Certains pesticides interdits en Europe continuent d’être produits pour être exportés et utilisés en Afrique.

L’an dernier, le gouvernement français a approuvé l’exportation de plus de 7 400 tonnes de pesticides dont l’utilisation a été interdite dans les exploitations agricoles de l’Union européenne, rappelait en novembre dernier Unearth, une entité de Greenpeace. Toujours selon la même source, la France, mais la Belgique également et neuf autres pays européens produiraient pour l’exportation des substances pourtant jugées nuisibles pour l’environnement et la santé humaine. « Dans n’importe quel village, même le plus isolé au milieu de la Tanzanie, il y a toujours une boutique qui vend des pesticides ou des produits chimiques dont on ne sait pas vraiment d’où ils proviennent et dont la plupart des gens ici ne savent pas comment se servir », raconte Thomas Kuyper, qui collabore pour Îles de Paix.

En Tanzanie, une étude récente sur les fruits et légumes vendus dans les marchés d’Arusha, l’une des plus grandes villes du pays, a démontré qu’au moins 70 % des produits vendus étaient contaminés biologiquement ou chimiquement.

C’est souvent au sommet de l’État que la question de l’utilisation de ces produits chimiques se joue. Comme ce fut longtemps le cas en Europe, les producteurs de ces substances dangereuses exercent souvent un lobby puissant et promettent d’importants investissements pour pouvoir continuer de vendre leur produit à l’intérieur du pays.

Un apprentissage par l’exemple

Sur le terrain, en mettant en avant l’agro-écologie, les collaborateurs des Îles de Paix poussent, eux, pour une agriculture sans pesticide. « Souvent, ils ne savent pas que l’utilisation de ces produits est dangereuse pour les consommateurs, mais surtout pour eux-mêmes, ils voient surtout leurs récoltes qui augmentent, note Thomas Kuyper. Mais on n’arrive pas en leur disant : « Non, vous ne pouvez pas travailler avec ce produit » Dans un premier temps, nous leur expliquons les avantages de l’agro-écologie. Puis par un exemple dans le village, nous tentons de leur démontrer que cela peut fonctionner, même sans produit chimique. »

L’utilisation d’engrais et de pesticides permet une utilisation abusive de la terre, mais risque, à terme, de la rendre aride et incultivable. « Cela permet surtout les grandes monocultures qui ne sont pas bonnes pour la fertilité de la terre, note le Belge. À terme, il y a un réel risque de désertification ou au moins de dépendance à ces produits chimiques. »

L’utilisation de semences locales : l’autre combat

L’utilisation de semences produites par les multinationales inquiète également les Îles de Paix. « Ici aussi, le lobby auprès du gouvernement tanzanien est important, pointe Thomas Kuyper. Ces produits sont rendus très accessibles et les producteurs pensent que c’est la meilleure solution pour avoir de bonnes récoltes. »

En Tanzanie, les agriculteurs n’ont, par exemple, pas le droit de revendre leurs propres semences. « C’est un énorme problème, notamment pour la biodiversité, estime l’expert en système alimentaire durable. Les semences locales, que les agriculteurs ont l’habitude d’utiliser, sont plus résilientes, mais aussi plus adaptées à l’écologie locale et bien sûr cela les rend moins vulnérables et moins dépendants vis-à-vis des grandes multinationales. »

Ici aussi, les Îles de Paix mènent un gros travail de conscientisation. « Nous avons notamment mis en place des banques de semences dans plusieurs villages, détaille Thomas Kuyper. Et nous encourageons les fermiers à produire leurs propres semences et à les partager avec les autres producteurs. »

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