Il y a un an, Roland Noirhomme est resté 4 heures dans l’Aisne en furie. S’il est conscient d’avoir eu beaucoup de chance, le citoyen d’Aisne (Durbuy) ne s’imagine pas ailleurs.

Happé par l’Aisne en furie le 14 juillet 2021, Roland Noirhomme n’est pas près d’effacer de sa mémoire les 4 heures qu’il a passées dans les eaux déchaînées, puis accroché à une branche. « J’ai eu beaucoup de chance », estime-t-il encore aujourd’hui.

Ce jour-là, le Famennois a rapidement remarqué que quelque chose ne tournait pas rond dans l’Aisne, la rivière qui coule sous ses fenêtres. « Et les prévisions météo n’auguraient rien de bon. Il se passait quelque chose d’anormal », précise-t-il.

Dare-dare, les scouts installés sur ses prairies sont évacués et les chevaux sont déplacés sur les hauteurs, mais alors qu’il revient une dernière fois dans l’écurie, Roland Noirhomme se retrouve coincé par l’eau, montée subitement. « Je n’avais qu’une chose à faire, attendre que cela passe », raconte-t-il. Mais l’Aisne en colère finit par avaler le bâtiment et avec lui l’infortuné propriétaire.

Dans tous les sens

S’ensuivent des minutes qui vont sembler une éternité pour Roland Noirhomme. « Tenir debout était impossible, reprend-il. On est renversé, remué dans tous les sens. Je suis parvenu à accrocher un rondin de bois, sortir la tête de l’eau, respirer et puis hop, on est reparti. »

« Le fait de ne pas paniquer, c’est ça qui m’a sauvé. C’est au moment où on se laisse aller qu’on parvient à se sauver. »

Finalement, le citoyen d’Aisne doit son salut à une branche qu’il parvient à agripper. « Je me suis accroché à un arbre tout dans le fond, glisse-t-il en le montrant du doigt. Après ça, il n’y avait plus rien. J’étais parti sur Liège. Je n’avais plus d’espoir. »

Roland Noirhomme doit sans doute son salut au fait qu’il a gardé son sang-froid du début à la fin. « Et je n’ai jamais eu peur, insiste-t-il. Je pensais d’ailleurs dériver dans la prairie au début, mais non, c’était trop fort, trop puissant. Le fait de ne pas paniquer, c’est ça qui m’a sauvé. C’est au moment où on se laisse aller qu’on parvient à se sauver. Mais je n’étais pas non plus au stade de voir défiler ma vie. »

Reste que le malheureux, coincé dans son arbre, est encore loin d’être sauvé. « Heureusement, mon fils Mathieu avait suivi toute la scène et a prévenu les secours. Grâce à mes cris, il a su me localiser et ils sont venus me récupérer quelques heures plus tard. »

Uniquement  des souvenirs

Près d’un an plus tard, Roland Noirhomme ne s’estime pas trop marqué par sa mésaventure. « Il ne reste que le souvenir ; des traces, il n’y en a plus, confirme-t-il. Je n’ai pas été blessé, et psychologiquement, je m’en sors bien parce que je suis resté positif depuis le départ. »

C’est de voir sa région, qu’il affectionne tant, qui a été le plus douloureux pour le Famennois. « Le plus difficile, c’est par après, avoue-t-il. Quand tout le monde essuie ses blessures. Retourner dans les endroits où on avait construit quelque chose et voir que tout est détruit. C’est un moment de déprime. »

Malgré la violence de ce qu’il a vécu, Roland Noirhomme n’a pas souhaité se faire suivre. « Même si les premiers jours, j’étais désorienté, se souvient-il. Je ne savais pas réagir. Il m’a fallu trois, quatre jours pour retrouver mes esprits. Mon épouse est psychologue et le fait d’être à la maison et de ne pas être seul m’a fait du bien. Par contre, je suis retourné travailler rapidement, après une semaine, et c’était trop tôt. »

Aujourd’hui, le regard de Roland Noirhomme n’a pas changé vis-à-vis de celle qui coule évidemment toujours au bout de son jardin, celle qui aurait pu faire basculer sa vie. « Quand il pleut, on se dit quand même que ça peut encore arriver. Mais je ne prendrai plus jamais les risques que j’ai pris. » Et Roland ne se voit pas aller ailleurs. « Mon épouse a évoqué l’idée de déménager, termine-t-il. Mais pour moi, il n’en a jamais été question. Jamais je ne retrouverai un endroit comme ici. »