Descendants d’esclaves en fuite durant la période coloniale, les quilombolas luttent aujourd’hui pour la pérennisation de leur identité et la préservation de leurs terres.

En 1888, plus de cinquante ans après que la traite atlantique ait été rendue illégale, le Brésil est le dernier pays occidental à abolir la pratique de l’esclavage.

Les origines du peuple brésilien sont d’ailleurs étroitement liées à cette réalité : en l’espace de quatre siècles, ce sont 4 millions d’esclaves africains qui ont été débarqués sur les côtes brésiliennes.

Dès le XVIe siècle, certains décident cependant de résister. Ils prennent alors la fuite, quittent les plantations et se réfugient dans les zones plus reculées du pays, où ils fondent les quilombos, des communautés de marrons (esclaves en fuite). Leurs membres sont alors appelés les quilombolas.

Aujourd’hui, nombreuses subsistent les communautés issues de ces quilombos. Et elles gardent désormais fièrement cet héritage de résistance comme étant le cœur de leur propre identité.

« On ne peut pas oublier nos ancêtres, nos racines. Nous devons au contraire aider les générations nouvelles à arroser les fruits », énonce ainsi Antonino Bispo da Silva, leader de la communauté Levantado, dans la région de Iaciara. « Notre façon de résister, aujourd’hui, c’est transmettre notre culture ancestrale, préserver nos communautés, qui sont un cadeau de Dieu et qui nous permettent aujourd’hui de travailler pour pouvoir nourrir nos familles, sans devoir payer. »

À l’instar d’autres communautés de travailleurs ruraux, les quilombolas aspirent désormais à pouvoir utiliser une parcelle de terre où préserver leurs traditions et cultiver leur identité. « Et notre devoir est d’aider la nouvelle génération à prendre le relais », insiste Antonino.

Valdeleze Soares dos Santos fait partie de cette génération. Comme son aîné, elle croît profondément dans les valeurs de sa communauté. « Si nous nous soutenons les uns les autres, alors, grâce à Dieu, nous avançons. Nous pouvons grandir si tout le monde apporte sa pierre à l’édifice ».

Racisme structurel

D’autant que les quilombolas doivent faire face au racisme structurel qui gangrène le pays : « Les vies des communautés traditionnelles sont vues bien souvent comme inférieures », constate Madalena do Sacramento Rocha, leader de la communauté voisine Extrema et chercheuse à l’université de Formosa. « Nous voulons au contraire montrer que notre territoire, c’est notre patrie naturelle, un endroit où vivre et où produire, et qui doit être respecté. »

D’autant que la survie des communautés Levantado et Extrema est aujourd’hui menacée par un projet d’exploitation à deux pas de leurs cultures familiales et communautaires.

« Je prie Dieu pour qu’il protège notre terre, celle où mon grand-père est venu s’établir il y a 100 ans et où mes petits-enfants vivent aujourd’hui. C’est tout ce que je demande », implore Anastasio, le père d’Antonino et ancêtre de la communauté Levantado.

Des poupées pour résister

Afin de sensibiliser les enfants quilombolas à leur culture et leur identité, Maria Madalena do Sacramento Rocha a initié un projet de création de poupées artisanales. Leur spécificité ? Elles sont noires. « À cause du racisme structurel auquel ils sont chaque jour confrontés, les enfants quilombolas pensent que, parce qu’ils sont noirs, ils sont laids. Ces poupées nous permettent d’inculquer à ces enfants qu’ils ont une identité, dont ils peuvent être fiers. C’est aussi une façon de résister et de pérenniser notre culture. »

Produire pour s’affirmer

L’une des principales ressources de la communauté réside dans la vente d’une partie de leur production agroécologique, dont le manioc. « Nous avons reçu de la part d’un député membre du PT (NDLR : le Partido dos Trabalhadores de l’actuel président Lula) une machine qui nous permet de transformer le manioc en farine, que l’on peut ensuite redistribuer entre les familles ou vendre à l’extérieur de la communauté », explique Ronaldo Moreira Lopes.

La menace voisine

La communauté est menacée par le projet de carrière rentré par la puissante entreprise locale Colbrax en bordure de son territoire. « Le bruit, les vibrations, la poussière et le rejet de produits chimiques vont entraîner des dégradations et des maladies dans notre communauté. Nous devons résister pour les plus jeunes », assure Antonino Bispo da Silva.

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