Déjà obligée de vivre avec un climat difficile, la population tanzanienne doit désormais apprendre à survivre face au réchauffement climatique.

Déjà obligée de vivre avec un climat difficile, la population tanzanienne doit désormais apprendre à survivre face au réchauffement climatique.

« En Europe, beaucoup de gens commencent à être conscients du changement climatique. Ici, en Tanzanie, on visualise déjà clairement les effets aujourd’hui. »

Nous sommes début novembre. Alors que la Tanzanie est, habituellement à cette saison, copieusement arrosée par ce que les autochtones appellent la petite saison des pluies, les jours passent et celles-ci n’arrivent pas, ou alors pas en suffisance pour pouvoir redonner vie à une terre brûlée par le soleil le reste de l’année. « Le changement climatique est clairement perceptible ici, reprend Ludovic Joly, le directeur pays des Îles de Paix. Cela se traduit par différents facteurs, par différents éléments très visibles. À commencer par une réduction de la pluviométrie et un dérèglement des saisons, avec des pluies qui arrivent plus tardivement, qui finissent plus tôt. Il y a aussi des niveaux de pluviométrie beaucoup plus importants, mais sur des périodes beaucoup plus courtes. Cela crée énormément de dégâts sur les cultures. »

Et quand il ne pleut pas, il fait tellement chaud qu’il est difficile, voire même impossible, de faire pousser le moindre haricot. « Les périodes de sécheresse sont en effet beaucoup plus importantes, complète le directeur. Cette année par exemple, la grande saison des pluies avait déjà été beaucoup plus courte que la normale. Aujourd’hui, les agriculteurs devraient être dans leurs champs en train de planter des haricots ou du maïs, mais tant qu’il ne pleut pas, ils ne peuvent rien faire. »

Une problématique qui risque d’encore un peu plus amplifier, à court terme, les problèmes de sécurité alimentaire. Devenues plus rare, les denrées alimentaires risquent de voir leur prix grimper en flèche. « Cela va se faire ressentir à tous les étages, d’abord au sein même des exploitations parce que les agriculteurs font évidemment beaucoup d’autoconsommation, s’inquiète Ludovic Joly. Mais effectivement, cela veut dire également moins de produits à vendre sur les marchés et donc la rareté de ces produits va fatalement faire augmenter le prix des denrées alimentaires et donc impacter les consommateurs. »

Un gouvernement qui manque de moyens

Sur place, le gouvernement tanzanien est évidemment conscient de cette problématique. « Il y a donc des stratégies qui sont mises en place au niveau du gouvernement, il y a des politiques nationales sur l’environnement, des politiques d’adaptation face à ce changement climatique, précise encore celui qui a également vécu au Bénin pendant pas mal d’années. Maintenant, ce sont des stratégies qu’il faut ensuite mettre en œuvre sur le terrain et c’est là que la difficulté est rencontrée. Il manque des ressources financières et humaines pour pouvoir accompagner les agriculteurs. Il y a un réel problème de mise en œuvre de ces stratégies. »

Avec son regard d’expert, l’ONG Îles de Paix s’inquiète évidemment d’une situation qui risque de compliquer son travail. « Parce que l’équation est simple : pas de pluie, pas de culture, pas de récolte et pas d’aliments pour nourrir la population, termine le directeur pays. Et il ne faut pas se projeter très loin. À moyen terme, on peut déjà avoir des conséquences très importantes. Il faut donc, dès maintenant, commencer à agir pour que chacun adopte des comportements qui permettent de s’adapter et de lutter contre les effets du changement climatique. »

« Limiter le risque d’une récolte quasiment inexistante »

Sur le terrain, les équipes des Îles de Paix n’ont évidemment pas attendu que le changement climatique devienne visible pour faire changer certaines habitudes. Creuser des trous autour des plantations pour que l’eau ne ruisselle pas quand il pleut, ne plus raser à blanc, etc. sont autant de petits trucs donnés aux producteurs. « L’idée est notamment de conserver l’humidité dans le sol, explique Ludovic Joly. Tout cela doit permettre de s’adapter. Cela ne veut pas dire que les cultures seront performantes, mais cela veut dire qu’on va limiter le risque d’une récolte quasiment inexistante. » Parmi ses actions, Îles de Paix aide notamment les agriculteurs à mettre en place des réservoirs d’eau. « Dans ces pays, l’accès à l’eau est un gros défi, d’autant plus que l’agriculture est principalement de l’agriculture pluviale, mais nous ne faisons pas tout à leur place pour autant, souligne le directeur pays. Les habitants doivent d’abord préparer eux-mêmes l’espace qui accueillera ce réservoir puis ils doivent en financer une partie. Cela leur permettra ensuite de développer des jardins maraîchers, même en saison sèche. »

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