Barwal est un projet ambitieux de fabriquer des barriques avec du chêne wallon. Mais c’est un savoir-faire tenu secret, qui n’existe pas en Belgique.
Barwal a été créé par Hugues De Pra et Didier Mattivi, deux passionnés de vin. Leur idée est d’offrir une alternative locale et qualitative aux fûts en chêne français utilisés par les vignerons belges. « C’est venu en discutant avec Didier, un menuisier amateur qui partage la même passion que moi pour le vin et la gastronomie, raconte Hugues De Pra. Nous sommes tous les deux entrepreneurs et avons en commun la passion de la création. Nous avons donc discuté longuement pour lancer un projet commun de fabrication de fûts en chêne belge pour les nouveaux vignerons belges. La viticulture est en pleine expansion chez nous et on s’est dit que cette idée était plutôt géniale et innovante. »
Un savoir-faire champenois
La touche innovante du projet, c’est surtout pour la partie informatique, le premier métier des deux entrepreneurs. Pour la concrétisation, tout était à faire. « Il ne nous manquait que la matière première : le chêne, de préférence merrain, c’est-à-dire de toute première qualité. Nous nous sommes informés auprès de l’Office du bois wallon qui nous a renseignés sur la qualité de chêne que l’on pouvait trouver dans les forêts wallonnes et nous a aussi dit que des tonneliers français venaient déjà s’approvisionner dans les forêts wallonnes. »
À partir de là, les deux entrepreneurs ont la certitude que leur projet tient la route. La qualité du chêne wallon ne fait pas de doute. Ils se tournent alors vers la scierie Hontoir, à Faulx-Les-Tombes (Gesves), pour se fournir en grumes de chêne. Quant au savoir-faire, ils vont le chercher en Champagne. « Nous avons mis en place une chaîne de valeurs pour notre projet. Si dans un premier temps, il nous fallait trouver les arbres, il nous fallait aussi un savoir-faire particulier, qui n’existe pas en Belgique, pour faire l’assemblage des barriques afin de pouvoir proposer des produits qui répondent aux besoins de nos vignerons. La tonnellerie artisanale de Champagne partage les mêmes valeurs que nous. Cela tombait plutôt bien car, au niveau géographique, elle est aussi très proche de la Belgique. Puisque l’idée de base de notre projet était de faire un produit local de qualité en circuit court, on ne pouvait rêver mieux. »
Organiser le cycle
Le partenariat est désormais sur les rails. Cependant, à moyen et à long terme, le projet Barwal va plus loin. « Notre entreprise est toute jeune et nous devons encore acquérir un savoir-faire pour commencer à assembler des fûts en Belgique. Pour faire cela à 100 %, en circuit court et local, il faut y aller petit à petit. Avant, nous voulons amener une petite touche d’innovation pour optimiser le cycle de vie des barriques qui commence en général chez un vigneron, puis va chez un distillateur et chez un brasseur avant de terminer dans le circuit de la décoration. Il y a un besoin d’organiser ce cycle. »
Lancement d’une formation
Créer une merranderie et une tonnellerie en Wallonie : deux autres projets dans les cartons des deux entrepreneurs. « Avec notre tonnelier partenaire, l’ambition est que le savoir puisse être transféré vers la Belgique, mais surtout que l’on peut continuer de bénéficier de la longue expérience de la tonnellerie de Champagne. Nous avons l’intention de former une première personne afin de faire prospérer cet artisanat en Wallonie. Notre projet est basé sur la durabilité et cela passera donc aussi par de la création d’emplois. »
Barwal cherche des profils pour lancer cette formation de tonnelier. « Nous n’avons pas de profil précis en tête. En fait, ce métier est à la croisée de deux mondes, celui du bois et celui du vin. On a donc besoin d’une personne qui sait écouter le bois et qui en comprend les mécaniques, mais il faut aussi qu’il puisse comprendre ce que le vigneron peut créer à partir de cépages et d’un terroir. Ce sera un vrai parcours de compagnonnage, une magnifique aventure et si c’est une personne qui a déjà vécu dans le monde du vin qui se lance dans le monde du bois ou inversement, ce sera aussi une belle histoire. »
Les plus beaux arbres
Créé en 2020, Barwal a son siège social à Folx-les-Caves (Orp-Jauche), dans le Brabant wallon. Depuis sa création, la firme se structure gentiment, avec ses partenaires, sans brûler les étapes.
