Il n’y a pas si longtemps, le terrain situé rue Trou à la vigne ressemblait à s’y méprendre à un véritable cimetière des éléphants. Nombreux sont en effet les joueurs passés par la D1 qui, au crépuscule de leur carrière, avaient choisi de ranger les crampons après une dernière pige du côté d’Heppignies. D’Alex Teklak à Laurent Wuillot en passant par Bertin Tokéné, le terrain de la Jeunesse locale, centre névralgique de la fusion avec le Sporting Lambusart-Fleurus en 2002, était devenu un acteur incontournable du football carolo jusqu’au déménagement du club vers La Neuville à l’été 2012.

Depuis, pas grand-chose n’a bougé. Le blé et le maïs recouvrent certes les terrains annexes, mais la tribune principale aux couleurs orange et noir à peine délavées trône toujours fièrement au centre du petit stade. Sur un grillage bordant le terrain, on peut encore y lire une banderole : « La JSHLF soutient les ouvriers de Caterpillar », relique du passé qui n’a jamais parue aussi pertinente.

Finalement, seul le bruit du ballon semble avoir aujourd’hui disparu. Et pour cause : les chevaux de l’écurie voisine dite « des Amondrées » ont remplacé les joueurs d’autrefois.

« Quand Pascal Lenoble (NDLR : qui avait fait monter le club de la P4 à la D3) a décidé de prendre du recul, il n’y a pas eu de repreneur au sein du comité et les infrastructures ont été laissées à l’abandon », confie Stéphanie Moreels, nouvelle propriétaire des lieux. « Or, le terrain est en réalité situé en zone agricole. Comme on avait l’écurie juste à côté, c’était une opportunité pour nous. Alors nous l’avons racheté. »

C’est que, face au pas de côté de son président historique, le club a trouvé refuge à Montignies-sur-Sambre, au sein du stade de la Neuville, changeant de nom, passant de main en main, puis de comité en comité, pour finalement atterrir aujourd’hui du côté de Boussu, permettant aux Francs Borains de revivre.

« Je pense que tout le village s’est un peu lié contre nous lorsque nous avons repris le terrain avec ses infrastructures », poursuit Stéphanie Moreels. « Mais ce n’était pas de notre faute s’il n’y avait plus de club et que le terrain devait être réservé en principe à une activité agricole… » Et c’est ainsi que le stade du Trou à la vigne offre désormais un cadre pour le moins original aux 32 chevaux que compte « L’Élevage des Amondrées ».

« Je ne dirais pas qu’il s’agit ici d’un terrain à l’abandon. Au contraire ! Nous essayons de lui redonner un nouveau souffle de vie, nous voulons redynamiser l’espace pour ne justement pas le laisser dépérir. »

C’est que, dans les mois qui ont suivi l’arrêt des activités du club, le petit stade a souffert de l’action de plusieurs bandes de jeunes, n’ayant rien de mieux à faire que tenter de bouter le feu aux installations. « C’était vraiment dommage, car l’ensemble était encore en bon état », reprend Stéphanie. « Nous sommes en train de démonter les deux buvettes qui se trouvaient au bord des terrains annexes mais, pour l’instant, il n’y a pas de raison de toucher à la tribune. »

Une tribune qui symbolise le petit succès du club disparu, mais qui pourrait en vivre d’autres. « Quand des amis viennent nous rendre visite, ils nous disent qu’on doit absolument profiter de ces installations pour y organiser des concours équestres ! On y pense et c’est vrai qu’on aimerait au moins organiser une féria, une grande fête à l’espagnole. Heppignies est aujourd’hui mort. Il ne reste qu’un bar et un petit magasin où il n’y a que deux rayons. Si on pouvait redynamiser quelque peu le village en organisant des activités, ça pourrait être chouette. »

Et des activités, il y en a déjà quelques-unes. « Nous accueillons une soixantaine d’enfants lors de stages d’équitation », précise Stéphanie. « On pense aussi organiser une fête de Saint-Hubert (NDLR : patron des chasseurs, mais aussi des chevaux). »

Par contre, pas question dans un premier temps d’imaginer des activités nocturnes. « Les phares qui éclairaient le terrain sont toujours en fonction, tout comme les douches dans les vestiaires d’ailleurs. Mais ça coûte une véritable fortune de les mettre en route. On pense donc les démonter pour remettre plus tard quelque chose plus en phase avec nos moyens et nos activités. On doit aussi, et c’est bien malheureux, démonter le terrain d’entraînement synthétique qui borde le terrain principal. Cela a sans doute coûté en son temps beaucoup d’argent, mais cela ne me sert à rien dans mon activité. »

On le comprend, l’idée de Stéphanie Moreels est donc de donner une seconde vie aux installations d’un club qui a disparu trop vite, abandonnant du jour au lendemain terrain, tribune, buvette et même marquoir. Ceux-ci offrent aujourd’hui les nombreux vestiges orange et noir d’un glorieux passé local, battis sur les exploits de ceux qui ont arpenté les vestiaires du club pendant près de soixante ans. Mais ce passé, même s’il faudra du temps, « L’Élevage des Amondrées » paraît bien décidé à le faire revivre, autrement, grâce au cheval de Stéphanie, Wylie, et ses 31 compagnons d’écurie.

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Des arbres qui poussent au milieu d’une tribune, de la rouille qui ronge les pylônes d’éclairage, des graffitis qui jonchent les murs des vestiaires, des fantômes du passé qui se souviennent de leurs exploits: L’Avenir est parti à la découverte des terrains de football abandonnés de Wallonie.