La libération de septembre laissait présager un retour à la paix. Pourtant, ce 16 décembre 1944, sur un front de 125 km, les Allemands lancent une offensive. Stupeur chez les alliés.

Le 16 décembre 1944. 5 heures 30. L’armée allemande lance son offensive sur un front de 125 kilomètres, entre Montjoie et Echternach. Fer de lance de l’opération : la 6e Armée blindée de Sepp Dietrich. Son objectif ? Traverser la Meuse entre Huy et Liège puis foncer vers Anvers.

La 5e Blindée de von Manteuffel, elle, doit prendre Saint-Vith, Bastogne et traverser également la Meuse pour s’emparer de Bruxelles. Deux autres armées soutiennent les flancs. La percée est d’une violence inouïe. Elle surprend les alliés. Les Allemands ont, en outre, mis sur pied plusieurs opérations spéciales.

Ainsi, l’opération Stösser consiste au largage de parachutistes derrière les lignes américaines. Ils doivent sécuriser des voies de communication, notamment au Mont Rigi. Action sans doute la plus connue : l’opération Griffon.

Organisée par Otto Skorzeny. Sous uniforme américain, des soldats allemands, s’exprimant parfaitement en anglais, infiltrent les troupes US.

Une réelle psychose, parfois proche de l’hystérie s’installe, ajoutant encore, dans les rangs alliés, à la surprise de cette offensive.

Retards

Placée sous le commandement des maréchaux Model et von Rundstedt, l’offensive semble, dans les premières heures, se dérouler comme prévu.

Des images inimaginables circulent : la propagande allemande diffuse des films et photos de colonnes de prisonniers américains, de soldats allemands se « servant » et se ravitaillant dans des réserves US.

Pourtant, malgré des apparences de réussite, on perçoit rapidement dans l’état-major allemand que cela ne se déroule pas comme espéré.

Certes, l’effet de surprise a été là. Mais les Américains ont fait plus que se défendre.

La mobilité sur les routes ardennaises est difficile pour les chars lourds allemands. Les routes sont encombrées.

Le 22 décembre, il commence à neiger. Le ciel devient clément le lendemain.

L’aviation alliée redevient opérationnelle. À Noël, tout semble déjà perdu.

Plus tard, von Manteuffel commentera : « Le destin de notre contre-offensive s’est infléchi, irrémédiablement, durant la Noël. […], ce fut alors l’étale du jusant de notre percée en Ardenne. […] Notre offensive allait s’enliser, car un redressement spectaculaire était, désormais, hors de question. »

Une brutalité sans nom

Furor Teutonicus, la « Furie teutonique » : l’expression utilisée dans l’Antiquité pour décrire la férocité des tribus germaniques a malheureusement retrouvé un sens lors de cette offensive von Rundstedt. Les fringantes troupes allemandes, conquérantes, de 1940 ne sont plus. En décembre 44, dans la population de nos régions, les plus anciens voient un mauvais remake des premiers jours de la Grande Guerre, où l’avancée allemande dans notre pays s’était déclinée en massacres, exécutions sommaires de civils, pillages et autres incendies. Avant le début de l’offensive, Hitler, devant ses généraux, n’avait pas caché le modus operandi de l’offensive, déclarant : « Cette offensive décidera de notre sort : la vie ou la mort. Je veux que tous mes soldats combattent de toutes leurs forces et sans pitié. Cette bataille devra être menée avec brutalité et toute résistance devra être écrasée par une vague de violence et de terreur. » Malheureusement, cette consigne va être respectée. Les civils vont en payer le prix fort. Une barbarie sans nom.

Stavelot et sa région

La région de Stavelot va être durement éprouvée. Dès leur entrée dans la ville, le 18 décembre, les Allemands exécutent des civils. Il n’y a pas que la cité abbatiale qui fait les frais de cette véritable furie. La région tout entière en est victime. Les noms de Parfondruy, Renardmont-Ster, mais aussi Wanne, Trois-Ponts, Cheneux, La Gleize sont autant de litanies de victimes. Les Allemands n’ont aucune pitié. Là, c’est une fillette de 3 ans qui tombe sous les balles, ici, un homme de 73 ans qui est brûlé.

De Jevigné à Noville

Les civils, déjà au cœur des combats, se voient en plus confrontés à cette terreur. Aucun théâtre des opérations n’est épargné. Impossible de faire le relevé exhaustif de ces massacres. Bourcy, Commanster, Hodister, Houffalize, Jevigné, Limerlé, Noville, Wibrin… vont être marqués dans leur chair. Des scènes d’une cruauté inouïe sont rapportées.  Ces récits aideront la Commission d’enquête sur les crimes de guerre à faire la lumière sur les massacres de civils. Si les principaux auteurs de ces exactions seront identifiés, peu répondront de leurs crimes après la guerre. On constate que si certains de ces actes ont été commis au hasard, d’autres étaient préparés, des unités spéciales se chargeant de perpétrer de véritables représailles sur des résistants, leurs familles voire des localités. La phrase vue à Bande : « Nous voulons de la vengeance » est symptomatique à ce sujet.

L’horreur à Bande

« Voilà ce qui fut l’atroce, l’impardonnable tuerie. Quelle explication, sinon quelle excuse, les Allemands pourraient-ils trouver pour cette effroyable boucherie ? Il y a des faits qui marquent un peuple à jamais au fer rouge. Ce massacre est de ceux-là. » C’est par ces mots que le correspondant de guerre du Soir, Roger Crouquet, commente, peu après les combats, la tuerie de Bande. Le village avait déjà souffert lors de la retraite allemande de septembre 1944. Une trentaine de maisons avaient été incendiées. Sans faire de victimes. Malheureusement, la veille de Noël 1 944 restera marquée à jamais dans la mémoire de la population locale et témoigne de la sauvagerie de mise lors de cette bataille. Les Allemands arrêtent dans le village des hommes. Parmi eux, des jeunes du petit séminaire de Bastogne qui avaient fui les combats. Ils étaient accompagnés par celui qui allait devenir évêque auxiliaire de Namur-Luxembourg, Monseigneur Musty. Ce dernier restera marqué par ces faits. Dans une cave, 34 hommes sont exécutés d’une balle dans la tête. Un seul échappera au massacre.