Nature et paradoxes

Pays de paradoxes, le Japon l’est également dans son rapport à la nature. Entre révérence et non-sens écologique, l’attitude de la société nippone à l’égard de son environnement (d)étonne et intrigue.

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u Japon depuis une dizaine de jours pour leur habituel stage hivernal, les judokas belges ne cessent d’être épiés. De Tokyo à Kofu, impossible pour eux d’échapper au regard de celui que tous, sur l’île, vénèrent depuis des lustres. De celui dont la sérénité inspire désormais autant que sa colère n’a été crainte il y a quelques siècles encore. De celui dont l’élégante symétrie contraste avec ses flancs abrupts. De celui qui symbolise à lui seul les paradoxes d’une nation. Du Mont Fuji.

Au Japon depuis une dizaine de jours pour leur habituel stage hivernal, les judokas belges ne cessent d’être épiés. De Tokyo à Kofu, impossible pour eux d’échapper au regard de celui que tous, sur l’île, vénèrent depuis des lustres. De celui dont la sérénité inspire désormais autant que sa colère n’a été crainte jusqu’il y a quelques siècles encore. De celui dont l’élégante symétrie contraste avec ses flancs abrupts. De celui qui symbolise à lui seul les paradoxes d’une nation. Du Mont Fuji.

Point culminant (3.776 mètres) d’un pays où la majorité de la société est de confession shintoïste et, par conséquent, veille à respecter la nature avec autant de considération que les hommes, le Mont Fuji fait partie de ces lieux dits sacrés parce qu’habités par les esprits. Un temple à ciel ouvert qui, de par sa taille et sa dimension mystique, rappelle constamment aux Japonais à quel point leur île et son décor rythment leur quotidien. Et les inspirent.

Des haïkus (poèmes nippons) aux estampes, nombreuses sont les œuvres qui se réfèrent ainsi à la nature, sa force et sa douceur. Comme la grande vague de Kanagawa. Ou encore, en judo, l’Itsutsu no kata, dont les mouvements renvoient tantôt à un arbre déraciné, tantôt à un tourbillon.

« Au Japon, la nature est omniprésente, note Dirk Van Tichelt, médaillé de bronze aux Jeux de Rio. Même dans les grandes villes où les bâtiments poussent comme des champignons, chaque quartier continue de préserver son propre parc. Comme si conserver un coin de pelouse, un point d’eau et des arbres à côté de leur maison était nécessaire à leur équilibre. »

Point culminant (3.776 mètres) d’un pays où la majorité de la société est de confession shintoïste et, par conséquent, veille à respecter la nature avec autant de considération que les hommes, le Mont Fuji fait partie de ces lieux dits sacrés parce qu’habités par les esprits. Un temple à ciel ouvert qui, de par sa taille et sa dimension mystique, rappelle constamment aux Japonais à quel point leur île et son décor rythment leur quotidien. Et les inspirent.

Des haïkus (poèmes nippons) aux estampes, nombreuses sont les œuvres qui se réfèrent ainsi à la nature, sa force et sa douceur. Comme la grande vague de Kanagawa. Ou encore, en judo, l’Itsutsu no kata, dont les mouvements renvoient tantôt à un arbre déraciné, tantôt à un tourbillon.

« Au Japon, la nature est omniprésente, note Dirk Van Tichelt, médaillé de bronze aux Jeux de Rio. Même dans les grandes villes où les bâtiments poussent comme des champignons, chaque quartier continue de préserver son propre parc. Comme si conserver un coin de pelouse, un point d’eau et des arbres à côté de leur maison était nécessaire à leur équilibre. »

Tantôt source d’inspiration, tantôt bouffée d’oxygène, l’environnement parfois très hostile des Japonais les poussent en tout cas à s’adapter continuellement. Car, si la société nippone a basé son mode de fonctionnement sur le respect de valeurs ancestrales, elle tire profit de chaque catastrophe naturelle (Kobe, Fukushima,…) pour cimenter ses fondations et innover encore plus. À l’instar finalement d’un combattant forcé de se réinventer pour gérer tous les nouveaux assauts de son adversaire.

