Ancienne capitale de l’État, la très conservatrice Goiás n’en demeure pas moins le berceau de la réforme agraire.

Encourager l’émancipation des femmes afin de développer la vie des communautés rurales : tel est l’un des objectifs poursuivis par la Commission pastorale de la terre (CPT).

« Nous soutenons de tels projets dans le milieu rural, car il s’agit aussi d’une forme de résistance de victimes de violences, explique Saulo Reis, coordinateur de la CPT dans l’État de Goiás. Nous aidons les femmes à trouver leur place en leur donnant du pouvoir, des responsabilités. »

Depuis Minaçu, Padre José Cornelio dos Santos, prêtre de l’église Nossa Senhora das Graças et membre bénévole de la CPT, œuvre en ce sens à travers divers projets menés au sein de plusieurs communautés rurales de son diocèse.

« Nous travaillons cela pour que les femmes puissent trouver leur place dans l’organisation de la communauté et devenir autonomes, justifie le prêtre. Ce travail est très important, parce qu’il concerne non seulement les femmes, mais aussi les familles et l’ensemble de la communauté ».

Un mouvement féministe paysan

Quelques kilomètres plus loin, Julciane Inès Anzilago est venue s’établir voici une quinzaine d’années dans la petite ville d’Uruaçu.

Militant depuis son adolescence au sein du Movimento de Mulheres Camponesas (MMC), un mouvement d’émancipation des femmes paysannes, cette professeure à la Faculté Serra Mesa (FaSeM) a développé, en partenariat avec la CPT, un cursus qui vise à sensibiliser les consciences féminines en faveur d’une réelle autonomie.

« Le MMC soutient et organise le développement d’un programme de formation, d’organisation et de production qui permet à nous, les femmes, de développer l’autonomie familiale, de donner du sens à nos vie en tant que femmes, de faire connaître nos droits, de combattre la violence, de lutter contre l’agrobusiness et contre les entreprises minières qui pratiquent l’oppression et qui tuent toute la classe des paysans, explicite Julciane. Nous voulons développer de nouvelles relations entre les humains, mais aussi avec la nature, toujours en envisageant le changement, qui est important, auquel on rêve et dans lequel on croit. »

Pour la jeune femme, la situation est d’ailleurs préoccupante : « On pense que, ces dernières années, les femmes et la classe des paysans ont beaucoup souffert avec l’expansion du l’agrobusiness, mais aussi du patriarcat. L’idée est donc de réfléchir et de renforcer nos luttes, pour affronter tout un système qui reste profondément machiste. »

« Les choses avancent »

Mais sur le terrain, le travail n’est pas facile, tant la femme paysanne demeure la plupart du temps dans l’ombre de sa communauté.

« Beaucoup de femmes pensent qu’elles ne veulent pas l’émancipation, qu’elles préfèrent rester dans l’ombre, que c’est là leur place. Mais nous leur expliquons qu’elles ont un véritable rôle à jouer au sein de leur communauté. Que ces femmes ont le pouvoir de changer les choses grâce à de simples petites choses : au sein de leur famille, mais aussi au sein de leur société. Nous parlons reproduction, santé, tâches ménagères, etc. mais je le répète : ce n’est pas un message contre les hommes. Dans certains cas, ceux-ci deviennent mieux sensibilisés à la chose : ils comprennent qu’une femme plus émancipée est un bienfait pour la famille, pour la communauté. Alors ils se mettent à partager les tâches ménagères. Dans d’autre cas, la femme préfère quitter le foyer, car elle sent qu’elle a besoin de partir pour pouvoir pleinement s’émanciper. Les choses avancent. On le voit dans la dimension politique de ces communautés, où de plus en plus de femmes jouent aujourd’hui un rôle de leader. Cela change la façon d’envisager certaines choses, cela influence aussi les débats au sein de ces communautés. Et cela impacte certains choix. »

L’espoir retrouvé avec Lula

Avant l’arrivée au pouvoir de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro, « l’État a aidé à construire le programme de notre action », explique Julciane, faisant référence au MMC. Mais sous sa présidence, « l’État ne nous a plus soutenues et les droits des femmes ont été bafoués. Avec le retour de Lula, c’est aujourd’hui l’espoir qui revient. Un ministère a été créé, où les contacts avec le gouvernement ont pu être rétablis. Le débat a donc repris.

Hausse du nombre de féminicides

Lors de ses deux premiers mandats, le président Lula a changé la loi : désormais, « les droits d’usage d’une terre sont donnés aux femmes », explique Flavio Marcos, directeur du centre national de documentation de la CPT, lequel recense depuis sa création en 1975 tous les conflits liés à la terre. « Cette loi avait pour but de protéger les femmes, lorsque les hommes s’en vont et les abandonnent sans revenu ni quoi que ce soit », précise-t-il.

Mais ce qui devait être une avancée formidable pour l’émancipation des femmes s’est révélée dans de nombreux cas une nouvelle menace. Les conflits, les violences, voire les assassinats de femmes ont augmenté. « Et ces chiffres ont explosés sous Bolsonaro », assure encore Flavio Marcos.

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