Mardi 10 novembre 1987 à 17 h, Robert Van Oirbeek sonne à la porte de la banque BBL, à Gembloux. Ses intentions sont charmantes en apparence, criminelles en réalité. Il se présente en fleuriste avec un bouquet à l’attention de Mme Barreau, épouse du directeur de l’agence. Celle-ci vit à l’étage avec son mari, André, et leurs trois filles.

Une fois entré dans l’agence, le bandit pousse la propriétaire et laisse tomber les pétales pour le pistolet. Le bouquet a un parfum de violence, c’est un braquage de banque, pire, une prise d’otages.

Robert Van Oirbeek, truand notoire à l’époque pour ses casses à répétition, est rejoint par ses deux complices, un français, Jean-Jacques Gourgues, dit « Maniable » et un homme encagoulé qui ne sera jamais identifié.

Le Graal des cambrioleurs, c’est la salle des coffres. Pour y entrer sans faire sonner l’alarme, ils ont besoin du directeur d’agence, André Barreau, de la caissière, Vinciane André, et de Pierre Primez, directeur adjoint. L’un habite la banque, la deuxième a les clés et le troisième les codes. « Ils avaient tout prévu, notamment de prendre autant de personnes en otages, raconte Vinciane André. Nous avons compris par après qu’ils nous suivaient depuis plusieurs jours. »

Premier kidnapping

Deux des braqueurs, Robert Van Oirbeek et « Maniable », se rendent au domicile de Vinciane André vers 21 h. Ils embarquent l’intéressée, son mari de l’époque, leur fils de 15 mois et une boîte de couches. Les braqueurs font ensuite le chemin inverse vers Gembloux, accompagné de la famille namuroise et toutes leurs craintes. « Ils nous demandaient le chemin vers la banque, alors qu’ils le connaissaient. C’était pour nous tester, évaluer notre sens de la collaboration. » 

 « Je peux me permettre d’opérer à visage découvert »

Robert Van Oirbeek laisse tomber la cagoule, arrivé à l’agence. Il a 32 ans, il s’érige rapidement comme le cerveau de l’opération. Il se vexera tout au long de la prise d’otage de ne pas être reconnu, en tant que criminel d’envergure internationale. Quelques mois plus tôt, il avait perpétré un casse similaire à 80 millions à Valkenburg, aux Pays-Bas. « Je peux me permettre d’opérer à visage découvert », racontait-il, un brin narcissique.

Dans la banque, une confiance mutuelle s’installe, dopée par la menace. Les bandits montrent des grenades, des mitrailleurs, des masques à gaz. « Au cas où », un avertissement, efficace. Le calvaire commence dès la nuit tombée pour André Barreau. Menotté à un fauteuil, il restera seul avec le Petit Robert et « Maniable » durant 24 h. Il négocie, temporise, démontre qu’ouvrir la salle des coffres de nuit est impossible sans faire sonner l’alarme. Il affronte la nervosité, l’impatience, voire la colère des truands. « Une partie de bras de fer, une bataille psychologique entre Van Oirbeek et moi », décrivait-il.

Deuxième kidnapping: 12 personnes en otage

Le matin du 11 novembre, rebelote. Le Petit Robert et « Maniable » se rendent à 7 h chez Pierre Primez, directeur adjoint. Le bouquet de fleurs est fané, le directeur adjoint ouvre la porte à sa collègue Vinciane André. « J’ai vu le pistolet-mitrailleur de l’homme qui l’accompagnait, j’ai tout de suite compris », raconte ce traumatisé d’un premier braquage, en 1972, où il a perdu un œil des suites d’une balle perdue. Le Petit Robert embarque tout le monde, le directeur adjoint, sa compagne de l’époque et la fille de cette dernière, 7 ans. Au total, ils seront 12 otages.

125 coffres fracturés

Dans la matinée de l’armistice, les braqueurs pénètrent dans la salle des coffres. « Ils ont trié les coffres selon les professions pour prioriser ceux qu’il fallait ouvrir », raconte Vinciane André. Finalement, ils rempliront une dizaine de sacs avec un montant estimé entre 200 et 500 millions de francs. Un magot qui n’a jamais été retrouvé dans son entièreté. Le butin reste évasif, car certains clients de la banque craignaient tant le fisc que les braqueurs et n’ont pas osé réclamer la totalité de l’argent sous protection bancaire. Dans cette somme, 170 millions étaient des titres qui n’ont pu être exploités par les malfrats. « Ils nous mettaient des billets dans les poches arrières de nos jeans, pour nous corrompre », explique la caissière.

Un bain avant de s’en aller

Avant de partir, les braqueurs prennent un bain dans les appartements du directeur et menottent tous les otages. « N’appelez pas trop vite la police » seront les derniers mots de Van Oirbeek dans la banque de la cité des couteliers. Il est 17 h, les malfrats filent pour aller boire une bière à Namur, rue Pépin, en face de la police judiciaire. Ils y passeront la soirée. Un sens du sang froid qui n’était déjà plus à démontrer.

Vinciane André recroisera le Petit Robert, des années plus tard, libre, à l’agence de Jambes dans l’exercice de ses fonctions. Elle parle aujourd’hui de ces événements avec aisance. Pierre Pirmez, à 75 ans, est quant à lui toujours traumatisé et ne peut retenir ses émotions à l’évocation du braquage. « Heureusement que nous avons eu affaire à des professionnels, ils n’ont pas paniqué. Mais par son calme et son sens de la négociation, André Barreau nous a probablement tous sauvés », conclut Vinciane André. Dans une vision souvent édulcorée de ces temps de grand banditisme, la gloire est aux braqueurs et aux évadés. Mais l’héroïsme, il appartient sans aucun doute aux otages et aux braqués.

Nos autres grands angles

Mon Japon: terre de coutumes et de paradoxes

Immersion au cœur d’une unité de soins intensifs Covid

La mystérieuse pollution du Geer

Dans le WhatsApp de Trump