Situé en région liégeoise mais évoluant au sein des séries provinciales luxembourgeoises, le club local n’a pas toujours joué sur ce promontoire : « Lors de sa création, il y a une soixantaine d’années, il a d’abord joué de l’autre côté du village », se rappelle Henri Naveau. « Ce n’est que plus tard que mon père, Maurice Naveau, a cédé ce terrain aux dirigeants, par sympathie pour le village. Mais il ne faisait pourtant pas partie du club. Pourquoi ce terrain en particulier ? Parce qu’il était plat ! Enfin, plus ou moins… »

C’est que, avec son affiliation à l’Union belge en 1971, le club intègre le championnat provincial liégeois, avant plus tard de migrer dans les séries du Luxembourg voisin. « C’est essentiellement pour les trajets que le club a demandé cette dérogation », souligne Dominique Cornélis, le dernier à avoir occupé les fonctions de correspondant qualifié (CQ) au sein du club. « L’avantage, c’est qu’il y avait plein de clubs aux alentours qui évoluaient dans les séries provinciales luxembourgeoises : Sart, Manhay, Odeigne, Montleban, Vielsalm, même Houffalize n’était pas loin quand on y pense », embraye Georges Dubois, le dernier président bratois.

Henri Naveau, Dominique Cornélis et Georges Dubois sont la mémoire vivante de l’histoire (récente) du FC Bra

« Là où il y a toujours du vent »

Mais cela n’a pas empêché de nombreux joueurs « liégeois » d’arpenter le terrain du stade Maurice Naveau, dont le plus fameux reste Edmilson. « Lors de la saison 2015-2016, cet ancien de Seraing et du Standard est venu jouer chez nous, il devait avoir quelque chose comme 48 ans », raconte Georges. « C’est vraiment quelqu’un de super gentil, mais il se faisait matraquer à chaque match », se rappelle également  Dominique. « Il était arrivé ici en même temps que le coach, Joseph Guagliardo ».

Si le club a joué deux ans en deuxième provinciale luxembourgeoise, il était devenu au fil des saisons une destination bien connue des cercles locaux de P3. « Là où il y a toujours du vent ». « Ca, c’est vrai », s’amuse Georges. « Le vent contraire a souvent joué des tours aux gardiens qui avaient l’habitude de dégager trop haut. Certains ne comprenaient manifestement pas … » Henri, l’actuel propriétaire des lieux, renchérit : « Une année, lors d’un tournoi de sixte, on avait dressé une tonnelle. Il a suffi d’un coup de vent. On était bons pour aller la rechercher dans le champ voisin. »

« Mais ça fait partie du paysage », reprend Georges. « C’est un joli coin, non ? Les corvées en tant que bénévole ne s’assimilaient pas à des corvées grâce à ce paysage. On y trouve la paix. »

La descente aux enfers

Malheureusement, au fil des dernières années, le petit club de Bra s’est retrouvé englué dans plusieurs problèmes, ce genre de problèmes auxquels de nombreux autres cercles de la région sont aujourd’hui également confrontés.

« La fin du club est le résultat d’une conjugaison de différents facteurs », détaille Georges. « Tout d’abord, on n’avait pas de jeunes. Ce qui a été un drame, car nous étions le seul club de la région à ne pas en avoir. Du coup, on était obligé d’aller chercher des joueurs ailleurs, mais financièrement ce n’était pas évident car l’argent est le nerf de la guerre et les autres clubs n’étaient pas toujours enclins à laisser partir leurs joueurs gratuitement. D’autant que l’Union belge perçoit une taxe sur ces transferts. L’Union belge… Quand il neigeait ici, c’était impossible de jouer, on ne faisait donc aucune rentrée, mais elle réclamait son dû. Quand on n’avait pas d’arbitre au club, on devait payer une amende, quand on n’avait pas d’entraîneur diplômé, on devait payer une amende… On a vraiment l’impression que l’Union belge veut la mort des petits clubs. »

« Et puis il y a aussi eu les joueurs », regrette pour sa part Dominique. « Toujours à la recherche d’argent, ils voulaient toujours plus. » « Ils n’étaient jamais contents et les critiques étaient permanentes », confirme Georges. « C’est bien simple : ils n’étaient pas là pour le club, c’était le club qui devait être là pour eux », conclut Henri. « On faisait quand même dans le social », sourit Dominique.

