Le site Welcome to my garden réunit voyageurs et propriétaires de jardin.
Et pas uniquement à la campagne.
Françoise est la première à y ouvrir sa pelouse à Bruxelles.

Contournant le weigelia, Françoise Van Enst descend son interminable jardin vers le ru qui coule tout au fond, au pied d’une épaisse haie. « J’espère avoir des légumes si les limaces ne mangent pas tout. » À Auderghem, le confinement a stoppé net le vacarme automobile du viaduc Herrmann-Debroux, qui ondule à quelques centaines de mètres. Le chant des oiseaux s’élève dans les feuilles du vieux pommier « qui ne donne plus trop. » Le corridor de verdure est séparé de ceux des voisins par de frêles grillages qui n’assassinent ni la perspective, ni l’impression d’espace. « Mon jardin n’est pas large, mais mesure 50 m de long : il y a la place pour planter une tente. »

Une idée de séjour originale

Et justement, l’infirmière de 63 ans vient de s’inscrire sur la jeune plateforme belge Welcome to my garden. Sa pelouse est le premier point de chute bruxellois à intégrer le site. Depuis lors, d’autres carrés de gazon à Uccle, Jette ou Evere ont fait le saut vers ce partage du jardin 100 % gratuit.

Dans une Europe sonnée, le voyage risque d’être corsé cet été. Le Belge pourrait donc se replier sur ses frontières. Et si hôtels et chambres d’hôtes restent interdits ou dopent leurs prix en raison de frais de désinfection supplémentaires, planter la tente pourrait s’avérer pratique pour s’offrir une escapade en Ardenne ou un city trip dans la capitale. Même pour des Bruxellois écœurés par les parcs bondés et sous surveillance policière ininterrompue.

Françoise Van Enst ne s’y trompe pas : « En confinement, le jardin est précieux. Moi, j’ai profité du beau temps dehors. Et c’est un privilège en ville. Vraiment. »

L’Auderghemoise trouve l’idée originale, surtout dans une région où « l’offre en camping n’est pas très riche. » La capitale stricto sensu ne compte en effet qu’un seul camping, à Ixelles. Les autres options se trouvent en Brabant flamand. « Moi, je suis à 25 minutes du centre en métro : la station Demey est à 100 m. »

Dans un esprit solidaire

C’est l’élan solidaire de la crise du coronavirus qui a convaincu celle qui habite le quartier depuis 33 ans. « L’aspect gratuit me plaît. Avec ce confinement, quelque chose de neuf se développe, un esprit solidaire qui a de plus en plus de sens ». Françoise est bien placée pour le savoir : la Résidence roi Baudouin, de Woluwe-Saint-Pierre, où elle travaille comme infirmière a été touchée de plein fouet par la maladie, comme bien d’autres maisons de repos belges. Et puis, grande marcheuse, l’Auderghemoise connaît la valeur du point de chute chez l’habitant : « C’est facile : on frappe à la porte, on plante sa tente. »

Et après s’être rafraîchi au point d’eau disponible sur la terrasse, on ouvre une bière au pied de la vieille vigne. Et au son du coassement des grenouilles, au milieu des framboisiers, des fleurs sauvages et des prêles, on savoure la verdure en ville.

L’expérience de Françoise

Promenade verte

Depuis Auderghem, les espaces verts de l’est de Bruxelles sont très facilement accessibles à pied ou à vélo. À deux pas de chez elle, Françoise Van Enst conseille le Rouge Cloître ou le parc Tenreuken. « Via la Promenade verte (NDLR : itinéraire balisé de près de 65 km autour de Bruxelles), on est aussi très vite au parc de la Woluwe ou en forêt de Soignes. » Mais le coup de cœur de cette adepte, c’est Tervueren, « son parc, son musée, vraiment pas loin à vélo. »

 Famille de voyageurs

Les voyages en mode doux, Françoise Van Enst connaît. « J’ai le projet de rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle à pied. Actuellement, je suis arrivée à Verdun. Nous avons toujours campé en famille. À la ferme si possible. Après avoir travaillé au Rwanda, on est revenus en camion aménagé. On a passé trois mois sur la route. » Bercés par le roulis du voyage sur les pistes, ses trois fils perpétuent la tradition. « L’aîné est parti vers le Congo mais a dû s’arrêter au Bénin en raison de conflits au Nigeria. Un autre est parti au Portugal à vélo. »

 Protection des données

Le site Welcome to my garden a d’abord affiché jusqu’au nom de la rue de ses hôtes, avant de faire machine arrière. Le zoom du site est désormais trop lointain pour situer les adresses avec exactitude, obligeant les utilisateurs à s’en enquérir auprès des propriétaires. Mais Françoise ne s’inquiète pas de la protection des données. « Indiquer le nom de la rue ne me dérange pas, d’autant qu’on peut le choisir. » Elle y voit même une aide : « Quand on voyage à pied, une différence de 10 km en fin de journée, ce n’est pas anodin. »