Huy: «On allait nager en Meuse»

De 1942 à 1963, Camille (84) tenait avec ses parents un petit magasin de tissu en face de l’hôtel de ville. Elle chérit encore profondément sa ville.

«Tu sais, il faut toujours se marier avec quelqu’un de sa rue.» Ce credo, Camille Ancion, bonne maman de trois petites-filles, n’a eu de cesse de le répéter à celles qui voulaient bien l’entendre.

Hutoise de génération en génération, mariée à un Hutois pure souche également, elle ne jure que par sa ville, et c’est avec émerveillement et nostalgie qu’elle relit inlassablement tous les livres, recueils de photo et articles que l’on écrit à son sujet.

«J’habitais sur la Grand-Place, au-dessus de mon magasin. Il était situé à la place de la banque, à côté du Jazz Matazz. À l’époque, c’était un Shoe post… On y vendait du tissu d’ameublement avec ma maman.»

Fille unique, elle doit bien avouer qu’elle ne sortait pas beaucoup à l’époque. «Mais ma famille élargie possédait neuf commerces dans toute la ville. Où que j’aille, c’était chez moi», sourit-elle.

Elle allait souvent au cinéma «Le Palace», rue des Rôtisseurs, avec ses parents, tous les week-ends. Elle se souvient aussi de l’Harmonie, à la place de l’IPES, un grand espace où les jeunes se retrouvaient. «C’était une société de musique, il y avait des concerts, des spectacles, des chorales. Puis un baby-foot et des tables de ping-pong pour les garçons. Pendant quelques années, il y a eu aussi une patinoire pour faire du patin à roulette! C’était gai

Camille aimait l’animation de la Grand-Place le jour du marché, et les baignades interdites des jeunes en Meuse à «l’hospice des vieillards», comme ils appelaient ce lieu à Tihange.

Puis elle a rencontré Jean. Il était à peine plus âgé qu’elle. «On était à l’école gardienne ensemble. Puis on s’est perdu de vue. » Jean faisait partie d’une famille de trois garçons, tous footballeurs, et même plutôt bons, à leurs heures perdues. «Je le croisais tout le temps, partout. Il allait à l’école moyenne, et à l’époque, les jeunes se retrouvaient Rue des Augustins, en face de chez Roger, avant d’aller au cours. On se faisait un signe de tête. Jusqu’au jour où on s’est retrouvé au même mariage…»

Bien avant d’organiser des «Events Facebook», Huy se promenait d’une rive à l’autre.

Légende de la photo : À l’époque, tous les mercredis, le marché prenait ses aises sur la Grand-Place même

Avant l’Avenue des Ardennes…

La rue principale de Huy, à l’époque de Camille,c’était la Rue du Pont et la rue Sous-le-Château. C’était avant 1967…

Économiquement parlant, Huy a toujours été le centre névralgique des communes voisines. C’est pourquoi la Grand-Place et les rues des alentours n’étaient que commerces en tout genre. «Autour du commerce de ma maman, il y avait beaucoup de commerces de vêtements, des chapelleries, des boutiques de tissus, des maroquineries… Puis quelques magasins alimentaires. Je me souviens très bien de la boulangerie Lapierre, au coin de la rue des Brasseurs, on allait systématiquement y chercher notre pain! Maintenant, ce ne sont plus que des cafés et des restaurants.»

La chambre de Camille donnait sur la Grand-Place. À l’arrière de sa maison, à l’époque, jusqu’à la fermeture du magasin en 1963, elle avait un petit jardin, puis l’abattoir. «Tout a été détruit lorsqu’on a décidé de faire la grande percée.» Le passage des camions dans la rue du Pont devenait impossible, il n’était pas rare qu’un ou l’autre arrache les façades des maisons en voulant se croiser. Dans les rues de Huy et ailleurs, on parle même d’asphyxie à l’époque.

«Alors, on a déménagé rue Griange», continue Camille, quelque peu désolée, comme beaucoup de Hutois, de la disparition de son joli quartier d’antan pour ce qui allait quasiment devenir une autoroute. À l’époque, les travaux étaient gigantesques et ont duré des années. Le Hoyoux, qui faisait un peu office d’égouts a été voûté en partie. Une première partie a été inaugurée en 1969, faisant de Huy un carrefour monstrueux entre la Hesbaye, le Condroz et Namur. Depuis lors, l’Avenue des Ardennes a été réaménagée avec une piste cyclable notamment, il y a de ça une dizaine d’années.

Légende photo du haut : La rue du Pont, rive droite, était la rue principale entre les deux rives. Très étroite, elle a vite posé problème quand la voiture a fait son apparition.

Légende photo du bas : La rue Neuve, à l’époque, n’était qu’une petite artère pleine de commerces. Le Pontia, le pont principal reliant la rive droite et la rive gauche, a souvent été détruit et reconstruit. « Rue Neuve, il y avait le Caméo, un cinéma qui passait des films un peu plus légers », se souvient Camille.