Virus, assuétudes, traumas psychologiques… la situation sanitaire est positive parmi les réfugiés transhesbignons, plus soucieux de se nourrir, de survivre…

Dans le « brouhaha » migratoire qui anime le couloir transhesbignon, une question parmi d’autres se pose : quelle est la situation sanitaire chez les migrants ? Il y a ce virus qui court, les blessures à réparer, les assuétudes liées au désespoir mais aussi les traumas psychologiques dus à une vie de déboires sur les chemins vers la dignité.

Le médecin de la plateforme citoyenne « Hesbaye, terre d’accueil », Luc Bawin, reste optimiste pour ces femmes et ces hommes. « Pour l’instant, croisons les doigts, la situation sanitaire dans la population de réfugiés est bonne, souffle-t-il. Les transmigrants sont jeunes en Hesbaye et malgré des conditions de vie difficiles, ils ont une bonne forme physique. »

 « Ils sont plus résistants que les Belges »

Aussi, le docteur informe qu’ici, les migrants vivent ensemble, en vase clos, et se retrouvent bien souvent dehors, en plein air, « ce qui est peu propice à la propagation du virus : nous n’avons constaté aucun cas de Covid-19 depuis le début de la pandémie ». Idem pour les autres maladies hivernales, qui semblent peu toucher les populations en transit. « Ils sont plus résistants que les Belges. Une étude de Médecins sans frontières démontre d’ailleurs qu’ils ont un meilleur état de santé que le nôtre. »

Malgré tout, des mesures existent pour limiter la propagation du coronavirus, aussi bien pour les réfugiés que pour les bénévoles. « Dans les lieux d’accueil, comme l’Auberge de Jacques à Waremme, les bénévoles portent des masques FFP2 en permanence ; des gants pour manipuler linge et vaisselle », précise le médecin, qui explique que l’association a aussi tenté de faire porter le masque aux réfugiés. « Malgré notre insistance, le masque est peu porté par les migrants dans les locaux. Ils y sont un peu chez eux, comme en famille. Mais quand on leur dit que c’est par respect et solidarité avec les accueillants, ils comprennent. »

 

Rares, les gros « bobos »

Dans l’échelle de leurs préoccupations, le virus n’est pas vraiment en tête. « Le Covid est moins important à leurs yeux que ne le sont les enjeux vitaux qui consistent à trouver de la nourriture, où se loger, où se réchauffer ; qui consiste aussi à réussir à passer en Angleterre… »

Le médecin et les infirmiers qui gravitent autour des réfugiés font aussi face à des blessures en tout genre, principalement sans gravité. « C’est de la “ bobologie ” comme on dit, exprime Luc Bawin, des blessures légères, qu’ils se font quand ils sautent d’un camion par exemple », mais aussi de petits rhumes et refroidissements.

« Les gros traumatismes, les grosses blessures, sont plutôt rares. Mais ça arrive, comme cette double fracture du tibia ou encore les quelques appendicites qui nécessitent, en effet, une hospitalisation. Mais on les compte sur les doigts d’une main. » Il y a aussi ce jeune réfugié qui avait été poignardé à Waremme, en juillet, lors d’un heurt avec un camionneur.

En somme, d’un point de vue sanitaire, « ça ne se passe pas si mal ».

Assuétudes : seule une minorité concernée

Alcool et drogue pendent au nez des plus fragiles, ceux-là même qui ont perdu tout espoir d’une vie meilleure ; ceux qui ne sont plus vraiment en transit. Une réalité qui revient souvent quand on se penche sur la question migratoire. Mais qu’en est-il réellement ? Le docteur Luc Bawin, lui, relativise.

« À Avin et Crisnée (NDLR : qui abritent quelques réfugiés), ça n’existe pas. C’est interdit par les conventions qui encadrent les divers hébergements et cette règle est majoritairement respectée, informe le médecin. Nous avons retrouvé un flacon, une fois, à Avin. Mais ce n’est plus arrivé depuis. C’est leur hébergement qui en dépend et je pense qu’ils le comprennent et ne jouent pas avec ça. »

Selon le soigneur, c’est donc une minorité de migrants qui sombrent dans les dépendances. « Ceux qui zonent sur Waremme en état d’imprégnation représentent une minorité. Et ce sont souvent les mêmes. » Ceux-ci ne représenteraient que 10% de la population migratoire présente dans le couloir transhesbignon.

« Les filles ont une mine plus grave et fermée »

C’est surtout la santé mentale des personnes en transit qui est touchée. Et parmi les plus affectés psychologiquement : les femmes. « À Waremme, les filles ont une mine plus grave et fermée que les gars, constate le docteur Luc Bawin. Je pense qu’il y a une souffrance spécifique aux femmes ; que c’est une tranche de la population plus vulnérable, plus exposée à tous les dangers de la rue, aux pulsions de certains hommes… » Chez les hommes, la situation est plus nuancée. « Chez les gars, c’est plus partagé. Certains avancent la fleur au fusil, avec un optimisme à toute épreuve. Mais chez d’autres, on sent bien que le besoin d’aide se fait criant. »

Et cette aide psychologique ne réside pas nécessairement dans une consultation chez un professionnel. Parfois, elle tient à peu de chose : « Ils ont besoin d’être écoutés sans être remis en question. Les réfugiés sont dans une situation où ils sont constamment en position d’être suspects, en faute, coupables. Notamment dans le cadre des procédures face aux autorités. C’est pourquoi il est important de les écouter, de les faire se sentir reconnus, entendus en tant qu’êtres humains. »

Malgré tout, le docteur reconnaît qu’il y a de gros progrès de la part des autorités. « Le récent subside de la Région wallonne pour l’aide aux réfugiés en Hesbaye témoigne que le problème est reconnu. Il y a une vraie volonté de prendre en compte cette problématique », même si les actions ne sont pas toujours à la hauteur du problème.