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Dans le cadre des tueurs du Brabant, plusieurs pistes ont été explorées.

1. Les Pieds nickelés de la filière boraine

En 1988, la cour d’assises du Hainaut acquitte la filière boraine : cinq Pieds nickelés arrivés dans le dossier à cause d’une expertise douteuse…

L’enquête sur les tueurs du Brabant a connu de nombreux soubresauts. Mais dès 1983, les enquêteurs pensent tenir le bon bout. Poussés dans le dos par le procureur de Nivelles Jean Deprêtre – qui soutient mordicus la piste de «prédateurs » (sic) et qui veut des résultats rapides –, ils mettent la main sur une bande de «paumés » qui habitent tous dans le Hainaut.On la baptisera plus tard la filière boraine.

Michel Cocu, l’ancien policier

Tout commence un beau jour de 1983 quand la gendarmerie reçoit un Ruger P38 spécial des mains d’une dame – Josiane De Bruyne – qui a peur de son mari violent. Ce mari, c’est Jean-Claude Estiévenart. L’arme lui appartient depuis peu, il l’a achetée à un certain Michel Cocu, chômeur de 31 ans, ancien policier communal à Boussu.

Expertisée par le commandant de gendarmerie Claude Dery, il conclut que l’arme a servi lors des attaques menées au Delhaize de Genval le 11 février 1983 (butin de 692 000 F, un peu plus de 17 000 €) et au Colruyt de Hal le 3 mars 1983 (butin de 704 000 FB, soit 17 500 €). «Cette expertise balistique a été confirmée par trois autres experts », dira le juge nivellois GuyWezel lors de la seconde commission d’enquête parlementaire en 1997.

Aveux et rétractations

Ces expertises vont être essentielles pour la suite.Michel Cocu est arrêté et interrogé longuement. Il ne craque pas. Puis, cuisiné par le procureur et le juge en personnes, il avoue avoir participé aux attaques deHal, Genval et Nivelles. De plus, il donne le nom de ses complices : Adriano Vittorio, Michel Baudet, Jean-Claude Estiévenart, Kaci Bouaroudj. Il en cite encore d’autres…

Tous sont connus des services de police pour des faits mineurs et on les imagine mal dans une affaire de banditisme de cette ampleur. Mais cela ne décourage pas les enquêteurs. La suite sera une succession de rétractations, de nouveaux aveux, de rétractations… Michel Cocu, par exemple, donnera 28 versions différentes!

Rapport dans le tiroir

La défense des Borains demande plusieurs contre-expertises, notamment au BKA, le laboratoire de la police allemande, plus réputé que les experts belges à l’époque. Et celui-ci est sans appel : le Ruger n’a pas servi dans les attaques. Mais ce rapport gênant pour les enquêteurs va dormir pendant neuf mois dans le tiroir du juge Jean-Michel Schlicker, qui a repris l’instruction à son collègue en 1984.
Quand la défense va se rendre compte de ce fait, elle va obtenir le dessaisissement du juge nivellois devant la cour de Cassation. C’est comme ça que le dossier des tueurs atterri au parquet de Charleroi et y restera…

En 1988, le dossier de la filière boraine arrive finalement devant la cour d’assises du Hainaut, à Mons. Le grand public découvre quasi pour la première fois ceux que l’on suspecte des attaques sauvages : Cocu, Vittorio, Baudet et Estiévenart et Bouaroudj. Ils n’ont vraiment pas la tête de l’emploi.
Et en plus, une nouvelle vague d’attaques – encore plus meurtrière – s’est déroulée en 1985,
alors que les principaux suspects étaient en prison.
Ce qui voudrait dire que soit ils ont été imités, soit que toute la bande n’est pas sous les verrous,
soit que les Borains n’ont rien à voir avec tout ça. C’est ce que le jury populaire décidera,
acquittant le quatuor principal sur toute la ligne. Certains seront toutefois condamnés pour des faits délictueux découverts durant l’enquête.Mais sans lien avec les tueries.
Michel Baudet est mort dans un accident de voiture en 1995. Adriano Vittorio est mort en 2005. Jean- Michel Estiévenart a eu de nouveau affaire avec la Justice en 2008. Poursuivi dans le cadre d’une affaire d’incendie volontaire d’un immeuble à appartements et pour meurtre pour faciliter le vol à Boussu, il s’est suicidé en prison en février 2008. Il avait comparu une autre fois en assises dans les années
90 pour des faits de vols avec violence. On ignore ce que sont devenus Michel Cocu et Kaci Bouaroudj.

