La Tanzanie est un des pays les plus pauvres. L’alimentation peu diversifiée et pauvre en nutriments provoque un important taux de malnutrition, chez les enfants notamment. L’ONG Îles de Paix tente de faire évoluer les choses.

Qui n’a jamais eu en main les modules des Îles de Paix ? Derrière ces petits bonshommes en plastique coloré et aux bras écartés (et les nombreux autres objets désormais mis en vente par les bénévoles de l’ONG le week-end du 13 au 15 janvier), se cache un véritable travail de fourmis qui, à travers les différents programmes de l’ONG dans sept pays différents, impacte chaque année la vie de près d’un million de personnes.

Si la Tanzanie est d’abord connue pour les lions et éléphants de ses safaris animaliers et les plages de sable blanc de Zanzibar, il s’agit avant tout, malgré le tourisme, de l’un des pays les plus pauvres au monde.

L’indice de développement humain classe ce pays de l’Est de l’Afrique en 163e  position, sur 189 pays au total. Déjà présente au Bénin et en Ouganda, l’ONG Îles de Paix a décidé de s’installer dans la région d’Arusha, au nord du pays, en 2015, pour apporter son expertise et pour lancer son action aux côtés des acteurs locaux. « Près de 70 % de la population active travaille dans le secteur agricole, dans des fermes de petite taille pour la plupart, détaille l’ONG belge. Les moyens de subsistance de la plupart des Tanzaniens dépendent donc de l’agriculture, ce qui rend la population vulnérable aux impacts des changements climatiques comme les inondations et les sécheresses, de plus en plus fréquentes. »

Sur les pentes du mont Meru, à travers quatre projets distincts, Îles de Paix et ses partenaires locaux tentent de faire évoluer les mentalités, et surtout de changer certaines pratiques, souvent trop bien ancrées. « Mais ce n’est pas un plaidoyer conflictuel pour autant, glisse d’emblée Ludovic Joly, le directeur pays. Nous sommes dans le dialogue, on veut leur montrer que ça marche. »

En Tanzanie, la question de l’alimentation est un véritable problème, qui risque de s’aggraver dans les prochaines années, si rien n’est fait. « Il y a notamment un problème de qualité des aliments, explique le directeur pays. Il faut donc pouvoir informer les citoyens sur cette question et leur proposer des alternatives leur permettant de se procurer une alimentation saine. »

Conscients des changements climatiques

Comme en Europe, le gouvernement tanzanien a d’abord une approche tournée vers l’agriculture conventionnelle, avec des techniques, des choix et des méthodes de cultures peu adaptées au changement climatique et qui risque, à court et moyen terme, d’appauvrir encore plus la population. « Nous militons et faisons la promotion de l’agro-écologie, reprend Ludovic Joly. C’est-à-dire que nous proposons aux agriculteurs de se diversifier, d’adapter certaines techniques et d’abandonner certaines autres pratiques (NDLR : comme le recours aux pesticides), mais il n’y a finalement pas de révolution et les agriculteurs sont conscients des changements climatiques. »

Du côté de Karatu, ils sont nombreux à avoir accroché au discours de Ludovic Joly et son équipe. Et ceux que nous avons rencontrés ne reviendraient en arrière pour rien au monde. Au contraire, ils sont même fiers de montrer comment leur business a désormais pu prospérer rapidement ces dernières années et leur niveau de vie a totalement changé. « Il n’y a évidemment pas que des réussites, tempère le directeur. Mais avec les sélections, le coaching, le suivi, etc. tout est mis en place pour que ce nombre soit le plus petit possible. »

Sur place, le travail des Îles de Paix n’est toutefois pas éternel (voir par ailleurs), mais Ludovic Joly et son équipe espèrent, désormais, que ces exemples de réussite feront à leur tour d’autres petits, pour, peu à peu, faire changer et évoluer les mentalités.

« On touche plus de 250.000 personnes par nos actions de sensibilisation »

En Tanzanie, Îles de Paix emploie une dizaine de personnes, dont Ludovic Joly, le directeur programme.

En Tanzanie, Îles de Paix emploie une dizaine de personnes, dont Ludovic Joly, le directeur programme.

Ludovic Joly, vous êtes le directeur programme d’Îles de Paix en Tanzanie, en quoi consiste votre travail ici ?

