Des profils comme ceux de Sarah et Stéphanie sont-ils fréquents ? Les maraîchers ont-ils le vent en poupe ? Combien de jeunes choisissent chaque année de délaisser des études ou une carrière pour se lancer dans une telle entreprise ?

Située en Hesbaye, plus précisément à Gembloux, l’ASBL Centre Interprofessionnel Maraîcher (CIM) s’est donné pour mission d’encadrer les exploitants de fermes maraîchères qui le souhaitent, et ce aux quatre coins de la Wallonie.

D’autres organismes, à l’échelle des provinces notamment, accompagnent également ce type de projet. Si tous les maraîchers wallons ne font donc pas nécessairement appel au CIM, il s’agit cependant de l’unique structure à l’heure actuelle capable d’offrir une vision élargie, à l’échelle régionale donc, de la situation. De quoi lever un coin du voile sur les grandes tendances du secteur.

« Au niveau de la Wallonie, on considère qu’il existe à peu près 350 maraîchers en activité. Parmi ceux-là, il y en a 180 à 185 dont c’est l’activité principale », pose ainsi Claire Olivier, la directrice.

« On considère qu’il existe à peu près 350 maraîchers en activité. Parmi ceux-là, il y en a 180 à 185 dont c’est l’activité principale. « 

Claire Olivier

« On considère qu’il existe à peu près 350 maraîchers en activité. Parmi ceux-là, il y en a 180 à 185 dont c’est l’activité principale. « 

Claire Olivier

Comme des champignons m

Parmi les grandes tendances observées, le CIM « rencontre chaque année des candidats à la production. Donc, effectivement, cette tendance est en évolution », observe Claire Olivier.

Mais de qui s’agit-il ? « Il s’agit soit d’agriculteurs en diversification agricole, soit de personnes extérieures au secteur mais qui souhaitent se reconvertir professionnellement et qui se lancent alors dans une carrière de maraîcher. »

En termes de chiffres, ce sont une « vingtaine de candidats » qui, chaque année, poussent les portes du CIM. Or, pour rappel, tous ne font pas appel aux services de l’ASBL (1 sur 3,5 environ, selon les estimations).

Si aucun chiffre officiel et surtout exhaustif à l’échelle de la Wallonie existe à ce jour, il est donc néanmoins raisonnable de penser que les maraîchers poussent aujourd’hui comme des champignons.

Une alternative plus accessible

L’une des explications de cette évolution à la hausse tire son origine dans une lente mais évidente mutation du secteur agricole. Principalement auprès des jeunes candidats.

« Toute personne qui souhaite commencer une activité d’agriculture doit nécessairement faire des investissements importants, observe encore Claire Olivier. Or, reprendre une ferme existante peut s’avérer très coûteux si l’on n’est pas issu du milieu agricole. Le maraîchage offre en revanche la possibilité de travailler sur des surfaces moins importantes qu’en agriculture. Donc, l’investissement sera moins important au niveau de l’accessibilité à la terre. Et pour tout ce qui concerne les outils agricoles, le maraîchage demande une mécanisation moins importante et donc là encore des coûts moindres. »

Situation en Wallonie - Taille des exploitations maraîchères

Sur les 110 fermes maraîchères encadrées par le CIM en 2020, plus de la moitié occupe une surface égale ou inférieure à 2 hectares. À l’inverse, une seule de ces exploitations dépasse les 50 hectares de terrain.

À titre comparatif et selon les chiffres publiés par Statbel, l’office national de statistiques, la taille moyenne d’une exploitation agricole en Wallonie, pour l’année 2019, était de 58 hectares ! Ce chiffre est largement supérieur (+36 %) à celui enregistré vingt ans plus tôt (37 hectares en 2000) et a pratiquement triplé en quarante ans (21 hectares en 1980) !

Autrement dit, les exploitations agricoles sont de moins en moins nombreuses en Wallonie (12733 exploitations en 2019, contre 20843 en 2000 et 37843 en 1980), mais de plus en plus étendues.

Si l’on extrapole ces chiffres, l’on peut imaginer qu’ils indiquent là une tendance à l’intensivité des cultures sur notre territoire. Ces tendances sont également observées en Flandre.

