« Je ne me fais aucun souci pour son après-carrière »

En couple avec Philippe Gilbert depuis 2018, Bettina accompagne le coureur belge dès qu’elle le peut. À l’entame du dernier Tour de France de son mari, la maman de Valentine évoque la carrière de son champion… mais pas seulement.

Bettina, comment Philippe et vous vous êtes-vous rencontrés ?

J’étais mariée à un coureur cycliste (Julien El Fares) dont je me suis séparée en 2015. Je connaissais donc Philippe des paddocks. Le vélo est un petit milieu, vous savez. On se connaissait sans vraiment se connaître. Je me souviens qu’un jour, il avait publié sur Instagram une photo de lui durant le Tour de Suisse. Même si je n’étais pas fort présente sur les réseaux sociaux, je l’ai vue et je l’ai likée parce que je la trouvais très belle. Tout de suite après mon like, il m’a contactée… On a échangé pendant toute une période avant de nous rapprocher.

Assez vite, au début de votre relation, il atteint l’un des sommets de sa carrière en gagnant Paris-Roubaix…

En fait, on s’était rapprochés l’un de l’autre en juin 2018 et un mois plus tard, il se cassait la rotule au Tour de France. Cette blessure a renforcé nos liens car je l’ai épaulé comme je le pouvais. À cette période, j’ai été fort présente pour lui. On peut dire que j’ai été à son chevet dès le début. Quelques mois après, il gagne le GP Isbergues et enchaîne, en avril, avec Paris-Roubaix.

Quand on est dans le monde du vélo depuis longtemps, que ressent-on quand son compagnon gagne l’Enfer du Nord ?

J’ai toujours aimé le vélo et particulièrement Paris-Roubaix. J’admirais cette course. Du coup, voir Philippe gagner m’a procuré des émotions très fortes. Le sport en offre beaucoup en général mais, là, c’était encore plus fort pour moi. Disons qu’en gagnant la reine des classiques, Philippe m’a offert un super souvenir.

Il fait partie de ces gens nés pour travailler là-dedans. Philippe est fait pour le cyclisme, et pour le faire progresser.

Après, il y a eu une période très difficile avec, notamment, la pandémie de Covid. Comment a-t-il vécu tout ça ?

Par moments, il y a eu des passages compliqués comme dans tous les couples. Et puis, pour les cyclistes vivant à Monaco, c’était très difficile parce qu’ils ne pouvaient pas s’entraîner, contrairement à ce qui se faisait en Belgique. Donc, Phil ne pouvait pas rouler. Il tournait comme un lion en cage. Je me souviens d’un Philippe en manque. C’était clairement ça. Il était très nerveux. En outre, quand il n’y a pas de compétition, il est difficile pour un sportif de se fixer des objectifs. Or il en a besoin pour avancer.

Cette pandémie a-t-elle renforcé vos liens ?

Oui. Pour la première fois, on a vécu tout le temps ensemble. On a appris à le découvrir, à mieux se comprendre. Attention : cela ne fut pas facile tous les jours. Un sportif qui est à l’arrêt ne le vit pas bien. Par ailleurs, il fallait maîtriser la prise de poids. Il fallait peser tout ce que Philippe mangeait. On a dû s’adapter, oui. Le plus difficile était de ne pas exagérer dans la nourriture, de se faire plaisir en mangeant. C’était tentant car on n’avait presque plus d’autres loisirs. Pour nous faciliter la vie, on s’était aménagé un petit rythme, avec du sport, que l’on essayait de respecter. Enfin, il voyait sa retraite arriver au galop et ça le rendait nerveux. Il ne savait pas bien combien de temps il allait pouvoir reprendre le vélo.

Quel rôle jouez-vous pendant les moments de doute ? Vous le rassurez ?

Oui. Mais ce n’est pas toujours facile parce que l’on ne sait pas toujours comment les sportifs perçoivent les choses, ni ce dont ils ont besoin. On voit ça de l’extérieur. Moi, quand il doutait pendant la pandémie, j’allais à l’essentiel. Je lui rappelais tout ce qu’il avait déjà gagné et fait dans sa carrière. Je lui disais qu’il n’avait plus rien à prouver. Mais cela ne suffit pas toujours parce qu’un sportif de très haut niveau a tendance à en vouloir toujours plus.