« La tonnellerie est un métier un peu complexe. Il faut pouvoir prévoir à un horizon de trois ans ce que va être notre production, explique Didier Mattivi, cofondateur de Barwal. En fait, le bois que nous achetons aujourd’hui va maturer pendant trois ans avant de servir pour faire les fûts pour nos clients. À terme, nous voulons devenir une vraie tonnellerie, mais on ne va pas sauter les étapes. Pour le moment, nous nous contentons d’acheter le bois à la scierie Hontoir qui achète des chênes sur pied. C’est ce qu’on appelle des coupes. Nous pouvons ensuite sélectionner les plus belles grumes pour nos clients, avant de commercialiser les fûts. Notre bois provient des plus beaux chênes des forêts wallonnes, qui sont surtout dans le Namurois, un peu dans la province du Luxembourg ou de Liège et une toute petite partie du Hainaut. Nous avons donc des bois qui viennent de Rochefort, Philippeville et même de la dotation royale. C’est pour cette raison que nous avons mis en place un cycle vertueux de gestion de nos barriques pour maximiser leur utilisation. Ces barriques sont faites à partir des plus beaux arbres de nos forêts et on ne veut pas surtout pas gâcher cela. »
Actuellement, Barwal peut fournir tous les formats de fût et de foudre, jusqu’à 50 hectolitres. « Pour le moment, nous fournissons 25 vignerons, soit en neuf soit en occasion. Nos barriques, c’est notre fierté, mais nous sommes aussi fiers de notre filière bois que nous voulons soutenir grâce à notre projet, surtout pour éviter que nos plus beaux chênes ne finissent leur vie en Chine pour revenir chez nous en meubles. »
Un savoir-faire à partager
Il n’y a pas de tonnelier en Belgique. Ce savoir-faire artisanal, il faut l’exporter. Cela, seule une formation sur le terrain, avec un tonnelier, permettra de le faire.
Produire des barriques avec du chêne wallon, c’est désormais le credo de la tonnellerie de Champagne, via le projet Barwal. Jérôme Via, le patron de la tonnellerie, apporte un savoir-faire qui n’existe pas encore chez nous.
« Nous sommes installés à proximité de la Belgique, c’est un atout. Mais nous avons un savoir-faire bien précis, valorisé depuis longtemps en Champagne. Rejoindre ce projet nous permet d’exporter notre expertise, de la partager avec nos amis vignerons belges et de leur apporter les fûts qui s’accommodent le mieux à leur vin. »
En valorisant le chêne wallon, le tonnelier considère qu’il a un rôle à jouer pour la production viticole wallonne, en plein essor. « On ne sait pas faire de grands vins sans matière première. En ce qui nous concerne, ce sont surtout ces chênes multicentenaires, droits de fil, sans défaut, qui sont la matière première indispensable pour faire de grands fûts. »
Compagnonnage
De la forêt au fût, le tonnelier assure tout le processus. « La première étape est d’aller en forêt pour sélectionner les chênes en compagnie de l’exploitant forestier. En Belgique, nous travaillons avec Geoffroy Hontoir, qui est installé à Faulx-Les-Tombes. Il est chargé de nous fournir les grumes. Une fois les grumes en notre possession, c’est là qu’intervient mon premier métier, celui de merrandier. Il consiste à fendre les grumes et les réduire à la taille de planches. Ces planches, nous les laissons sous la pluie et au soleil, pendant trois ans. Une fois le bois arrivé à maturité débute mon second métier, celui de tonnelier. Le bois ainsi séché est transformé en douelle pour composer la coque du tonneau. On assemble les planches, sans vis et sans colle, uniquement avec un cerclage en fer, et on les cintre pour leur donner une forme ovoïde, grâce au feu, qui torréfie l’intérieur du fût. Ce qui, ensuite, apportera des arômes et des saveurs particulières au vin. Ce brûlage, aussi appelé bousinage, va révéler le vin et l’accompagner au cours de son élevage. Le secret du métier de tonnelier est d’accompagner le vigneron dans l’élaboration de ses vins, pas de les modifier. »
Le métier de tonnelier ne s’apprend pas sur les bancs d’une école. En France, C’est le système traditionnel de transmission de connaissances et de formation à un métier, le compagnonnage ou l’apprentissage, qui forme un tonnelier.