Lutter pour la sauvegarde de l’environnement, sensibiliser à la protection de la biodiversité, alerter sur les dangers du réchauffement climatique : si ces problématiques semblent plus actuelles que jamais au regard de la récente mobilisation de mouvements tels que #YouthForClimate ou #GlobalStrikeForClimate, elles s’accompagnent parfois aussi d’un effet pervers, lequel peut occulter d’autres menaces qui pèsent sur notre société.
Récemment, les nombreuses et parfois virulentes attitudes de désapprobation envers la jeune activiste suédoise Greta Thunberg et le message qu’elle véhicule ont notamment rappelé que, si l’avenir plus ou moins proche de la planète était en jeu, celui, immédiat, lui, de bon nombre de personnes en situation précaire l’était tout autant.
C’est pour cette raison que Greenpeace a décidé de replacer la lutte contre la pauvreté, autre enjeu majeur de notre société, au cœur de son combat pour l’écologie. « On a constaté que la mobilisation pour le climat était le fait d’une frange relativement privilégiée de la population et qu’elle avait occulté d’autres préoccupations, tout aussi légitimes, notamment au sein des médias », note Juliette Boulet, porte-parole de Greenpeace Belgium. « Il y a donc eu une grosse remise en question de notre part. »
« Le mouvement des gilets jaunes a renforcé notre vision », poursuit Juliette Boulet. « Leur importance et les enjeux qu’ils mettent en exergue nous ont montré que certaines solutions que nous prônons pour la défense de l’environnement pouvaient sembler injustes pour certains. On s’est dit que si on continuait comme ça, on allait finir par s’opposer les uns aux autres. Gilets jaunes, contre gilets verts. Mais ce n’est évidemment pas le but recherché. »
Pourtant, la porte-parole l’assure : les enjeux des uns ne sont pas forcément si éloignés de ceux des autres. « La transition écologique pour laquelle Greenpeace s’investit est une formidable opportunité pour transformer notre société afin de la rendre plus juste, plus égalitaire pour chacun. Nous avons à cet égard rencontré plusieurs associations de lutte contre la pauvreté. Le constat qui s’impose est que nous devons agir ensemble. Car ces problématiques nous concernent tous. Et si on ne fait pas face à l’urgence climatique, tout le reste est perdu. »
Responsabiliser plutôt que culpabiliser
Chez bon nombre de personnes, lesquelles ne nient pas nécessairement l’urgence climatique, ce discours a cependant tendance à agacer.
« Parce qu’il faut arrêter de culpabiliser les gens », reprend la porte-parole. « Il faut au contraire les responsabiliser. C’est par exemple ce que fait actuellement l’Esperanza (NDLR : l’un des trois navires de Greenpeace, voir chapitre 1). Il mène une campagne de sensibilisation à la problématique de l’élevage intensif. L’idée n’est pas de dire aux gens qu’ils doivent arrêter de manger de la viande, mais de les sensibiliser au fait que réduire leur consommation et manger davantage local peut avoir une incidence directe sur l’état de la planète et leur environnement. »
Aux côtés d’une quarantaine d’associations, Greenpeace Belgium s’est récemment retrouvé autour de la table afin de réfléchir à la manière de mettre en place une transition écologique équitable pour tous.
« Le climat dépasse les clivages politiques, son réchauffement affectera tout le monde », ont ainsi conclu dans une note les associations présentes pour l’occasion. « Une transition climatique équitable peut améliorer la qualité de vie de tous les Belges et certainement celle des citoyens en situation de vulnérabilité. A cette fin, nous appelons les nouveaux gouvernements à concentrer leurs efforts sur les cinq axes suivants : contribution équitable des grands pollueurs et des plus hauts revenus ; droit à l’énergie et à un logement climatiquement neutre ; énergies renouvelables pour tous ; amélioration des transports publics, promotion de la mobilité douce et verdissement du parc automobile ; mise en place d’une transition industrielle solidaire, participative et équitable. »
Cette diversification des enjeux poursuivis, telle qu’amorcée aujourd’hui par l’ONG, fait évidemment référence à l’origine même de sa création. En 1971, les 14 activistes fondateurs avaient ainsi rebaptisé leur organisation dans le but de lui donner un nom qui faisait référence aux deux préoccupations du moment : l’environnement (Green) et le pacifisme (Peace).
Comme le rappelle Juliette Boulet, la sauvegarde de l’environnement ne peut se faire au détriment d’autres luttes qui, au sein de la population mondiale, rencontrent une forte adhésion et, surtout, une grande légitimité.
Mais à l’heure où la plupart des signaux annonçant une crise climatique virent au rouge, il apparait plus nécessaire que jamais d’investiguer de nouvelles pistes afin de sortir la tête de l’eau et recommencer à respirer.
Car, au final, qu’est-ce qu’une augmentation de 1 à 2 degrés de la température moyenne dans nos contrées d’ici 2050 ? La réponse est répétée inlassablement depuis des décennies par les climatologues et les activistes : des étés plus chauds et des vagues de chaleur plus nombreuses que les procédés d’isolations de nos habitats n’ont pas pris en compte ; une sécheresse plus importante qui minerait davantage encore nos productions locales et aurait un impact inévitable sur notre portefeuille ; des feux de forêts plus nombreux et plus réguliers qui entraîneraient une véritable catastrophe pour notre écosystème… Le message ne date pas d’hier, mais il semble que c’est seulement aujourd’hui que ce cri d’alarme se fait entendre.
En mer du Nord, voilà dix ans que l’éolien offshore s’amplifie et une nouvelle vague de développement pointe déjà le bout du nez. Les scientifiques l’admettent : cette technologie ne remplacera pas à elle seule les énergies fossiles et l’industrie du nucléaire. Mais il s’agit d’une piste parmi d’autres et d’une piste concrète, fiable, sur laquelle la Belgique a, pour le moment, une longueur d’avance sur la plupart des autres pays du monde. « Et le potentiel en mer du Nord est quasi illimité », insiste Jan Vande Putte : de quoi augurer un avenir plus vert pour les États qui choisiraient de s’engouffrer pleinement dans cette porte entrouverte, avec une incidence réelle pour la sauvegarde de la planète. Tel est le message que le Rainbow Warrior, présent pour la première fois en Belgique depuis onze ans, est venu partager.