Depuis maintenant sept ans, Sarah développe son activité sur les hauteurs de Comblain-au-Pont, dans le petit village d’Oneux, au confluent de l’Ourthe et de l’Amblève.

Petite-fille d’agriculteur, jamais elle n’aurait imaginé revenir un jour vers les racines familiales. Et pour cause : « J’ai fait des études en art du spectacle et cinéma à l’Université de Liège, donc rien à voir avec l’agriculture. Ensuite j’ai travaillé trois ans dans le milieu culturel liégeois, je faisais de la vidéo, je faisais des ateliers avec des artistes, etc. »

Pourtant, progressivement, Sarah commence à ressentir l’envie d’autre chose. « Je crois que j’ai eu envie de quelque chose de plus concret, qui me permette de travailler physiquement, quelque chose de plus simple, où on travaille et où on ne se prend pas trop la tête. »

« Je crois que j’ai eu envie de quelque chose de plus concret, qui me permette de travailler physiquement, quelque chose de plus simple, où on travaille et où on ne se prend pas trop la tête. »

Sarah Remy

Après une série de rencontres, la jeune femme décide alors de suivre une formation de maraîchère. « Mais sans volonté d’en faire un métier, j’avais juste envie de suivre ça comme passe-temps. Et peut-être un peu pour faire pousser des légumes. »

C’est alors que tout s’enchaine : alors que la formation arrive à son terme, Sarah lâche son boulot dans l’associatif liégeois. « C’est à ce moment-là que j’ai vu que la commune de Comblain-au-Pont cherchait quelqu’un qui voudrait s’installer en maraîchage et en traction. En fait, le deal c’était qu’eux cherchaient quelqu’un qui voulait s’installer de façon professionnelle, à temps plein, en tant qu’indépendant, en échange, ils avaient un cheval à mettre à disposition et avaient reçu un subside pour payer la formation du cheval et du maraîcher. » Et pour couronner le tout, l’expérience proposée prenait place à proximité de la ferme familiale. « Tout se mettait tellement bien que j’ai sauté sur l’occasion en disant : « Oui, oui, j’arriverai à faire pousser des légumes ». Alors que je n’avais jamais fait ça avant ! J’ai donc dû convaincre tout le monde que ça allait aller, que j’allais mener mon cheval, même si, moi, je n’en étais pas convaincue… »

Tout se mettait tellement bien que j’ai sauté sur l’occasion en disant : « Oui, oui, j’arriverai à faire pousser des légumes ».

Sarah Remy

Le flegme de Petula

Sept ans plus tard, Sarah se sent désormais pleinement épanouie dans son Jardin de la Fouarge, parmi ces champs de courgettes et plants de tomates. Elle a en outre développé, au fil des mois, puis des années, une véritable complicité avec Petula, son cheval de trait.

« La spécificité du Jardin de la Fouarge, c’est donc la traction animale. Ça veut dire que je ne travaille pas avec un tracteur, pas avec un motoculteur. On essaye de faire le moins possible de travaux manuels, toute la préparation du sol et l’entretien des cultures sont faits avec le cheval et des outils adaptés à la traction animale. Il y a un respect d’un certain rythme naturel. Si je travaille avec un tracteur, je peux travailler 16 heures d’affilée et ne pas faire attention non plus à moi, à mon rythme, au rythme du vivant. Car c’est ça pour moi le jardin, c’est respecter le plus possible le vivant, le rythme du vivant et un certain équilibre. Et je trouve que le fait de travailler avec un cheval apporte vraiment cette dimension, ça oblige d’être assez calme, d’être vraiment concentrée à ce que je fais et je crois que c’est ça qui me plait le plus, en dehors de l’aspect technique qui est très avantageux selon moi. »

« Le jardin, c’est respecter le plus possible le vivant, le rythme du vivant et un certain équilibre. »

Sarah Remy

Surtout, Sarah ne regrette aucunement son choix. « Finalement, c’est très simple et c’est très basique : je produis de la nourriture que l’on mange. Après, on peut y mettre plein de philosophies derrière, mais en gros, c’est ça : je produis de la nourriture, tout le monde mange, j’aime bien cette simplicité. »

Changer le monde

 Produire la nourriture qui permet de subvenir à ses propres besoins, c’est aussi en quelque sorte ce qui a motivé Stéphanie à plaquer son boulot de psychologue pour créer avec Fabien la Forêt de Luhan.

« Assez jeune, j’ai eu envie de participer à un changement du monde. Parmi les possibles qui s’offraient à moi en sortant de rhéto, j’ai opté pour la psychologie. Ça me paraissait être un moyen efficace pour aider les gens. J’ai donc travaillé quelques années dans ce domaine. Ensuite, c’est un ensemble de choses dans mon parcours qui fait que, à un moment, je me suis dit que ce n’était peut-être pas ma place, ou que je pouvais peut-être intervenir et aider autrement. »

Je me suis dit que ce n’était peut-être pas ma place, ou que je pouvais peut-être intervenir et aider autrement.

Stéphanie CHARLES

Après une dizaine d’années passées en ville, Stéphanie décide donc de quitter le confort urbain et de retourner vers ses racines familiales, vers la campagne.

« J’ai un peu saturé, j’ai eu besoin d’un peu plus de vert. Dans la balance, il y a quand même ce qui arrive régulièrement pour les personnes qui font une transition comme celle-ci : j’ai accompagné une personne dans la maladie. Or, il y a ce que les médecins disent et puis il y a tout le reste de la vision holistique de la personne. Je me suis alors tournée vers la conscience d’une alimentation de qualité avec l’envie de m’y impliquer fortement. »

Je me suis tournée vers la conscience d’une alimentation de qualité avec l’envie de m’y impliquer fortement.

Stéphanie CHARLES

Les besoins de base

 Agronome de formation et de métier, Fabien partage la vision de sa compagne : « Le retour à la terre, ça évoque un retour à l’essentiel, qui est de se nourrir et de nourrir tout un chacun avec les meilleurs produits possibles. Parce que l’alimentation, c’est notre première médecine. »

De ce point de – nouveau – départ, Stéphanie va alors développer une certaine forme de résilience, liée à ce principe d’alimentation saine que lui procure l’activité de maraîchage.

« Dans les différents courants de la psychologie, il y a cette notion d’éco-psychologie qui dit que, tant que l’être humain n’est pas rassuré et suffisamment bien ancré que pour répondre à tous ses besoins de base aux niveaux psychologique et spirituel, c’est un engrenage qui le conduit vers la consommation et la surconsommation pour se donner l’illusion de pouvoir subvenir à ses besoins. Mais en fait, il ne les produit pas lui-même. Or, c’est quelque chose que je sens nécessaire pour moi, pour ma famille et pour mon entourage. Notre volonté, c’est de pouvoir devenir autonome au niveau de l’alimentation, de la construction, de tout ce qui est transformation alimentaire aussi, mais aussi fabrication de meubles en bois, bref, de vraiment se réapproprier tous nos besoins de base. »

Notre volonté, c’est de pouvoir vraiment se réapproprier tous nos besoins de base.

Stéphanie CHARLES