filles au bal?’»Micheline Denotte avait alors 16 ans. «Je n’avais pas de robe de bal, juste un tailleur rose. Mais j’avais toujours mes gants en dentelle dans mon sac au cas où.»

C’était son premier bal, pour elle comme pour sa sœur d’ailleurs. Et ses parents n’en savaient rien. Une seule recommandation de la part des deux chaperonnes: toujours revenir s’asseoir à la table après avoir dansé, ne jamais accepter d’aller boire un verre. Les deux filles Denotte et leur cousine n’ont pas tardé à fouler la piste de danse avec de jeunes garçons venus expressément les inviter pour une valse, un tango ou un slow. «Ma première danse, et toutes les suivantes, je les ai offertes à mon futur mari », sourit Micheline, tout aussi radieuse que nostalgique. Léon Lemaire était un gars courageux de Verlaine, il travaillait en maçonnerie tout en continuant ses études pour être architecte – lui a alors dit la cousine de sa grand-mère. Après la troisième danse, Léon a pris son courage à deux mains et a demandé à sa cavalière de venir boire un verre avec lui. «Mais c’était interdit. Alors j’ai refusé et je lui ai dit au revoir, il était l’heure de rentrer. Il a insisté pour me revoir. On s’est donné rendez-vous le dimanche suivant après les Vêpres sur la place de l’église.»

C’est ainsi que Léon Lemaire et Micheline Denotte ont commencé à courtiser. Sur la place de l’église le dimanche après-midi jusqu’à la ferme des Denotte, les deux jeunes parlaient. «Nous avons fait ça pendant plusieurs mois. Mes parents avaient appris que l’on se voyait et n’étaient pas contents. Je devais épouser un fermier.»

En janvier, alors que la jeune Micheline avait attrapé froid à force de rester avec son bien-aimé devant la porte de sa maison, le père Denotte a revu ses positions: « Tu lui diras qu’il entre.» «Léon a donc demandé la permission de mon père pour me voir. Il lui a répondu que c’était d’accord, puisqu’il persistait ». Les rendez-vous se sont enchaînés dans le salon des Denotte. « On mettait le tourne-disque et on dansait. On n’était jamais tout seul et on ne pouvait pas se toucher. Ma sœur a ensuite rencontré son mari dans une fête locale, et nous nous voyions à quatre dans le salon pour danser.»

Trois ans plus tard, Micheline et Léon se sont mariés. Elle était en tailleur blanc, un tailleur comme la première fois qu’ils s’étaient rencontrés. «Nous avons dû attendre septembre 60 – la fin de la moisson, normalement. Sauf que cette année-là, les moissons ont été retardées car il avait plu tout le mois d’août. Sur le chemin pour aller chez le photographe, nous avons vu les moissonneuses dans les champs voisins… Mon père n’était pas ravi d’avoir loupé le premier jour de beau temps!», rit encore Micheline. Leur petite fille est née moins d’un an plus tard. Micheline n’a cessé d’aider son père à la ferme. « Léon venait nous aider après son travail à la Province de Liège. Ces années étaient des années dorées.» Bien avant de s’inscrire sur des sites de rencontre, Chapon-Seraing attendait avec impatience le bal du village en trayant les vaches.