En bord de Vesdre, à Limbourg, des victimes des inondations ne sont toujours pas fixées sur leur sort. Et c’est même le futur de la commune qui est en suspens 

C’est l’un des plus beaux villages de Wallonie… mais c’est aussi une ville qui s’interroge sur son futur. Un an après les inondations, la Ville de Limbourg est toujours dans le flou. Les autorités l’ont expliqué à plusieurs dizaines d’habitants lors d’une séance d’information mi-juin. « Beaucoup se demandent s’ils pourront encore aménager leur maison comme ils le veulent , expliquait alors la bourgmestre Valérie Dejardin (La Limbourgeoise) dans notre édition de L’Avenir Verviers. Certains sont aussi toujours en attente de savoir ce qu’ils pourront faire ou non chez eux. »

Des thermes au centre de crise

Des questions légitimes mais auxquelles les autorités locales ne peuvent apporter aucune réponse, suspendues aux résultats d’études commanditées par la Région wallonne…

“Imaginez: vous quittez chez vous en catastrophe et un an plus tard vous ne pouvez toujours pas retourner y habiter”, résume la bourgmestre qui fait partie des 2500 sinistrés des inondations de juillet 2021.

Cette soirée de juillet était cochée de longue date dans l’agenda de la bourgmestre. “Je venais d’arriver aux thermes à Ovifat avec une amie pour fêter ma victoire aux élections de 2018.” Un coup de fil de la police vient plomber l’ambiance: l’eau commence à monter au niveau de la Vesdre mais il ne faut pas trop se tracasser.

Valérie Dejardin préfère toutefois  écourter sa soirée thermale. Elle passe chez elle prendre son imperméable et ses bottes. Elle n’imagine pas qu’elle ne les quittera pas avant plusieurs jours. La bourgmestre file alors à la maison communale située à Dolhain, le long de la Vesdre. “Je n’avais pas assez d’informations, j’ai décidé de réunir la cellule de crise.” À partir de là, tout va rapidement s’enchaîner. Le lendemain, soit le mercredi, la bourgmestre commence par faire évacuer les bords de Vesdre. Mais les retours de terrain de la police, face à la montée des eaux, obligent l’évacuation d’autres quartiers. “Vers 17h, on avait fini d’évacuer tout le centre de Dolhain, soit 800 personnes.”

Vers 21h, la cellule de crise provinciale informe la bourgmestre qu’elle peut mettre en veille son centre de crise locale car l’eau allait redescendre “qu’on allait peut-être encore avoir une petite montée d’eau au milieu de la nuit.” Sur le terrain, la situation va toutefois empirer.

“L’eau monte au-dessus du pont, Valérie, est-ce normal ?”

Vers minuit, un collaborateur interroge la bourgmestre: “l’eau monte au-dessus du pont, Valérie, est-ce normal ? As-tu des informations ? Je sonne à la Province et on me dit de rouvrir la cellule de crise.” Mais la maison communale est elle-même sinistrée, la bourgmestre et son équipe doivent déplacer le centre de crise un peu plus loin… sauf qu’ils se retrouvent privés d’électricité. “On est alors parti sur la commune voisine de Baelen (ndlr: à 4 minutes de là)”.

La bourgmestre joue sa crédibilité

Les rapides décisions de la bourgmestre et de sa cellule de crise ont permis d’éviter des morts à Dolhain. Mais tout s’est essentiellement basé sur les retours de terrains et les connaissances des lieux car l’autorité communale n’avait pas ou peu d’infos des autres niveaux de pouvoir. Et de glisser cette anecdote révélatrice  “J’ai sonné à mon mari pour lui expliquer qu’on évacue notre rue et je lui demande d’aller voir chez nos voisins. Il m’a dit après coup qu’il entendait à ma voix que je savais ce que je faisais. Honnêtement, je ne savais pas. Les évacuations partaient de la situation de terrain et du fait qu’on annonçait toujours de la pluie.” La bourgmestre est consciente de jouer sa crédibilité. “J’ai contacté une dizaine de personnes qui ne voulaient pas partir. Et chaque fois que je raccrochais, je me disais :s’il n’y a rien du tout, au niveau crédibilité, c’est mort.” Un moindre mal et combien de vies sauvées grâce à cela ?

Un an après, toujours 30% de Limbourg inhabités

Si Limbourg n’a pas été endeuillé, le bilan matériel reste particulièrement lourd: “un an après les inondations, 30 % des habitations restent inhabitées. Et parmi les immeubles sinistrés, 80% le sont toujours”, nous explique la bourgmestre, le long de la Vesdre où des gravats jonchent toujours le sol. “Humainement, cette absence d’information des autorités régionales, c’est compliqué. Des gens se sont battus pour acquérir leur habitation et un un et demi plus tard, ils ne savent toujours pas de quoi sera fait leur futur.”

Avant la catastrophe de juillet 2021, “la zone inondable sur la commune était très petite, il n’y avait pas cette problématique au niveau de l’urbanisme. Mais une étude commanditée par la Région wallonne sur le bassin hydrographique (attendue pour 2023 au plus tôt) pourrait changer la donne, en sachant qu’entre 35 et 40% de l’habitat de Dolhain ont été sinistrés par les inondations.

La crainte de devenir une ville fantôme

Aujourd’hui, la ville de Limbourg est stoppée dans son développement. Alors que plusieurs demandes de permis de construire devaient être déposées à l’été 2021, tout est au point mort ou fortement ralenti. Entre des habitants qui ne peuvent retourner chez eux, des projets qui avancent très lentement et des commerces qui peinent à se remettre, la bourgmestre craint que Limbourg ne devienne une ville fantôme. “Il faut tenir compte de ce qui s’est passé, on a une responsabilité supplémentaire pour aménager notre territoire pour protéger nos citoyens mais à côté de ça, il y a des réalités vécues par des citoyens qui sont très compliquées. Et c’est déjà arrivé que des gens quittent la commune face à la lourdeur des procédures.”

En un  an, Limbourg a perdu 200 habitants sur 5800. Face à la stagnation ou légère diminution de sa population de ces dernières années, Limbourg comptait sur la rénovation des friches industrielles, à proximité de la Vesdre” pour ré-attirer de la population dans le centre, avec des transports en commun, des commerces…”

Le long de la Vesdre, la publication des deux rapports clés est donc attendue avec une certaine impatience.