Tantôt cantinière fourmillant de rang en rang, tantôt cavalière majestueuse ou vivandière affairée. Elles sont indispensables.  Femmes, épouses, mères ou grands-mères de marcheurs ; discrètes souvent, mais attentives de leur regard parfois inquisiteur. Trois Fossoises racontent « leur » Saint-Feuillen. 

Mèlye, marcheuse par contumace

Françoise est une Dumont par sa maman. Et les Dumont à eux seuls, c’est un peloton entier de sapeurs-grenadiers. Un peloton ? Presque une compagnie, vu le nombre ! « Pas que des Dumont », rectifie-t-elle, « Il y a aussi quelques Mau-Mau et quelques Meu-Meu. » Comprenez : des amis de la famille.

Que d’occasions manquées

Vous ne trouverez pas plus ardent marcheur qu’elle. Et pourtant… : « Ce sera toujours le grand regret de ma vie, de ne jamais avoir marché. Quand j’étais enfant, il n’y avait qu’une seule place de petite cantinière, et ce n’était pas moi. En 1991, j’avais réussi à avoir une place d’aide-cantinière. Mais j’étais enceinte de ma fille. » Elle mime un ventre rond : « Un tonneau, pas deux ! J’ai dû donner ma démission à Mon Onc’ Billy (Louis Dumont). J’ai fait une belle lettre, disant que j’étais occupée à la finition d’un petit sapeur. Mais quand les compagnies sont passées devant chez maman, j’ai pleuré ! 

 «Si j’étais morte à ce moment-là, je mourais heureuse»

A la rentrée, la cantinière est venue me trouver et m’a demandé si j’avais mon bonnet de police. Nous, les femmes de la famille nous avons toutes un bonnet de police dans notre sac. Elle m’a dit : tu le mets, tu fais la rentrée avec nous. Juré : si j’étais morte à ce moment-là, je mourais heureuse. Maman disait toujours : J’srais prête à moru ; dj’intins on fîf et des tambours ; dji ravike ! » Françoise a ça dans les tripes : « La Saint Feuillen c’est. Je ne sais pas le dire en français ; en wallon, je dis : ça frum’ji à l’intérieur. » Et dans les moments forts, elle vit les émotions à 100 % : « Au renouvellement du vœu, pareil. J’avais prévenu une amie que j’allais sûrement pleurer. Les tambours dans l’église avaient à peine fait deux “fla” : paf, ça coule !  Et le troisième dimanche, après le feu de file. Je pleure aussi, parce que c’est la fin. »

Encore un peu frustrée cette année

Comme beaucoup d’épouses de marcheurs, Françoise est aux petit soins pour les préparatifs du grand jour. « On ne dort pas beaucoup la veille. Parce qu’on est impatientes, mais aussi parce qu’il y a toujours un bouton qui ne tient plus bien ou un truc qui ne brille pas assez. Et puis, on fait attention pour entendre le clairon à 4 heures. »

 Cette année encore, elle sera un peu frustrée mais elle profitera un maximum : « Mes genoux vont m’empêcher de faire tout le tour. Je suis un peu une vieille 4L avec un moteur de Porsche ! Je vais m’installer pour les regarder passer et puis monter chez maman. L’après-midi, je reçois des vieilles tantes, mais le soir, enfin après minuit, je veux voir repasser Malonne. Je laisse une fenêtre ouverte pour les entendre arriver. Je veux en profiter le plus possible. En avoir plein les yeux, plein les oreilles, pour tenir 7 ans. »

Lucia, une discrète transmission

Autre figure bien connue de Fosses : Lucia Drèze. Pensez : elle a nourri quelques générations de patronnés. Les soupers d’associations, les repas lors des fêtes…. Elle était toujours en cuisine ! Discrète, affairée, d’une force tranquille et souriante. Surtout, ne lui demandez pas de se taire !

Elle nous reçoit chez elle. « Tu veux de la Saint-Feuillen ? Tu peux te retourner où tu veux, tu vois de la Saint-Feuillen, » dit-elle en montrant toutes les photos sur ses murs.  « Là, là, et cô pa d’vant ! Mes fils me disent toujours : tu vis trop avec tes souvenirs. »

Elle est mère, grand-mère et arrière-grand-mère de marcheurs. Son mari, policier de son état, a reçu une médaille pour 7 Septennales. Une exception dans son cas : sa fonction l’obligeait généralement à assurer la sécurité du cortège ; il ne pouvait donc pas toujours participer dans les rangs.

C’est lui qui y a amené Lucia : « Quand j’étais chez mes parents, je ne descendais pas à la Saint-Feuillen. Mais après, du fait que Manu (son époux) et les gamins y allaient, j’ai suivi. Ils sont tous mordus pour l’affaire ! Les compagnies de marcheurs, je faisais toujours leur souper. Je faisais déjà le souper des Tchôds-Tchôds quand c’était encore café chez Louise, près du jeu de balle. »

La tradition s’est perpétuée dans la famille : « Quand Manu est parti, il était à la clinique et il m’a dit : La Saint-Feuillen, je la ferai avec mon petit gamin. À la Saint-Feuillen qui a suivi, je savais bien que Thibault, mon petit-fils, filleul de mon mari, n’aimait pas ça. Mais il n’a pas hésité : En souvenir de parrain Manu, je marcherai toujours. »

Avec cette année son arrière-petit-fils Marius, 3 ans, voici donc une génération de plus qui emboîte le pas.

Une charlotte à la Françoise

Nouvelle habitante de Fosses depuis un peu plus d’un an, Françoise Besson Didion est originaire de Namur. Pour elle, le folklore ce sont les Wallos, les Echasseurs, le festival international du Folklore.

« Mon papa était Namurois de souche aussi. Il était souvent avec Roger Lazaron. Donc, j’ai tout le temps été baignée là-dedans. Le quartier Saint-Nicolas, la place L’Ilon. Le folklore pour moi, c’était les amis. Moi, j’étais spectatrice. »

Sous le charme du folklore péruvien

Son chemin de vie l’emmène en Amérique du Sud, et elle tombe sous le charme du folklore péruvien : « Les danses, la chaleur, la musique. Il y a beaucoup plus de folklore qu’ici ! On allait voir tous les spectacles qui réunissaient tous les folklores du Pérou. »

Les Marches de l’Entre-Sambre et Meuse, elle connaissait, mais sans plus : « J’en avais déjà vu peut-être une fois. Le folklore de Fosses, je l’ai découvert petit à petit. Sans vraiment devoir chercher : tout le monde en parle ici ! Puis, en buvant un verre lors d’une sortie préliminaire, j’ai discuté avec un couple. Ils m’ont proposé de venir chez les Charlotte de la Compagnie de Le Roux. Et voilà ! Ça a commencé comme ça ! »

Et cette fois, elle a décidé de ne plus être que simple spectatrice : « Pour bien comprendre une Marche, il faut vivre ça de l’intérieur, pas de l’extérieur. Donc, la seule façon, c’est de participer. Ce qui m’étonne le plus, c’est le nombre de cantinières. Chaque peloton en a une. Mais elles sont vraiment débordées ! »