Philippe a un côté hyperactif…

(Elle coupe) Alors, je vous rassure : il dort plus que moi. Le truc, c’est qu’il a la capacité de faire des micro-siestes partout, dans l’avion, dans le train, à la maison. Je suis envieuse. Philippe est un lève-tôt qui a la sieste facile.

Philippe s’implique énormément dans le cyclisme, il ne se contente pas d’être coureur.

C’est quelque chose que j’apprécie énormément chez lui. J’ai le même profil que lui. C’est d’ailleurs pour ça que l’on s’entend aussi bien. C’est très motivant pour moi de partager ma vie avec quelqu’un qui multiplie ses activités.

Quand vous avez connu Philippe, que pensiez-vous de lui ?

Il dégageait quelque chose d’assez humain. Il avait une personnalité attirante. J’ai découvert aussi qu’il a un caractère bien trempé. Il paraît que c’est typique des Ardennais. Au début, il était aussi comme… beaucoup de sportifs, à savoir qu’il faut tout leur faire : la valise… Il s’est aussi amélioré de ce point de vue-là. En revanche, quand on s’est rencontré, il est tombé sur quelqu’un qui lui tenait tête. Et heureusement que j’ai du caractère parce que j’aurais pu être vite écrasée (rires). Parfois, entre lui et moi, ça fait des étincelles.

Comment imaginez-vous son après-carrière ?

C’est une bonne question. Je ne l’imagine pas toute la journée à la maison. Même pour moi, ce serait compliqué si l’on n’avait pas chacun des activités. Mais, avec toutes les propositions qu’il reçoit, je ne me fais aucun souci pour son après-carrière. Elle sera bien remplie.

On peut se douter qu’il reçoit beaucoup de propositions dans le monde du vélo.

C’est certain. De toute façon, je n’imagine pas Philippe en dehors du monde du vélo. C’est inimaginable. Je ne le vois pas sortir du milieu. Il fait partie de ces gens nés pour travailler là-dedans. Philippe est fait pour le cyclisme, et pour le faire progresser.

Où imaginez-vous votre futur commun ? A Manosque, où vous habitez ou à Monaco, où il réside ?

On ne sait pas encore. Il a ses garçons à Monaco et mon gamin est scolarisé à Manosque. La seule certitude est que l’on gardera, au minimum, un pied à terre à Monaco.

Quel souvenir gardez-vous de votre voyage de noces au printemps dernier ? Philippe a quand même escaladé deux fois le Mont Ventoux à cette occasion. C’est assez original…

On savait qu’on n’aurait pas la possibilité de partir dix jours dans les Caraïbes parce que Philippe préparait le Tour de France. Du coup, on a passé un peu de temps dans le Lubéron. Mais ces deux ascensions, c’est tout Philippe. Même en vacances, il n’arrive pas à poser son vélo.

L’an dernier, il a failli jeter l’éponge durant le Tour de France. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

C’était terrible. Au son de la voix ou aux traits du visage, on sait si la journée fut bonne ou mauvaise. Parfois, il faut lui parler. Parfois, il ne faut surtout pas le déranger parce qu’il n’est pas dans des dispositions pour écouter. Ce sont des caractéristiques de sa personnalité. J’ai appris à le connaître et, là, j’ai compris tout de suite qu’il fallait lui parler. Je lui ai dit de s’accrocher, de terminer pour lui.

A contrario, le dernier Liège-Bastogne-Liège fut un grand moment pour lui. Quel souvenir en gardez-vous ?

Je n’ai pas été surpris par sa popularité. Comme je suis le vélo depuis toujours, je savais que Philippe était une icône en Belgique. Je me doutais que ce serait sa fête dans la Redoute. Cela dit, cette semaine-là, j’étais censée enterrer ma vie de jeune fille en Espagne. Tous les billets d’avion étaient déjà payés. Mais je sentais que Philippe me voulait à ses côtés. Donc, on a tout annulé et j’ai emmené mes copines passer le week-end à Liège. On a fait quelques brasseries de la ville, on est allée au resto et, puis, on est allée rejoindre la famille de Philippe sur la course. Et dans la Redoute, c’est difficile de s’ennuyer.