Le 22 mars 2016, funeste journée

07h00,
un taxi s'arrête

Un taxi s'arrête devant un immeuble de la rue Max Roos à Schaerbeek. On a appelé sa centrale pour prendre en charge trois hommes. Ils sont à l'heure et sont chargés. Le taximan veut embarquer les valises dans le coffre de son véhicule mais ses futurs passagers préfèrent les placer eux-mêmes. Ils voudraient encore en mettre une sur le siège avant. Le taximan refuse. Ce n'est pas autorisé. 

Dans la voiture, un seul du trio discute avec le chauffeur. Il parle des États-Unis qu'il n'apprécie guère. Les trois passagers : Mohamed Abrini, 31 ans, Ibrahim El Bakraoui, 29 ans, Najim Laachraoui, 25 ans. Les trois hommes se savent traqués, ils ont fait une croix sur un attentat à Paris. Ils vont frapper Bruxelles.  Dans les valises, des bombes.

07h45,
l'entrée dans le hall

Le taxi s'arrête devant le terminal de départ de l'aéroport de Zaventem. Les trois passagers, une nouvelle fois, tiennent à s'occuper eux-mêmes de leurs bagages qu'ils sortent du coffre. Ils entrent dans le hall de départ, chacun avec un chariot. À cette heure-là, il y a déjà beaucoup de voyageurs dans l'aéroport. Nez en l'air en train de regarder les horaires distillés par les panneaux d'affichage ou plongés dans  leurs sacs pour retrouver leurs billets.

07h58,
l'explosion à Zaventem

Des cris retentissent. Tout de suite après, une explosion. Ibrahim El Bakraoui déclenche la première bombe à hauteur du comptoir d'enregistrement no 11. Le souffle balaie tout sur son passage. Les gens n'ont pas le temps de comprendre ce qui arrive.

Quelques secondes s'écoulent, une dizaine.  Najim Laachraoui actionne la deuxième charge. La déflagration a lieu près des comptoirs d'enregistrement 2 et 3. 

Le faux plafond s'effondre, la façade est éventrée. Le dispositif anti-incendie déclenche une pluie intérieure. Le sol est jonché de débris, de valises dispersées, de corps mutilés, de morts. Après un calme hébété, c'est le sauve-qui-peut. Les voyageurs sortent comme ils le peuvent.  L'aéroport est évacué.

Des trois terroristes, deux se sont fait exploser. Le troisième, celui qui deviendra très vite l'homme au chapeau, Mohamed Abrini n'a pas été jusqu'au bout. Il quitte l'aéroport. Il abandonne sa valise qui n'a pas explosé. La plus puissante des trois bombes.  Grâce aux images des vidéos surveillance, elle sera repérée et neutralisée par les démineurs. Celle-là ne fera pas de victime. 

08h30,
les premières images

Les premières images se répandent sur les réseaux sociaux où l'on distingue un hall dévasté et des gens qui fuient. Un centre de crise est ouvert au même moment. Quelques minutes auparavant, la SNCB a suspendu le trafic ferroviaire vers l'aéroport. Un peu plus tard, c'est le trafic aérien qui est interrompu.

08h45,
le départ pour le métro

Khalid El Bakraoui quitte un appartement de l'avenue des Casernes, à Etterbeek. Il est avec Osama Krayen, 23 ans. De là, les deux hommes se rendent à pied à la station de métro Pétillon. Mais là, Ossama Krayen se dégonfle. Il fait demi-tour. Khalid El Bakraoui, lui, s'engouffre dans la station. Il prend la ligne 5.  Destination, Maelbeek.

09h11,
l'explosion à Maelbeek

Station de métro Maelbeek, à 300 m des institutions européennes. Une rame en direction d'Arts-Loi s'arrête.  Un homme, sac à dos en bandoulière, suit le mouvement de la foule. Il entre dans la deuxième voiture. C'est Khalid El Bakraoui, 26 ans, le frère d'Ibrahim. Le convoi s'ébranle et puis c'est l'explosion. La troisième. 

Dans cet espace confiné, c'est l'horreur. Le souffle d'une violence inouïe. Les tôles sont déchirées. Une lumière intense, un flash et puis tout s'éteint. Les victimes, ici aussi, sont nombreuses. Mutilées.   Cette odeur de fumée, de brûlé. Les rescapés cherchent l'air libre et s'effondrent sur le trottoir quand ils n'ont pas la force de prendre leurs jambes à leur cou. Ces trottoirs qui bordent la rue de la Loi. 

09h13,
le niveau 4

Toute la Belgique passe au niveau 4. La menace devient « sérieuse et imminente ».  À 9 h 28, les stations de métro sont évacuées et fermées. Les trams et les bus bruxellois sont rappelés par la Stib. Le réseau de téléphonie est totalement saturé. Douze minutes plus tard, un call center avec un numéro d'urgence, le 1771, est lancé. Il est là pour les familles des possibles victimes. À 9 h 50, tout le métro est évacué.

À 10h, la salle des sports de Zaventem se mue en centre d'accueil.

10h40,
«Restez où vous êtes»

Le mot tant redouté tombe et est confirmé par le procureur du roi : attentat suicide. Le message du parquet fédéral passe en boucle : « Restez où vous êtes. » Une vingtaine de minutes plus tard, les magasins commencent à baisser leur volet. Mais voilà, Bruxelles veut éviter les lockdown qui était tombé après les attentats de Paris. 

En début d'après-midi la Stib remet ses bus et ses trams sur rails tandis que la plupart des gares bruxelloises rouvrent leurs portes à 16 h. 

20h00,
le recueillement

Les premières personnes se rassemblent place de la Bourse. Avec des craies, des fleurs, des petits mots. Pour rendre hommage aux 300 blessés et 32 personnes qui ont perdu la vie : 16 à l'aéroport, 16 dans le métro. Comme une équité dans l'abomination.

Texte : Albert Jallet