En une année, il y a plein de tâches nécessaires pour conduire la vigne jusqu’aux vendanges.  C’est le secret d’une bonne récolte, du moins si l’année est bonne.

Le soleil vient à peine de se lever. Les premiers rayons réchauffent l’atmosphère. Dans la cour de la ferme du Chapitre à Baulers (Nivelles), Annie, Étienne, Bertrand et Guillaume sont déjà à la tâche. Aujourd’hui, c’est une grosse journée qui les attend. L’heure de la première vendange du domaine a sonné.   Étienne et ses deux fistons, Guillaume et Bertrand, installent le matériel dans la cour. Les bacs en plastique qui accueilleront bientôt les premières grappes sont empilés et chargés sur la remorque du tracteur.

Il est 8 h 15, les premiers vendangeurs arrivent. L’ambiance est conviviale. Ce n’est pas la première fois qu’ils viennent vendanger. Le briefing de Bertrand et Guillaume est simple. Tout le monde connaît la musique. Après un petit café bien réconfortant, la petite troupe se rend dans le vignoble. Aujourd’hui, on ne récoltera que le solaris. C’est le seul cépage qui a atteint une bonne maturité alcoolique.

« Il est vraiment à point. Pourtant, cette année a été très compliquée, raconte Guillaume.  Nous avons eu beaucoup de nuits de gel et donc pas mal de dégâts. À mon avis, nous avons au moins une perte de 30 % de rendement. On verra, en fin de journée, combien de litres de jus seront encuvés. Mais, c’est sûr, les rendements de cette année sont moins bons que ceux de l’an passé. En plus du gel, il y a eu de mauvaises floraisons en juin. Ensuite, nous avons eu de l’humidité pendant tout l’été. Nous avons des problèmes sur certains cépages. Le mildiou a même attaqué le johanniter, qui est un cépage pourtant résistant. C’est dire combien cette année a été compliquée. »

Une pourriture noble

Dans un rang, Jean, un retraité, goûte une baie de raisin.  « La part des anges, sourit-il. Cette année, les raisins sont nettement moins beaux que ceux de l’année dernière. En plus, il y a un début de pourriture. Heureusement, cette pourriture, les vignerons disent qu’elle est noble et cela ne va pas altérer la qualité du jus.  Bien au contraire. »

Dans les rangs des vignes, l’ambiance reste bon enfant. Les bacs se remplissent.  La vendange avance bien. Il est 10 h, c’est l’heure du break. Annie attend sa petite troupe de vendangeurs avec du café et quelques couques, histoire de recharger les accus. La pause ne dure pas, tout le monde reprend la vendange.

Le clocher de l’église de Baulers vient de sonner. Il est midi. La vendange est terminée.  « Maintenant, on va commencer à fouler les raisins et puis, on va petit à petit le presser, explique Bertrand.  Nous avons à peu près 3 000 kg de raisin. cela devrait faire 1 500 litres. Les vendangeurs ont bien travaillé. Ils ont été vite. D’habitude, on finit toujours vers 15 h mais aujourd’hui, il faisait beau et tout le monde a mis beaucoup de cœur à l’ouvrage. »

Bertrand vient d’enclencher l’érafleuse, les premiers bacs sont déversés. Tous les vendangeurs contemplent ce spectacle. Il n’a lieu qu’une fois par an et il est le fruit de leur bénévolat.

Annus Horribilis

2021 restera dans les annales comme un millésime catastrophique.  Certains vignerons ont tout perdu, d’autres se contenteront de ce que leurs vignes ont bien voulu donner. 

Namur

Les vignerons namurois ont connu des fortunes diverses, avec des pertes de récolte inédite.  Marc Vanel, Journaliste et auteur de nombreux ouvrages à propos du vignoble belge et wallon, a fait l’inventaire.  « Un bref état des lieux donne très vite le ton. Cette année est une année catastrophique, explique Marc Vanel. Au château de Bioul, on annonce 50 % de pertes. Jeanette van der Steen vient de me confirmer que sa récolte ne dépassera pas 25 % d’une récolte normale. Au domaine du Ry d’argent, les interspécifiques ne sont pas trop impactés mais là aussi la récolte sera moindre. On constate un gros retard dans les maturités. »

Brabant Wallon

« Épisodes de gel, grêle, pluies, mildiou. Tout cela entraîne des lourdes pertes. Au Château de Bousval, Vincent Dienst m’a expliqué qu’il avait des dégâts de mildiou assez importants, avec des pertes proches des 50 %, nous confie Marc Vanel. Le Try d’Argenteuil, à Lasne annonce 70 % de pertes. Le Domaine de Mellemont qui vient d’être repris par 4 investisseurs, m’a dit que le muller thurgau (rivaner) était le seul cépage impacté  et  que les pieds de solaris présentaient peu de traces de mildiou.  Au Domaine de Glabais, à Genappe, le vignoble a été épargné par le gel et heureusement, le mildiou n’a attaqué que les feuilles et pas les grappes. Mais là aussi les rendements seront faibles. »

Hainaut

Le cœur de la production viticole wallonne n’a pas, non plus été épargné par les aléas climatiques.  Au domaine du Mont des Anges, il a fallu précipiter les vendanges. Après le gel et le mildiou ce sont les étourneaux qui ont attaqué le vignoble. « Il a fait très mauvais et la plupart des arbres fruitiers portent peu de fruits, explique Vincent De Busscher. Du coup, nos vignes sont la seule alternative de repas quotidien pour ces volatiles. Nous avons donc avancé nos vendanges pour sauver ce qui peut encore l’être.  »

Non loin, au vignoble des Agaises, John Leroy a communiqué des pertes de rendements énormes sur les chardonnays et sur les pinots noirs.  Ce n’est donc pas demain que l’on pourra stocker du Ruffus.

Liège

Au domaine d’Occarius, à Ocquier, Marc Monfort a connu bien des déboires.  Pourtant l’année avait plutôt bien commencé. « Nous avons échappé au gel grâce à un débourrement tardif de nos vignes. Ensuite, à cause de la pluie, il a été impossible d’aller en tracteur dans les vignes pour effectuer des traitements. Cela a permis au mildiou et à l’oïdium de s’installer.  » Alain Dirick, à Huy, a ramassé son solaris. Il a bien résisté mais « les cépages classiques ont plus de maladies malgré deux fois plus de pulvérisations. » Tandis que du côté, du vignoble des Marlières, Benoît Heggen se réjouit de la qualité de son zweigelt, le vignoble Vin de Liège n’a pas pu maîtriser le mildiou.  2021 a vraiment été une annus horribilis.