Bénéficiant d’une attention médiatique moins importante que l’Amazonie voisine, le Cerrado souffre tout autant du phénomène de déforestation.
L’État de Goiás se trouve au cœur du Cerrado, une savane arborée qui s’étend sur plus de 2 millions de km² et recouvre 20 % de la superficie totale du pays.
Cet écosystème abrite 5 % de la biodiversité mondiale, plus de 1 500 espèces animales endémiques, 800 espèces d’oiseaux, 11 000 espèces de plantes et l’emblématique piuva, un arbre aux racines très profondes qui favorisent l’irrigation du sol et offre au territoire une couverture végétale particulièrement bien développée.
Cependant, ne bénéficiant pas de la même attention médiatique que l’Amazonie voisine, le Cerrado souffre tout autant du phénomène de déforestation.
Entre 1980 et 2010, de vastes flux migratoires ont ainsi été observés, faisant notamment chuter la population rurale de plus de 30 % dans cette zone !
« Depuis le début de ce processus d’invasion des territoires du Cerrado et de leurs peuples, plus de 50 % du total de ce biotope a été dévasté. Et l’Amazonie a été également touchée », écrivait en 2019 Carlos Walter Porto-Gonçalves, professeur à l’Université fédérale de Rio-de-Janeiro, dans la revue Dos Cerrados e de suas riquezas.
À l’inverse, le professeur observe une augmentation de cette même frange de la population de près de 40 % dans la zone limitrophe, bordant l’Amazonie.
Le professeur explique ceci par l’afflux de nombreuses communautés rurales et indigènes ayant fui les pressions exercées par « l’avancée du complexe de développement, la dévastation et les conflits d’accaparement des terres, l’avancée de la déforestation pour le bétail et le bois, la canne à sucre, le soja et aussi l’exploration minière ».
Bénéficiant d’une attention moindre que l’Amazonie voisine, le Cerrado souffre tout autant de déforestation à grande échelle.
Mais le phénomène n’a fait que s’accélérer ces dernières années.
Ainsi, entre août 2021 et juillet 2022, ce sont 10 689 km² qui sont partis en fumée, selon les chiffres publiés fin décembre par le système de surveillance par satellites PRODES de l’Institut national de recherches spatiales (INPE). Il s’agit du pire bilan enregistré depuis 7 ans. À titre de comparaison, sur cette même période, l’Amazonie a perdu 11 568 km².
Durant le mandat du président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui a débuté en janvier 2019, la savane brésilienne a ainsi perdu 33 444 km² de végétation.
Le Brésil, un des leaders mondiaux de l’agrobusiness
Entre 2000 et 2020, le Brésil est le pays où la couverture forestière a perdu le plus de terrain : 54 millions d’hectares, selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette réalité s’explique, en partie, par le développement de l’agriculture.
Premier producteur mondial de fèves de soja et de canne à sucre, le Brésil est également troisième producteur mondial de maïs et d’huile de soja, mais aussi le deuxième producteur mondial de viande de bétail et de viande de volaille. Avec 63 milliards de dollars en 2020, le Brésil trône par ailleurs au premier rang mondial des exportations en net.
Tandis qu’un appareil récolte les fèves du soja battu par la moissonneuse, un autre tracteur passe juste derrière pour déjà planter la prochaine récolte.
« Les feux ne concernent pas tous l’Amazonie »
En 2020, une trentaine d’associations se sont coalisées afin de dénoncer l’utilisation du feu par l’agrobusiness comme outil de déforestation.
Le 6 décembre dernier, les députés européens sont parvenus à un accord préliminaire avec les gouvernements de l’UE sur une nouvelle loi concernant les produits issus de la déforestation.
Selon le texte convenu, si aucun pays ou produit en tant que tel ne sera interdit, les entreprises ne seront pas autorisées à vendre leurs produits dans l’UE sans une déclaration de « diligence raisonnable », selon laquelle les marchandises vendues dans l’UE n’ont pas contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts après le 31 décembre 2020.
Or, l’agriculture intensive au Brésil est l’une des causes principales de déforestation. Notamment à travers des feux de forêt.
Feu de savane déclenché de façon criminelle à proximité d’une communauté rurale dans la région de Formosa (Crédit : MST)
« Depuis plus de 500 ans, le feu est utilisé de façon traditionnelle en agriculture, pour nettoyer les terrains. Ce feu est contrôlé. Mais dans le cadre de l’agrobusiness, son utilisation ne l’est pas. C’est ce que l’on appelle le feu capitaliste, qui sert à étendre les cultures et faire peur aux familles dans les villages », souligne Valeria Pereira Santos, coordinatrice chez Agro É Fogo
Mais « les feux qui provoquent la déforestation ne concernent pas tous l’Amazonie », prévient-elle. Et la responsabilité de ceux-ci est systématiquement rejetée par les acteurs de l’agrobusiness, qui pointent les travailleurs ruraux et les indigènes.
Ainsi, sur les 421 incendies conflictuels recensés entre 2019 et 2021 par la coalition Agro É Fogo, seul un quart (114) concernait l’Amazonie ; plus de la moitié (227) ont par contre concerné le Cerrado.
« Il existe pourtant beaucoup de lois de protection de l’environnement au Brésil, mais elles ne sont pas appliquées, dénonce encore Valeria. Et sous le gouvernement de Jair Bolsonaro, le service chargé de monitorer les problèmes liés à la déforestation (INPE) a vu son financement lui être retiré… »