Chapitre 1 : Tel le phénix

 « La nuit n’est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte » (Paul Éluard, Le Phénix)

Le FC Bomal, enregistré sous le matricule 9741 auprès de la fédération, fait figure de véritable phénix dans le paysage footballistique wallon et, plus précisément, celui de la provine du Luxembourg.

Créé en 1912 et relancé durant la Seconde Guerre mondiale sous le patronyme de Bomal FC (matricule 3205), ce sympathique petit club villageois des bords de l’Ourthe a connu son heure de gloire au début des années 70, avant de se consumer dans la fournaise d’une fusion aux ambitions démesurées.

En 2015, le Bomal FC, devenu « Société Royale » depuis le 10 septembre 1991, met donc la clé de la buvette et celle de ses vestiaires sous le paillasson. Absorbé désormais au sein de l’Entente Durbuy (matricule 3008), le petit club des bords de l’Ourthe, exsangue de ses couleurs, de son identité, disparaît.

Les installations de Bomal s’apprêtent à revivre dès cette année

Les poches pleines, mais le cœur vide

Franchissant les échelons menant vers le football semi-pro saison après saison, la nouvelle entité fusionnée et menée d’une poigne de fer – enrobée d’argent – par le tout-puissant Paul Tintin réussit le tour de force d’atteindre la D2 Amateurs, soit la quatrième des cinq divisions nationales, en deux ans à peine. Mais plus le club se hisse haut dans la hiérarchie du football belge, plus le chiffre de fréquentation du petit stade, déménagé entre temps dans le bled voisin de Barvaux, tend vers le bas.

Pour maintenir le cap, le club coalisé délie les cordons d’une bourse que seul l’imposant apport personnel de l’omnipotent président parvient à renflouer. Issus des quatre coins du pays, des joueurs qui n’ont jamais entendu parler de Bomal ni de Durbuy débarquent lors de chaque mercato, bourrés de talent, certes, mais inconnus des supporters du coin. Attirés par le fric et l’ambition. À mesure qu’il grandit, la perte d’identité du club s’accélère aux yeux des quelques bénévoles restés plus ou moins fidèles au club et qui, à leur tour, finiront par déserter les abords du terrain communal.

« Le problème, c’est que je pense que Monsieur Tintin n’aura pas été soutenu assez, c’est fort probable », estime Jean-Yves Henrotte, l’homme qui exerçait la présidence du Bomal FC avant l’arrivée de Paul Tintin. « Cependant, voilà : il avait peut-être une autre vision, celle de jouer en nationale, alors que moi-même, au départ, j’étais plutôt d’avis de faire jouer des gens de la région dans une équipe de P2 ou de P3, voire même de P1, à la limite, mais avec des budgets plus faibles, pas avec ceux que Monsieur Tintin a donné au club… »

Jean-Yves Henrotte ne partageait pas la vision de Paul Tintin et lui a donc cédé la présidence en 2013.

Car, de fait : se sentant esseulé, usé, Paul Tintin en vient finalement à lui aussi tourner le dos au club durbuysien. Après avoir investi beaucoup de son temps et de son argent, le président annonce son départ en mars dernier… avant de s’engager du côté de Sprimont : « J’étais arrivé dans une impasse à Durbuy et nager à contre-courant, ce n’était plus possible », reconnaissait-il.

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Paul Tintin « perplexe » quant à l’évolution du foot amateur :

« Après avoir scindé clairement foot pro et foot amateur, on en vient à marteler que, même au sein d’un club amateur, les joueurs sont nécessairement sous contrat de travail parce qu’il y a un lien de subordination. Je comprends qu’on veuille lutter contre certains abus, mais c’est bizarre qu’on cible ainsi le foot amateur alors que les problèmes du foot pro n’ont pas été réglés. (…) Je ne dis pas qu’il n’y a pas un billet, un plein de citerne ou des pneus neufs qui ont été accordés çà et là, mais j’ai toujours mis l’accent sur une série d’avantages. Comme la qualité et le nombre des équipements, la couverture des frais de déplacement, des frais médicaux, dénicher un boulot ou régler une situation préoccupante pour le joueur. »

Le désormais ex-président durbuysien a retrouvé un environnement plus à la hauteur de ses ambitions du côté de Sprimont.

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Matricule à vendre

Ainsi jeté en pâture aux vautours du foot wallon, le matricule durbuysien suscite rapidement les convoitises. De Verviers à Esneux en passant par Fléron, nombreux sont les clubs à s’enticher soudainement du numéro 3008, censé leur ouvrir comme par magie les portes vers une D2 Amateurs qu’ils ne pourraient rejoindre sportivement.

Et avec finalement une ASBL bruxelloise (!) bombardée à la tête du matricule, l’esprit durbuysien, et à travers lui le peu d’esprit bomalois qui subsistait encore, s’est en définitive totalement évaporé.

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« Mon club, mon âme »

« En venant conduire mon enfant à l’école, située en face du terrain, et en voyant que ces infrastructures magnifiques allaient tomber à l’eau, j’ai toujours pensé que mon but serait de pouvoir un jour les remettre en état » : Olivier Houard, personnalité bien connue du village et ancien joueur, est le premier à décrocher son téléphone. L’idée ? Relancer le FC Bomal, ce club qui l’a vu toucher ses premiers ballons, dribbler ses premiers adversaires, inscrire ses premiers buts.

Ancien joueur très attaché au club local, Olivier Houard est l’instigateur du projet de relance et de remise en état des infrastructures.

Ancien joueur très attaché au club local, Olivier Houard est l’instigateur du projet de relance et de remise en état des infrastructures.

« Pour moi, c’est toute une âme. J’ai fait toutes mes classes de jeunes ici, à Bomal. Mon âme est ici. Et c’est cette âme, cette âme de footballeur, que j’ai toujours eue depuis tout petit, qui m’a donné envie de me lancer dans un tel projet. »

C’est ainsi que, moins de trois mois après l’annonce du retrait de Paul Tintin et celle de la reprise du club fusionné par l’ASBL Anneessens, le FC Bomal, tel un oiseau de feu, a ressuscité sur les bords de l’Ourthe.

« Nous avons ainsi décidé avec quelques amis de relancer le club ici, cette année, et avec une équipe qui, je l’espère, tiendra la route, afin de pouvoir faire un bon championnat », reprend Jean-Yves Henrotte, lequel a de suite répondu à l’appel d’Olivier Houard. « Pour que les gens du village puissent bénéficier, à nouveau, d’un club de football, ici, au centre de Bomal. »

Redémarrant – comme le veut le règlement – tout en bas de la hiérarchie footballistique (en P3E luxembourgeoise), le FC Bomal s’est donc donné pour mission première de retrouver son identité et les valeurs qui, jadis, ont fait sa réputation.