Derrière le masque, un sourire. Sur la table, une main ferme. “Je ne suis pas là pour plaire.” Philippe Godin, le bourgmestre de Pepinster n’a pas hésité à prendre des mesures qui ont pu faire grincer des dents. Des mesures en avance sur le Fédéral. Et à chaque fois, le bourgmestre a essayé que le citoyen comprenne les mesures prises localement. Après un an de crise, il affirme d’ailleurs qu’il y a une adhésion.

Comme si le temps s’était figé. Sur la porte de l’ancien hôtel de ville de Pepinster figure toujours l’arrêté du bourgmestre datant du 13 mars interdisant, notamment, les rassemblements dans les plaines de jeu et les terrains multisports. Philippe Godin la montre du doigt en pénétrant dans le bâtiment. Dans son costume 3 pièces, l’homme respire la confiance. Une confiance confortée par ses 14 années au pouvoir et par sa large majorité au conseil communal de Pepinster, qu’il n’hésite pas à glisser dans la conversation.

En ce début février, alors qu’une fine couche de neige recouvre sa ville, Philippe Godin jette un œil sur son “année Covid” qu’il semble avoir traversée avec une certaine assurance.

D’une part grâce aux chiffres de suivi “Ils me parlent car je peux voir si les mesures prises sur la Commune ont une conséquence”. D’autre part grâce à sa présence sur le terrain. Comme ce jour à la sortie du premier confinement: “En quittant  l’administration communale, j’aperçois 30 personnes faisant la file devant un magasin, dont plus de la moitié n’avait pas de masque et discutant ensemble. Je me suis dit “non, ce n’est pas possible, on sort du confinement et on se trouve dans une situation où les gens se lâchent. J’ai fait demi-tour, je suis retourné à l’administration pour prendre un arrêté imposant le port du masque dans les commerces, dans les professions libérales et dans leurs abords immédiats ”.

Ces mesures ne passeront pas inaperçues, remontant jusqu’au ministère de l’Intérieur. “J’ai été interrogé par le gouverneur qui m’a dit que je ne pouvais pas prendre des mesures qui soient plus restrictives que celles prises par le gouvernement fédéral.” Philippe Godin doit alors se justifier. Une justification en 2, 3 pages. “Le gouverneur m’a répondu qu’il n’était pas à 100% convaincu et qu’il était en droit d’annuler mon ordonnance de police.” Le dossier est alors renvoyé au ministère de l’Intérieur. “J’ai été interrogé oralement: “monsieur le bourgmestre, vous êtes priés de respecter le principe de ne pas aller au-delà des mesures.” Mais Philippe Godin ne compte pas en rester là. Il écrit au ministre de l’Intérieur de l’époque, Pieter De Crem. “Je lui ai dit que je ne retirerais pas l’ordonnance et que je ne m’estimerais pas responsable si un cluster se créait au départ d’un des commerces. Je n’ai plus jamais entendu parler de Pieter De Crem.” Au final, il estime ainsi avoir eu raison le premier “le gouvernement fédéral a compris qu’il fallait inverser le rapport de force: voici les règles et c’est aux bourgmestres de les appliquer, quitte à prendre des mesures plus restrictives si nécessaire.”

Ne pas plaire mais faire comprendre

Des mesures impopulaires à appliquer ou à prendre. Avec la crise du Covid, les bourgmestres ont vécu des situations inconfortables. “Ce n’est pas toujours facile, nous ne sommes pas une très grande commune, vous connaissez beaucoup de gens, vous devez parfois décevoir ”, reconnaît Philippe Godin. “Mais je ne suis pas là pour plaire, je suis là pour prendre des mesures que je juge indispensables à la collectivité.” Le bourgmestre n’a, par exemple, pas hésité à faire fermer toutes les buvettes suite à un cluster dans un club. “Si vous n’êtes pas responsables, on le fera pour vous.”

Philippe Godin estime que la communication et la pédagogie ont toute leur importance: “J’ai essayé que le citoyen comprenne les mesures, j’ai essayé de donner une réponse claire. Je les ai félicités. Le fait que la population aie adhéré aux décisions que j’ai prises, qui étaient plus restrictives, montre qu’il y a une confiance, qu’on est le référent sur la commune. Les gens comprennent que les décisions sont pesées et qu’elles sont dans l’intérêt collectif.” C’est justement cette défaillance de communication que le bourgmestre regrette au niveau des instances supérieures.

Un WhatsApp des bourgmestres verviétois

L’interprétation des mesures et les difficultés qu’elle peut entraîner a été soulignée par plusieurs bourgmestres rencontrés dans le cadre de cette série de reportages. En province de Liège, les bourgmestres des communes de l’arrondissement de Verviers échangent via un groupe WhatsApp. “L’objectif est d’avoir une approche identique et qui peut être spécifique à notre région (tourisme…).” Et ça tourne pas mal. Le mercredi de notre rencontre, en fin de journée, ce ne sont pas moins de 39 messages non-lus qui attendent Philippe Godin.

Un an après la crise, Philippe Godin garde plus que jamais son cap, il sait où il va et ce qu’il veut. De quoi voir Pepinster damner le pion à Verviers en accueillant un des deux centres de vaccination majeure en province de Liège.

Découvrez l’interview tac au tac de Philippe Godin