Alors que sa carrière décollait et qu’un été peaufiné depuis 2 ans se profilait, le DJ et producteur DC Salas a été cloué au sol. S’en sortant grâce à un job dans la com’, le Bruxellois voit ses amis « dans la détresse ». Il plaide pour une nuit post-covid plus locale et raisonnable. 

 

« Le premier confinement m’a fait réfléchir à la place de la culture : en gros, l’État s’en foutait que je sois à l’arrêt. Ils sont plus contents de me voir travailler dans un boulot “normal” ».

Ce boulot « normal », c’est celui de spécialiste des réseaux sociaux. En journée, c’est Facebook et sa famille qui font vivre le DJ bruxellois DC Salas. La com de crise de ses clients, festivals, mais aussi Commission européenne, l’a sans doute sauvé au printemps 2020. « Si je m’étais mis à 100 % sur la musique, je me serais pris une vraie claque », opine le sympathique trentenaire.

Car d’un coup, c’est tout le pan nocturne de sa vie qui dégringole quand le confinement est décrété. « Le 13 mars 2020, je devais jouer toute la nuit au Bonnefooi, dans le centre. Et le lendemain idem, au club C12 ». La carrière artistique du producteur est torpillée en plein décollage. « Je travaillais sur un nouveau live, j’avais sorti un album. Avec mon management, on bossait sur la saison estivale 2020 depuis 2 ans ».

La nightlife est oubliée. Quand on parle culture à la télé, à la radio, j’ai l’impression qu’il n’y a que les théâtres comme interlocuteurs. La nuit, c’est pas la culture ? On est quoi ? Des amuseurs publics qui font passer le temps aux insomniaques ?

Habitué à passer tous ses week-ends aux platines, à voyager, le producteur est cloué dans son appart. « Quel statut revendiquer ? Comment être aidé ? » Ces questions le taraudent avant que la machine communicante ne se relance. L’artiste renonce aux aides et endosse le costume de militant. « Dans mon milieu, je suis ultra-privilégié avec mon activité de freelance », concède-t-il. « J’en suis conscient. Mais ça ne m’empêche pas d’être révolté par le manque de considération au secteur de la nuit ».

Il ne mâche pas ses mots, DC Salas. « J’ai beaucoup d’amis dans la détresse. Avec des statuts précaires. Mais certains combats semblent plus importants que d’autres. La nightlife est oubliée. Quand on parle culture à la télé, à la radio, j’ai l’impression qu’il n’y a que les théâtres comme interlocuteurs. La nuit, c’est pas la culture ? On est quoi ? Des amuseurs publics qui font passer le temps aux insomniaques ? C’est là que s’ancre le problème ! »

Lancé dans la musique à 17 ans, le producteur ne digère pas. La créativité lui permet bien de se mettre 5 EP sous le coude qui sortiront en 2021. Il streame aussi des DJ sets et s’embarque à la RTBF pour une émission sur Jam, radio des musiques émergentes. Mais « sur la longueur », la déprime pointe. Le coup de massue arrive lors d’une résidence à Kiosk Radio, la web station logée dans un kiosque du parc Royal. « C’était ma seule raison de sortir de chez moi. Je suis casqué, je joue à fond, j’ai l’impression d’être en club. Mais je lève les yeux et là, je ne vois que des policiers à vélo et des militaires en patrouille. Je me dis : “OK, on en est là”. Tout d’un coup, ça n’allait plus ».

Car d’un coup, c’est tout le pan nocturne de sa vie qui dégringole quand le confinement est décrété. « Le 13 mars 2020, je devais jouer toute la nuit au Bonnefooi, dans le centre. Et le lendemain idem, au club C12 ». La carrière artistique du producteur est torpillée en plein décollage. « Je travaillais sur un nouveau live, j’avais sorti un album. Avec mon management, on bossait sur la saison estivale 2020 depuis 2 ans ».

Un dancefloor de 18.000 personnes, c’est pas mon plaisir ultime. Je suis content si je joue mon DJ set devant 100 spectateurs qui peuvent danser

Désormais, DC Salas « se prépare au feu vert ». En plus d’une résidence mensuelle à Kiosk Radio et d’un podcast sur Jam à la RTBF, il surfe sur la dynamique d’une résidence au C12 où son nouveau show bénéficie d’une captation. Mais pour l’instant, « y a pas de date ». Alors, Diego garde la tête hors de l’eau « en pensant à la première fête ». Jusqu’à quand ?  « Encore maximum 6 mois ».

Ses pistes sont celles de la Brussels By Night Federation (notre article d’hier) : des scènes extérieures, « à plus petite échelle ». Le mec a les pieds sur terre : « un dancefloor de 18.000 personnes, c’est pas mon plaisir ultime. Je suis content si je joue mon DJ set devant 100 spectateurs qui peuvent danser ». Retour aussi à une scène « plus locale », pour en finir avec la démesure de la nuit : « on a du talent à Bruxelles et les bookers ne dépendront plus de DJ à 7000€ le cachet ». DC Salas plaide ainsi pour « une cartographie des sites potentiels comme à Paris. Savoir que des open airs s’ouvriront l’été, ça permettrait de tenir ». Le DJ a joué l’an dernier à Tour & Taxis, sur les platines d’un Fuse amarré dans l’ancienne gare maritime. « Ma seule opportunité : je m’y suis bien marré ». Ce genre de scène modèle réduit permettrait aussi de réguler la fête : « ça vaut mieux que des raves partout avec le Covid qui reste pas loin de là ». Par contre, le musicien ne veut pas entendre parler de demi-jauges ni de demi-mesures. « On va pas faire des lives ambient pendant 3 ans ! »

Et de tendre la main au politique et aux citoyens : « Ces gens, on les a fait rêver. À eux désormais de nous faire rêver».