Dans pareil contexte, le maraîchage offre bien souvent la possibilité pour de plus petits exploitants disposant de moyens plus restreints de travailler sur de plus petites surfaces et de diversifier leurs cultures.

La place de nos légumes C

L’office national de statistique soulève par ailleurs la diminution constance de la place accordée par le consommateur belge à son alimentation : de 15.1% en 1988, celui-ci n’octroie plus désormais que 14% de ses dépenses totales à cet effet (chiffres pour l’année 2018).

Il convient toutefois de nuancer le constat : Statbel observe ainsi que, ces dernières années, « le budget alimentaire retrouve des parts dans le budget local. »

Situation en Belgique – Dépenses moyennes

Sur l’année 2018, les légumes frais – toutes origines confondues – représentaient à peine 1.5% des dépenses moyennes chez le consommateur belge. À titre de comparaison, c’est moins que la viande fraîche et la charcuterie (2.9%), mais c’est aussi – plus interpellant – moins que l’alcool et le tabac (2%).

Même si celle-ci est à considérer comme un fruit au regard de la botanique, la tomate reste le légume qui attire le plus les consommateurs. Elle est d’ailleurs ce que l’on appelle dans le milieu un « produit d’appel ». Toutefois, avec ses maigres 4% de la production totale, la culture de la tomate n’arrive qu’en troisième position (derrière la carotte et ses 45%, et l’oignon et ses 37%) parmi les 136.000 tonnes de légumes frais produits en Wallonie au cours de l’année 2018.

Situation en Wallonie – Production de légumes frais

« La carotte et l’oignon sont des cultures produites sur de plus grandes surfaces et avec des plus gros volumes, précise encore Claire Olivier. Et là, on retrouve classiquement des agriculteurs en diversification qui optent pour ce type de productions, car elles sont plus proches de ce qu’ils font déjà sur les grandes cultures. »

En Wallonie, on peut toutefois pratiquement tout cultiver.

« Il existe une cinquantaine de productions différentes que l’on peut retrouver sur nos parcelles, confirme la directrice du CIM. Parmi celles-ci, on peut citer les courges, qui sont des légumes bien de chez nous. De plus, ces dernières années, avec les changements climatiques, certaines cultures qui n’étaient pas réalisables ici jusque maintenant sont désormais envisagées. C’est le cas par exemple du melon, qui peut être produit sous tunnel. Et parmi les produits d’appel les plus fréquents chez nos maraîchers wallons, outre la tomate de pleine terre, on retrouve aussi l’asperge verte, très populaire auprès du consommateur. »

L’impact du Covid

Avec la crise sanitaire du Covid-19, nos habitudes de consommation ont changé lors du printemps 2020. En raison du danger que représentait la propagation du virus et à la suite des mesures très strictes prises par le gouvernement durant le premier confinement, bon nombre de consommateurs ont délaissé – en tout ou en partie – les grandes surfaces. Ils se sont alors généralement tournés vers les producteurs locaux : l’agriculteur du bout de la rue ou le maraîcher du village voisin, par exemple.

Sur l’ensemble de l’année 2020, le Centre flamand de marketing agricole et de la pêche (VLAM), qui a analysé la consommation moyenne dans les commerces de détail, a ainsi calculé que le Belge a acheté en moyenne 40 kilos de légumes frais, contre 36 kilos en 2019 (soit une augmentation de + 10 %). La consommation de fruits frais a, elle aussi, augmenté : + 4 % sur cette même période.

Une enquête menée en juillet de l’année dernière par des chercheurs et chercheuses de l’UCLouvain, de l’Université Saint-Louis Bruxelles et du Centre Socialiste d’Education Permanente (CESEP) – sous l’égide de Julien Charles et de Samuel Desguin – avait mis en exergue le fait que la crise a encouragé, voire obligé 87% des personnes interrogées à changer leurs habitudes de consommation. Parmi celles-ci, 31 % indiquaient consommer davantage local, via notamment les commerces de proximité.

Toutefois, dès juillet 2020, le CIM observait déjà un retour à la situation d’avant la crise : « Avec le déconfinement, les gens ne prennent plus le temps d’aller chez les petits producteurs comme ils l’ont fait durant le confinement », notait alors Alain Delvigne, conseiller technique.