Il y a 40 ans, Athus mourait

1977, le conseil d’administration de l’usine grand-ducale MMR-A (Minière et Métallurgie Rodange-Athus) décide ce se séparer du « A » d’Athus.  Le 5 septembre, un peu plus de 800 travailleurs votent : 691 sont pour le plan social qui leur est présenté, 94 sont contre, 24 bulletins nuls.  Après 40 jours de luttes et d’actions qui ont fait l’actualité des médias belges et grand-ducaux, les troupes se sont résignées. Fini de bloquer les douanes, l’usine, la Nationale 4, la ligne de chemin de fer à la hauteur d’Arlon. Il est déjà loin le cortège funèbre du 1er août, « Athus ville morte » porté par 2 000 manifestants.

Le 5 septembre, c’est l’enterrement de cette imposante masse métallique qui a façonné le visage et fait battre le cœur d’Athus depuis 1892.
Pourtant, l’usine a fait passer la population de 935 personnes en 1878 à 7 516 en 1970. Pendant ce temps, l’usine change de nom 8 fois.  Beaucoup affirment que la fermeture était programmée depuis 1967, et pourtant, 1969 a été l’année des records au niveau de la production : 504  milliers de tonnes d’acier, soit 4 % de la production belge pour 2 487 travailleurs (2 258 ouvriers, 229 employés).
En 1977, 1 500 travailleurs perdent leur job. 200 sont sauvés grâce à un ou deux services maintenus (torsadeuses, moulin à scories et agglomération)
La ville meurt. Beaucoup déménagent. Et aujourd’hui quand on parle à ceux qui ont travaillé à l’usine, qu’ils s’appellent Guy, Claude, André, Serge et la trentaine d’ouvriers que nous avons rencontrés, la nostalgie est intacte. Les copains, comme ils aiment s’appeler, c’était sacré. L’usine leur manque encore.

Le 5 septembre, Athus a été une des premières usines sacrifiées sur l’autel des restructurations. Les ouvriers, otages de l’échiquier de la mondialisation de la production d’acier, n’ont rien pu faire. Le 6 septembre, le vide s’installait.

1872

CRÉATION

Le 25 juillet, la Société anonyme des Hauts Fourneaux d’Athus est créée. Les promoteurs sont les barons Fernand et Hyppolyte d’Huart.
Ils sont 170 ouvriers en 1877.

1885

CRISE ÉCONOMIQUE

Premier arrêt des activités.

1911-1913

INVESTISSEMENTS

400 travailleurs. Première fusion. L’usine devient Société anonyme d’Athus-Grivegnée.

1914-1918

ARRÊT PENDANT LA GUERRE

Dès le début de la guerre, la production est suspendue et l’usine mise à l’arrêt. À l’exception de la centrale électrique indispensable pour l’éclairage d’Athus. Les Allemands en font un camp de prisonniers de guerre (français et russes surtout) puis, à partir de 1917, une usine de fabrication de chariots pour l’armée, utilisant des travailleurs forcés.

1927

SECONDE FUSION

Seconde fusion entre Athus-Grivegnée et les Aciéries d’Angleur. Nouveau nom : Société anonyme Angleur-Athus.
Les installations s’étendent sur 30 hectares et ne seront plus beaucoup modifiées jusqu’à la fermeture.
Le siège social quitte les murs d’Athus pour Tilleur. Le centre décisionnel sort de ses murs.

1945

TROISIÈME FUSION AVEC L’ARRIVÉE DE COCKERILL

À partir de 1950, commence une période de haute conjoncture et d’extension de l’embauche.

1955

L’EXPANSION

Nouvelle fusion au sein de la sidérurgie liégeoise entre Cockerill, Ferblatil et Ougrée-Marihaye. Et nouvelle dénomination : Société anonyme Cockerill-Ougrée.

1960-1961

LA GRÈVE

nationales dans la grande grève contre « La loi unique » d’assainissement budgétaire et l’usine est à l’arrêt du 23 décembre 1960 au 19 janvier 1961.

1970

LE DÉCLIN

Encore une fusion, avec Espérance-Longdoz, mais la dénomination sociale en sera simplifiée : Société anonyme Cockerill.
L’année 1972 sera très difficile, avec des pertes fi nancières importantes, en dépit des baisses de production et des mises en chômage partiel.

1973

DERNIÈRE CHANCE, DERNIER NOM

Athus fusionne avec Rodange : naissance de la Société anonyme Minière et Métallurgique de Rodagne-Athus, en abrégé MMRA.

1977

FIN DE L’USINE

La fin de l’usine d’Athus avec ses installations vétustes, sa spécialisation en ronds à béton, paraît à certains comme le canard boiteux de la MMRA. Le lundi 1er août, un cortège impressionnant de marcheurs suivant un cercueil avec l’inscription : « ci-gît Athus », déambule dans une ville « morte ». Le 27 juillet, arrêt de l’activité. Le 24 août est dévoilé le plan élaboré par l’Arbed, le grand groupe sidérurgique luxembourgeois, qui prévoit la fermeture d’Athus, la restructuration de Rodange et son intégration dans l’Arbed, avec l’aide financière de l’État luxembourgeois.

Le 4 septembre, la décision finale est prise conjointement par les autorités gouvernementales des deux pays, le représentant de la CEE (Davignon), les responsables financiers de la MMRA. Le 5 septembre, le conseil d’administration de la MMRA décide et rend public l’arrêt définitif de l’usine d’Athus.

SOURCES
Biren, A.- M. et Dondeliger,
J.- P. Histoire de l’usine d’Athus 1872-1977,
365 pages, édité par les auteurs, non daté.
Goffin, L. Mentalités de sidérurgistes en milieu rural.
Le cas d’Athus et du Sud-Luxembourg belge,
Ed. Universitaires, Bruxelles, 1979, 240 pages.
Goffin, L. Une histoire de fer et d’acier, Cahiers
de l’Académie luxembourgeoise, 21/2005 pp. 5-55.