Arrivé au MET (ministère de l’Equipement et des transports, l’ancêtre du SPW Routes) à Arlon en 1975, Jean Cornet a gravi les échelons pour en devenir le directeur jusqu’en 2008. Autant dire que l’ingénieur arlonais a participé activement à la construction de l’E411 en province de Luxembourg. Mais les Luxembourgeois n’ont pu gérer l’entièreté du chantier.
« C’est la direction générale des autoroutes, installée à Namur, qui gérait tout le dossier, mais le pouvoir politique a décidé de changer le fonctionnement au milieu des années 70 et de remettre la responsabilité aux directions territoriales. On a principalement hérité de l’achèvement des routes, alors que toutes les études et les plans avaient été réalisés au préalable par les gens de Namur », précise Jean Cornet.
Le tracé déjà décidé, les Luxembourgeois (dont J. Cornet, B. Degros ou encore M. Delbrassine) ont donc surtout géré la pose du survêtement du côté d’Arlon et de son contournement fin des années 70 avant de remonter peu à peu vers Habay puis Léglise, avec le terrassement encore à réaliser à certains endroits.
Pour les ingénieurs luxembourgeois, c’était la « plus belle des périodes, comme aime le rappeler Jean Cornet. On construisait des ponts, des autoroutes, etc., c’était des chantiers extraordinaires. Et pas que de l’entretien simple comme c’est bien plus souvent le cas aujourd’hui ».

La tourbe de la Semois et le schiste de Habay

Un chantier pharaonique que celui de l’E411, qui a pourtant évité les contretemps à répétition dans sa conception. « En dehors des marécages de la Semois, nous n’avons pas eu de mauvaise surprise », se souvient l’ancien directeur du MET.
« Avec la Semois, on a dû remblayer la tourbière en tenant compte du chemin de fer qui passe juste à côté, précise-t-il.  Il était impossible pour nous d’enlever toute la tourbe de ces marécages, donc il a fallu trouver une autre solution. Et l’on devait travailler de manière originale pour éviter de faire bouger le talus du chemin de fer.  Nous avons donc posé un film sur la tourbe, sur lequel on a remblayé. On a ensuite posé une surcharge d’environ deux mètres de hauteur destinée à tasser la tourbe, tout en évitant que cette dernière s’écoule latéralement et qu’elle ne vienne perturber la stabilité du talus du chemin de fer. » Mais ce n’est pas tout car à l’époque, on parlait déjà d’environnement : « Oui il y avait déjà des soucis écologiques. Pour éviter la contamination de la Semois par les hydrocarbures ou le sel de déneigement, on a créé trois bassins d’orage ».
Autre tronçon qui, s’il n’était pas une mauvaise surprise, a été compliqué pour les ingénieurs et ouvriers : la traversée de Habay : « À partir du Truck center en remontant vers la forêt d’Anlier car on devait passer à travers du schiste d’Ardenne et de différentes argiles. Il a fallu traiter ces dernières à la chaux car c’était impossible à compacter sans cela ». Rien d’insurmontable donc.
Une fois l’autoroute terminée, le MET Luxembourg a équipé certaines parties de murs antibruit, comme à Fouches, et s’est attelé à installer les téléstrades, ces téléphones qui bordent encore nos routes de nos jours.

« Un seul regret… »

Trente  ans plus tard, modeste, Jean Cornet ne le dira pas aussi clairement, mais il ressent une certaine fierté d’avoir participé à ce fameux chantier dont il apprécie le tracé. « Oui, il est bien, assure-t-il. Moi qui viens d’Houdemont à la base, il suffit de regarder le nombre de villages qui ont été désenclavés grâce à l’E411 et qui ont pu se développer ensuite. Il suffit de regarder Léglise par exemple. Pour les emplois, cette E411 a été clairement un vrai plus. »
L’ancien directeur nourrit tout de même un petit manque : « Mon seul regret, c’est que les responsables n’ont pas compris qu’il fallait développer l’A28 d’Hondelange vers Messancy. Quand on voit tous les soucis de circulation à Weyler pour sortir de l’autoroute et retourner vers Messancy, cela aurait été un fameux échappatoire ».
Un petit regret qui ne ternit pas pour autant les souvenirs de ce chantier conclu avec l’inauguration en 1988 en présence du roi Baudouin. Un roi que Jean Cornet avait déjà rencontré en 78 pour le viaduc d’Houffalize. L’E411, chantier royal.

A28 : le chaînon de plus en plus manquant

À hauteur d’Hondelange, depuis plus de 40 ans, deux pilastres situés au bord de l’E411 attendent le tablier d’un hypothétique pont. Ils rappellent qu’un échangeur doit être aménagé pour relier la jonction autoroutière A28 pour relier l’E411 au contournement de Longwy et à l’A30 en France, en traversant une partie du territoire de Messancy.  Il permettrait de soulager la N81 allant vers les Trois Frontières. Un projet de 8 km qui n’a jamais vu le jour et qui n’est toujours pas une priorité. Pourtant, à cet endroit précis, la berme centrale est plus large pour permettre, le jour où cette jonction serait construite, d’élargir l’autoroute à trois bandes.  « Cette liaison est toujours dans les cartons de la Sofico. Il fait partie d’un chaînon manquant européen. Il y a 30 ans, on était persuadé de la construction de l’A28 dans la foulée de l’E411 », rappelle Pierre-Yves Trillet, directeur de la direction des routes du Luxembourg. Ce projet a du sens pour fluidifier le trafic. »
Un projet à l’échelle  de la Grande région 
Pour aboutir, ce projet nécessiterait beaucoup de moyens et une volonté politique en Belgique mais aussi chez nos voisins Français qui devraient venir sur l’A31, et Grand-Ducaux qui n’y sont pas particulièrement favorables à l’heure où on parle de mobilité différente, de développer le covoiturage, les transports en commun. « C’est un projet à l’échelle de la Grande Région. Il y a une volonté chez certains d’aboutir mais ce n’est pas la généralité. C’est au ministre des Travaux publics de décider. »
 En 2016, comme nous l’écrivions déjà, le ministre Prévot avait mis ce dossier aux oubliettes.
Mais comme il apparaît toujours dans les projets, le site est encore à ce jour préservé. 
Le projet est inscrit au plan de secteur.  Aucune construction à proximité du tracé n’est autorisée. Il y a trois mois, profitant du chantier de rénovation de l’E411 sur ce tronçon, les quatre parties de piliers situés sur la berme centrale, destinés à porter le tablier du pont ont été rasées. « cela n’empêchera pas le pont d’être construit un jour.  En réalité, le béton d’attente qui recouvrait les armatures n’était pas prévu pour durer plus de 20 ans. Si le pont est un jour construit, l’entrepreneur repartira quand même d’une nouvelle structure.