Sandra et Jean-Michel vivent avec moins de 1.200 euros par mois
Sandra Bullido (32 ans) et Jean-Michel Lamy (37 ans) ont passé deux mois à la rue. Aujourd’hui, ils tentent de remonter la pente, ils ont désormais un toit à « eux ».
« C’est surtout au Rebond (NDLR: le centre de jour de l’ASBL « Comme chez nous à Charleroi ») que la plupart des choses se sont passées. Quand on avait envie de baisser les bras, ils ont toujours été là pour nous remonter le moral et ça, c’est important, parce que garder le moral, c’est dur. Si on n’avait pas eu le Rebond, un endroit où se poser la journée, où réfléchir, être aidé, guidé… Sans ça, je pense qu’on aurait pu facilement baisser les bras et on aurait pu finir mal. »
Interrogé sur ces 24 sans-abri qui ont perdu la vie, rien qu’au cours de cette année, on sent que Jean-Michel a le coeur gros. « C’est des gens qu’on connaît. C’est choquant, on n’est rien sur terre… Si ça tombe, demain, ce sera une autre de nos connaissances, parce qu’il n’y avait pas de place dans l’abri de nuit. »
« Il n’y a pas assez de places dans les abris de nuit (NDLR: l’accueil inconditionnel se fait uniquement quand la température descend sous le seuil des deux degrés), estime Sandra. Ce qui est dur aussi, c’est quand on veut retrouver un logement et qu’on n’accepte pas les cautions du CPAS… »
Il y a le sans-abrisme, mais il y a également tout ce qui peut venir s’y greffer et rendre le cauchemar encore plus invivable, comme la prostitution et la toxicomanie. « Si on choisit bien ses ‘copains de rue’, il y a moyen de rester clean, » confie Jean-Michel. « On est resté à la rue deux mois, ce n’est pas pour ça qu’on est tombé dans la prostitution, qu’on s’est mis à la consommation de produits illicites… Il y a moyen d’être à la rue en étant clean! »
« Il ne faut pas d’office associer SDF à alcoolique, drogué(e) ou prostitué(e). Avant d’être SDF, c’est vrai qu’on avait une image assez négative du SDF. Quand on s’est retrouvé à la rue, on s’est rendu compte qu’il y avait des mères de famille… »
Quand on demande à Jean-Michel s’il a un coup de gueule à pousser (ou pas), il regrette « le voile qu’on veut mettre sur les SDF… On a envie de les cacher, » témoigne-t-il. « On essaie de nous faire comprendre qu’on n’est pas les bienvenus dans certains endroits. »
Et Sandra de préciser: « On n’a pas le droit de rester en groupe tout près du nouveau centre Rive Gauche. Ce sont des quartiers chics… »
« Ils veulent faire de Rive Gauche une image de marque, une bonne publicité pour Charleroi et montrer des SDF tout près, c’est une tache sur la carte postale, » lâche Jean-Michel.
« On regarde Rive Gauche et on regarde les rues à côté, c’est deux villes différentes, juge Jean-Michel. Rive Gauche, ça a été la promotion pour faire revenir les gens, les investisseurs… Mais dans les rues à côté, ça reste la ‘zone’. »
« On veut faire croire que c’est plus beau que ça en a l’air, poursuit Sandra. Il faut montrer le côté propre de la ville… »
Le couple vit avec moins de 1.200 euros par mois
Le revenu d’intégration social pour des cohabitants s’élève à 595 euros (par personne). Sandra et Jean-Michel doivent donc composer avec un peu moins de 1.200 euros par mois pour vivre. « Grâce à l’AIS (agence immobilière sociale), on a pu retrouver un appartement à Jumet et maintenant on est suivi par les assistants sociaux du Rebond et du CPAS, qui nous mettent en marche vers une réinsertion sociale, précise Jean-Michel Lamy. Une fois qu’on est sorti de la rue il y a toujours un suivi pour éviter justement qu’on retombe dans la rue… »
« On a dû faire appel aux dons pour des meubles, des objets divers. Quand on est SDF, il y a la prime d’aide au logement, c’est plus +/- 1200 euros, qui nous permettent d’acheter le strict minimum. »
Leur loyer s’élève à 250 par mois, sur base d’un bail d’un an. « On a eu la chance d’avoir un logement de l’AIS, avec un loyer bas, » indique Sandra Bullido. »Pour payer les factures, ça va. Après, pour manger, il faut faire attention. Manger, à la limite, ça devient un luxe. »
« Le but, c’est vraiment de retrouver un emploi, » affirme Jean-Michel avec conviction. « Se remettre dans la vie active, via des formations, des articles 60, c’est-à-dire des contrats CPAS (NDLR: un contrat de travail conclu entre le bénéficiaire et le CPAS qui est l’employeur). »