« Quand on voyage à travers le pays, on sent que la population a conscience de la toute-puissance de la nature qui l’entoure : elle est prête à toute éventualité et elle a tout envisagé pour minimiser l’impact des secousses par exemple, note Matthias Casse, champion d’Europe et vice-champion du monde de judo. C’est sécurisant mais aussi un peu inquiétant car, dans le même temps, on voit qu’ils continuent de construire des buildings toujours plus grands. Chez nous, je ne suis pas certain qu’on oserait les imiter… »

Des Jeux olympiques plus écologiques

Symboles d’un Japon qui se veut toutefois résolument plus « vert », les organisateurs des Jeux ont lancé plusieurs initiatives afin de réduire l’impact écologique des compétitions.

Outre la volonté d’utiliser des matériaux recyclés (dont environ 6,2 millions de téléphones portables usagés) pour confectionner les médailles qui seront remises aux athlètes, Tokyo 2020 promet par exemple d’utiliser un maximum d’énergies renouvelables pour alimenter l’électricité des installations sportives.

Conscients de la vitrine écologique que doivent aussi représenter les prochains Jeux, les Japonais iront même jusqu’à proposer des lits en carton recyclé dans les logements olympiques. Histoire, peut-être, de permettre à tout le monde de dormir plus sereinement.

De même qu’une bonne partie de la société fait suffisamment confiance à la nature pour réparer elle-même les erreurs commises par les hommes, il est difficile pour les Occidentaux de comprendre certaines logiques environnementales nippones. Que ce soit dès les années 50 et 60 avec la destruction à grande échelle de ses paysages urbains ou aujourd’hui avec sa vision de l’écologie. Exemple avec Charline Van Snick.

« À chaque fois que je me rends au Japon, je suis perdue, résume l’ancienne championne d’Europe, très engagée dans la préservation de la nature. Au premier abord, on se dit qu’ils sont très tournés vers l’écologie car ils ne jettent jamais leurs déchets ailleurs que dans les poubelles, par exemple. Mais très vite, on se rend compte que ce n’est pas vraiment le cas car ils emballent tout et n’importe quoi. Dans certains magasins, on peut même trouver un œuf unique emballé dans du plastique. Et tout ça, on va vous le proposer dans un sachet plastique avec des couverts en plastique et des serviettes emballées dans du plastique. C’est juste choquant quand on sait les efforts qu’on doit fournir pour sauver notre planète ! »

« Mais si les commerçants japonais emballent plusieurs fois les articles, c’est parce qu’ils considèrent qu’il s’agit avant tout d’un service qu’ils rendent aux clients. » Basé à Tokyo depuis près de 10 ans, Nicolas Wauters, l’ancien ket de Bruxelles devenu guide touristique, apporte de la nuance. « Il ne faut donc pas envisager leur comportement comme une attitude anti-écologique » mais plutôt comme le respect de conventions sociales. « Depuis peu, la société fait réellement beaucoup d’efforts pour diminuer son impact environnemental. Il suffit de regarder le nombre de voitures hybrides dans les rues pour s’en convaincre. »

Dans un pays qui s’ouvre au monde depuis peu – le Japon est passé de 4,8 millions de visiteurs en 2009 à près de 31 millions de touristes en 2018 – et où le quotidien est rythmé par des pratiques bien ancrées, les choses changent donc peu à peu. Par convictions mais aussi, et surtout, par nécessité, à l’image de l’intensification de la politique nationale de recyclage provoqué par… la volonté chinoise de durcir les conditions d’importations de déchets plastique sur son territoire.

Tiraillés entre des coutumes pas toujours très écolos et l’envie de préserver un environnement qu’ils savent précieux, les Japonais pourraient bien être à la croisée des chemins.

Mais à voir le regard étonné des vendeurs du « 7 Eleven » voisin de l’université de Yamanashi face aux refus des judokas belges de voir leur bouteille d’eau être emballée dans un sac plastique, le chemin est visiblement encore long d’ici à ce que la société nippone trouve ce nouvel équilibre qui ne perturbera pas trop ses codes.

Des codes
et
des valeurs

En quête
de
perfection

Stupeur
et
tremblements

Nature
et
paradoxes

Changer
un
peu