Ils n’ont pas besoin de champs de maïs à perte de vue, pas plus que d’une moissonneuse savamment entretenue. Ils se contentent bien souvent d’une jolie petite parcelle, qu’ils labourent de leurs mains, d’un râteau et d’une pelle. Entre les rangées de courgettes, de patates ou de navets, ils travaillent des jours entiers, qu’il fasse bon ou mauvais. Certains en collectivité, les autres de façon solitaire, c’est ainsi que nos maraîchers prennent soin de notre terre.

Pour certains d’entre eux, l’aventure résulte d’une tradition familiale, voire d’une vocation. Mais pour d’autres, elle fait parfois suite à un long cheminement, une intense réflexion. Pour ceux-ci, faire pousser des légumes et les vendre sur le marché, ce n’était pas un but en soi, mais c’est devenu la panacée. Aujourd’hui, ces femmes et ces hommes nous parlent de leurs racines élémentaires, ils nous décrivent leur passion, leur retour à la terre.

Les rayons du soleil s’apprêtent à disparaître derrière la colline voisine. Affairée dans son champ, au milieu des plants de courgettes, Sarah est occupée à récolter ce que la nature consent à lui donner.

« Je n’utilise aucun pesticide, aucun engrais chimique ni aucun insecticide, qu’il soit bio ou non, explique la jeune femme, tout en scrutant le sol recouvert d’une épaisse végétation. J’essaye de jouer et de jongler avec ce qu’il y a ici, avec les insectes et les animaux qui peuvent m’aider, en tenant compte aussi de ceux qui peuvent occasionner des dégâts. J’essaye de garder un certain équilibre, même si l’agriculture c’est instaurer un déséquilibre, quoiqu’il arrive. J’essaye donc de garder un équilibre le plus sain et le plus respectueux possible de l’environnement. »

« J’essaye de garder un certain équilibre, même si l’agriculture c’est instaurer un déséquilibre, quoiqu’il arrive. »

Sarah Remy

À quelques kilomètres de là, Fabien bêche énergiquement. Il est occupé à retourner une parcelle qui accueillera bientôt, il l’espère, des dizaines et des dizaines de roquettes et autres frisées.

« C’est gai, c’est très gai, c’est très énergisant, souffle-t-il entre deux coups de bêche. Parce que la terre, on le dit, et je le ressens vraiment, elle emporte nos problèmes, elle nous apporte son énergie et ça se ressent au quotidien. »

Une cagette emplie de semis dans les mains, Stéphanie, sa compagne, abonde dans le sens de Fabien.

« Plus le temps passe à travailler avec la terre et plus je ressens fort ces liens entre l’énergie du moment, de la nature et mon rythme personnel. J’en avais assez de partir au boulot à 8h, de revenir à 18h, et d’avoir ces journées cadenassées, toutes les mêmes. Désormais, je peux vivre beaucoup plus en fonction des rythmes de la nature, en fonction des saisons. »

« Plus le temps passe à travailler avec la terre et plus je ressens fort ces liens entre l’énergie du moment, de la nature et mon rythme personnel. »

Stéphanie Charles

« C’est-à-dire qu’on vit de manière plus naturelle, reprend Sarah. Finalement c’est plus facile, parce qu’en hiver je ne me lève jamais avant le soleil (rire). Jamais je ne me lève à 7h du matin au mois de décembre, quand on est fatigué ! Je dors ou je reste chez moi, près du feu. Au printemps, par contre, là où la sève remonte partout, nous aussi on la sent ! Il y a du boulot et on travaille. Et puis on sent les moindres changements dans l’air, la moindre chaleur, la moindre pluie, le moindre vent : on est plus au fait de l’environnement, ça, c’est quelque chose qui me plait. »

Une ancre et des racines

« Le retour à la terre, c’est un retour à soi, avant tout, à une reconnexion, développe Fabien. Un retour à ce qui est bon pour soi, à ce qui est essentiel, à un rythme de vie peut-être plus serein, à plus de douceur, plus de lenteur, c’est sortir d’un rythme de vie plus effréné dans lequel, parfois, on est un peu en pilote automatique et où l’on ne se rend pas toujours compte que l’on ne se fait pas toujours que du bien. »

Le retour à la terre, c’est sortir d’un rythme de vie plus effréné dans lequel, parfois, on est un peu en pilote automatique.

Fabien Heuze

Avec d’autres mots, Stéphanie donne une définition similaire de ce « retour à la terre » : « C’est ma façon de reprendre ma prise de terre, c’est me retrouver dans un environnement qui pour moi est naturel et à la fois très juste, de pouvoir effectivement et concrètement mettre les mains dans la terre, avoir les pieds au sol, me reconnecter aux rythmes de la nature. »

Cette idée de s’ancrer, de s’enraciner dans la terre se marque également très fort dans le propos de Sarah : « C’est vraiment une manière de s’ancrer, une façon d’être, c’est un retour au sol, à quelque chose de vrai, de simple et de naturel. J’aime avoir les pieds sur la terre, savoir où je suis, et j’ai vraiment senti ça quand j’ai commencé le maraîchage. Je me suis dit : ah ouais, ok, je m’enracine. »