Le club a pourtant multiplié les événements pour pouvoir gagner un peu d’argent. « Je me souviens d’un bal pour la Saint-Valentin », poursuit Dominique. « Ca avait vraiment bien marché. On avait fait venir un Dee Jay un peu connu de la région. Et je me rappellerai toujours ce que le sorteur avait dit : il n’avait jamais vu autant de voitures à Lierneux ! On avait réussi à faire 600 entrées… »

Car ce n’est pas avec les faibles rentrées des spectateurs que le club pouvait survivre : « On avait 4 ou 5 supporters, parfois 10 », avoue encore Georges. « Quand on jouait contre Vielsalm (NDLR : le club le plus huppé du coin), on attirait 25 personnes, car il y avait un peu de gens qui suivaient ce club-là. » « À la fin, on avait deux supporters qui venaient à chaque match, dont le médecin du village qui venait voir la première mi-temps chez nous et puis qui allait voir la deuxième mi-temps à Lierneux. »

« L’adversaire à douze sur la pelouse »

Mais si la vie au sein du club s’est interrompue à la suite de toutes ces complications, « sans laisser de dettes », précise son dernier président, Georges, Dominique et Henri n’en restent pas moins aujourd’hui les dépositaires de son histoire, laquelle transpire toujours à travers leurs croustillantes anecdotes.

Assis autour d’une petite table dans ce qui sert aujourd’hui de buvette pour camps scouts ou réceptions privées, ils évoquent tour à tour leurs plus grands souvenirs.

« Je me souviens d’une année où, en réserve, les villages voisins de Sart et Lierneux jouaient le titre alors que nous on vivotait dans le milieu de tableau. », se marre notamment Dominique, lequel a assuré durant 10 ans le rôle de délégué de cette équipe. « Et lors du dernier match, on devait jouer contre Sart. Alors Lierneux nous avait promis que, si on battait Sart, on serait invités à leur barbecue et ils mettraient un fût. Sart est venu sûr de son fait et nous on a joué comme des lions : on a gagné 3-2 avec un but resté mémorable dans l’histoire du club et inscrit par Christian Bajot depuis le milieu du terrain ! Sart a donc perdu le titre et Lierneux nous a invités à son barbecue. »

Véritable mémoire de l’histoire récente du club, Dominique enchaîne une autre anecdote, plus croustillante encore : « C’est un jour qu’on jouait contre le club de la commune voisine de Manhay. On était dépassé dans tous les secteurs de jeu. Après une heure de jeu, un joueur de chez nous a tout de même compté le nombre d’adversaires présents sur la pelouse : ils jouaient à 12 !! On a alors voulu arrêter le match et on a quitté la pelouse. Mais le club de Manhay a dit: « bon, ok, on remet les compteurs à zéro pour la dernière demi-heure alors ». On est revenu sur le terrain mais on a quand même été battu ! On a voulu porter réclamation, mais d’un autre côté, nous avions un tournoi organisé trois semaines plus tard et on avait besoin d’une équipe… »

Les anecdotes fusent encore de toute part, tandis que le vent balaye inlassablement l’herbe de l’antique pelouse. Tout à coup, un bruit caractéristique survole la buvette. « Ah, ça, c’est l’hélicoptère du Centre Médical Héliporté  voisin», précise Georges, visiblement habitué aux va-et-vient de cet oiseau d’acier. « Vous voyez ? C’est la bâtisse blanche, là. » Car c’est vrai : Bra-sur-Lienne, c’est avant tout ce petit village de 300 âmes connu dans toute la Wallonie grâce à « son » hélicoptère. Et désormais son ancien club de football…

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Des arbres qui poussent au milieu d’une tribune, de la rouille qui ronge les pylônes d’éclairage, des graffitis qui jonchent les murs des vestiaires, des fantômes du passé qui se souviennent de leurs exploits: L’Avenir est parti à la découverte des terrains de football abandonnés de Wallonie.