Marchin: boire un p’tit verre chaussée des Forges

La famille Compère vit depuis toujours dans les alentours de la chaussée des Forges, à Marchin. Une route bordée, à l’époque, d’une vingtaine de cafés.

Quand ils ne djosent pas wallon ensemble, Freddy et Willy Compère se plaisent assez à évoquer leur adolescence le long de la chaussée des Forges il y a une cinquantaine d’années. Tous deux employés par l’usine Delloye-Mathieu dès leur plus jeune âge, ces Marchinois pure souche sont toujours restés dans les environs de ce fameux lieu-dit, «Les Forges».

«On nous appelait les crasseux», rit Freddy, papa de la 1re échevine de la Commune, Marianne Compère. Car même si Marchin est resté Marchin après la fusion des communes des années 70-80, chaque recoin des 30 km2 était peuplé de gens qui se regroupaient autour d’une identité forte. C’était le cas des habitants de la forge. Et la famille Compère et ses cinq enfants étaient membres à part entière d’une communauté qui aimait beaucoup… boire un petit verre. Car, à l’époque, du Pont de Bonne jusqu’à Huy, il n’y avait pas moins d’une vingtaine de cafés le long de cette fameuse chaussée. Le samedi soir, Freddy allait au café Chez Bourlon. Un café où il avait ses habitudes. «On jouait aux cartes et on buvait des bières», se souvient-il, tout sourire. Couillon, bridge et même piquet – un jeu à 32 cartes dont les règles semblent obscures, l’homme doit bien avouer exceller en la matière. «Ma sœur travaillait à la Gatte d’or. On connaissait bien le patron.» Une fois la journée finie, le salaire payé, les hommes fonçaient rejoindre leur table fétiche, le patron et surtout fidèle ami, et enchaînaient blagues coquines et parfois quelque peu machistes entre eux. «Mais tout a changé quand je me suis marié», assure Freddy.

Ils se sont rencontrés à la kermesse

Son épouse, originaire de Bruges, il l’a justement rencontrée lors de la fameuse fête de quartier de sa rue. «Pendant la guerre, elle vivait d’abord à Warnant-Dreye avec sa famille, raconte avec chaleur Freddy. Ils sont tombés amoureux de nos campagnes et sont revenus quelques années plus tard.» Ils ont ensuite déménagé rue Rouge Renard, à quelques mètres de la maison des Compère, en plein sur la Chaussée. « La fête du quartier des Forges, c’était quelque chose. Elle avait lieu au moins de juillet. Il y avait des carrousels, des toboggans, des courses de cochon d’Inde, des concours de chants de pinsons…». «Et des concours où il fallait couper la tête d’un coq les yeux bandés !», enchaîne Willy, son frère.

Puis il y avait la fameuse guinguette, dans une baraque en bois où l’on jouait de la trompette, de la guitare et de l’accordéon. Et où les hommes avaient enfin l’occasion de séduire les jeunes femmes qui avaient enfin obtenu la permission de sortir et de danser.

Puis, la chaussée a été déplacée. Nous sommes dans les années 70. La route passait alors dans l’usine. «Il y a eu un projet de détournement pour faire un parking pour les voitures. Et une quarantaine de maisons ont été arrachées», se souvient le Marchinois. Et les cafés ont commencé à disparaître…

Bien avant d’acheter son alcool au Night&day du coin, Marchin buvait à la santé de ses cafetiers, un jeu de cartes en main.

« Parfois, en été, papa et maman organisaient des fêtes chez eux. Il faut dire qu’à l’époque tout le monde venait chercher son beurre et son lait chez nous, on connaissait tout le monde. Mon père aidait les villageois en charruant parfois certains terrains et en échange, les voisins venaient donner un coup de main à mon père après leur journée. Il arrivait souvent que l’on fasse la fête jusqu’à deux heures du matin, comme après la communion de ma sœur. On dansait le cramignon. » Et même si elle souvient quand même d’avoir été au cinéma le Vigilanti à Verlaine lorsqu’elle courtisait ou être allée au réveillon de Nouvel an à Stockay Saint-Georges en camionnette, pour Micheline, c’était toujours la vie de famille à la ferme qui primait avant tout et qui a toujours primé.

Légende de la photo : Après une fête de famille, il n’était pas rare qu’un cousin finisse la soirée à cuver dans le jardin des Compère.

À Huy à vélo pour les jeunes filles

Même s’il était plus simple d’aller vider sa goutte après le boulot en traversant la route, descendre à Huy était très rapide.

«J’avais mon vélo. Willy, sa mobylette. Descendre jusqu’à Huy ne prenait que quelques minutes.» Et, au pire, il y avait aussi à l’époque le train qui faisait Landen-Statte-Ciney. Et les attraits de la Belle Huy étaient nombreux pour ces jeunes garçons libres comme l’air. «On descendait à 4 ou 5. On allait au cinéma, à la piscine ou au marché.» Les deux hommes se souviennent de quelques noms d’endroits phares de leur adolescence, le sourire aux lèvres. Le café le Pourquoi pas rue des Rôtisseurs, les cinq cinémas de la ville, le Palace – plutôt film historique, Le Caméo rue Neuve qui proposait des films plus légers, le Kursaal près du Batta, qui ciblait un public féminin,… Puis la piscine, extérieure à l’époque, qui restait un des endroits favoris de Willy pour les jolies filles qui y défilaient en maillot de bain. Aller à Huy, c’était l’occasion de changer d’air… et donc de rencontrer des jeunes filles venues d’ailleurs, et ce, sans attendre la fameuse fête du quartier.

 

Légende de la photo : la route de la chaussée des Forges jusqu’à Huy n’était pas bien longue…