De manière générale, pas uniquement en  Tanzanie, Îles de Paix appuie les systèmes alimentaires, avec l’objectif de transformer ceux-ci vers plus de durabilité. Nous avons une approche globale, de la production à la consommation des aliments, en passant par les conditions de stockage, de distribution, d’accès aux marchés.

Concrètement, comment cela se passe-t-il sur le terrain ?

Nous avons une approche de diversification avec les agriculteurs avec lesquels nous travaillons. C’est-à-dire que nous appuyons les petites exploitations agricoles avec une diversité d’options techniques et technologiques. L’idée est d’avoir plus de cultures différentes au niveau de la ferme, mais également l’intégration du petit élevage ou des arbres dans le système productif. Au-delà de ça, il y a tout un travail qui est effectué au niveau des semences paysannes, de l’accès à l’eau.

Combien de personnes sont touchées par l’action d’Îles de Paix ?

En Tanzanie, notre équipe est relativement réduite, nous parlons d’une dizaine de personnes, avec les équipes des partenaires locaux, cela représente environ 25 personnes.

Le nombre de bénéficiaires est lui assez variable en fonction du type. Pour ce qui est des agriculteurs, nous avons, en moyenne, 1 500 à 2 000 bénéficiaires. Ce chiffre est relativement réduit parce que nous travaillons de manière intensive avec ces petits agriculteurs. Par contre, si on regarde l’angle consommateur et citoyens, là, on touche plus de 250.000 personnes à travers nos actions de sensibilisation. Il y a également l’appui indirect, via nos actions auprès du gouvernement tanzanien par exemple.

Comment une ONG comme Îles de Paix est-elle accueillie ici ?

L’accueil est plutôt bon. Il faut savoir que la promotion de l’agro-écologie en Tanzanie est relativement récente. Elle ne va pas à contre-courant, mais elle est plutôt à la marge des orientations nationales. Notre approche est toutefois plutôt bien perçue parce que les producteurs sont très attachés à leurs pratiques culturelles et leurs savoir-faire locaux et justement l’agro-écologie met en avant les savoir-faire locaux. Les agriculteurs sont en plus très conscients des problématiques liées au changement climatique, de perte de biodiversité. Donc notre approche, qui se positionne sur ces questions-là, parle très fortement aux producteurs. Maintenant, ce qu’ils veulent aussi, c’est voir pour y croire. Ils sont prêts à expérimenter des choses, mais il faut aussi que nous soyons à même de pouvoir leur montrer assez rapidement des résultats tangibles.

Des missions  qui touchent au but

Quand elle s’installe dans un pays, l’ONG n’a pas pour but d’y rester indéfiniment, au contraire même.

En Tanzanie, l’ONG Îles de Paix est présente depuis 2015. Si elle est désormais bien implantée et reconnue par les populations, mais aussi par le gouvernement, l’ONG ne compte pas rester sur place indéfiniment. « Clairement, nous ne sommes pas là ad vitam aeternam, confirme Ludovic Joly, le directeur programme. À partir du moment où nous élaborons un projet, nous envisageons déjà la fin de notre intervention. »

En général, que ce soit en Tanzanie, mais également dans les autres pays où l’ONG est présente, les cycles sont de cinq années environ. « On se dit qu’on doit rester maximum dix ans dans la même zone d’intervention, reprend le directeur. C’est vraiment le maximum temporel durant lequel nous intervenons avec les mêmes communautés, mais souvent, c’est relativement moins. »

Dans le district de Karatu, l’un des cinq de la région d’Arusha, Ludovic Joly et Îles de Paix travaillent depuis sept ans déjà et ils sont actuellement en phase de désengagement. « C’est-à-dire que nous nous retirons progressivement et nous réduisons aussi petit à petit le soutien qui est apporté aux communautés, explique le Français. Notre rôle est vraiment d’enclencher une initiative, une transformation, mais nous ne sommes pas les maîtres de celle-ci. Après, ce sont aux communautés, aux groupes d’action locale de prendre le pas et de poursuivre et achever cette transformation. »

Le travail d’Îles de Paix ne s’arrêtera pas pour autant en Tanzanie, dans les prochains mois. Désormais, Ludovic Joly et son équipe vont lancer d’autres initiatives, toujours dans la région d’Arusha, mais dans d’autres districts.

En Tanzanie, Îles de Paix veut faire évoluer les mentalités

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