2. Le grand banditisme

Plusieurs noms du grand banditisme ont été cités dans l’affaire des tueries du Brabant, sans que l’on puisse jamais aboutir à un résultat concret.
La piste la plus sérieuse fut celle de la bande de Baasroode, composée notamment de Philippe De
Staerke ou Léopold Van Esbroeck.
Le premier fut inculpé entre 1987 et 2001 dans le cadre de la tuerie au Delhaize d’Alost, la dernière et la plus sanglante (8 morts et 1 million de FB de butin) des tueurs. Il bénéficiera finalement d’un non-lieu.
On citera aussi les noms deHaemers, des ex-gendarmes Bouhouche et Beyer (impliqués dans l’assassinat de Juan Mendez), de Jean-Bultot (ex-directeur de la prison de Saint-Gilles qui a basculé), mais sans jamais aucune preuve.

3. Racket de la mafia américaine

Parmi les pistes «farfelues», certains avanceront une tentative de racket de la part de la mafia américaine à l’encontre de la chaîne de magasins Delhaize, principale victime des attaques.
En 1983, Delhaize était passé de 22 magasins Food Lion aux USA à 226 implantations. Une croissance qui pouvait laisser supposer d’importants moyens.
Mais cette thèse ne résiste pas à l’analyse. Pourquoi avoir attaqué d’autres magasins ? Pourquoi s’en être pris à des particuliers ? Delhaize a toujours nié avoir versé le moindre euro et avoir été l’objet d’un racket. Et offre toujours une prime de 250 000 € à celui qui permettra d’arrêter les tueurs.

4. La thèse des cadavres exquis

Les enquêteurs se sont livrés à une autre analyse : et si certaines victimes avaient un rapport entre elles ? Ou si une seule personne n’était en réalité visée ? À l’époque, la Belgique vit dans un climat assez trouble. Et certaines victimes semblent avoir fait l’objet d’une véritable exécution, comme s’il s’agissait d’un meurtre commandité. C’est notamment vrai pour le couple du Colruyt de Nivelles, le patron de l’Auberge des 3 Canards à Ohain ou même M. Finné, l’une des victimes de la tuerie de Braine l’Alleud.
Malgré les nombreuses recherches, rien n’a jamais abouti.

5. Les amateurs de tirs

Une des spécificités des tueurs du Brabant, c’est qu’ils utilisaient une technique de tir assez particulière, que seuls des amateurs d’armes, des militaires ou des gendarmes pouvaient connaître. C’est notamment vrai pour leur technique de repli, avec un homme posté dans le coffre qui arrose à l’arrière tout qui oserait les poursuivre.
Les enquêteurs se livreront donc à de nombreuses vérifications dans les clubs de tirs, mais aussi auprès d’anciens militaires ou gendarmes actifs ou passés de l’autre côté de la barrière… Mais sans résultat.

6. Le WNP, la piste de l’extrême droite

Rejetée par le procureur Deprêtre, cette piste elle a été soutenue par divers journalistes, dont René Haquin, c o n f r è r e aujourd’hui décédé du Soir. L’idée est qu’à l’époque, la Belgique était considérée par les USA et l’OTAN comme un pays un peu mou… En pratiquant ces opérations commandos via des membres du mouvement d’extrême droite WNP (WestlandNew Post), le climat de terreur a fait que l’État belge a investi dans la sécurité, a renforcé son appareil répressif et développé l’armement. Tout ça sur fond de manipulation et de la Sûreté de l’État et de collaboration avec le réseau Gladio, un réseau clandestin international qui disposait d’une branche en Belgique et qui avait été mis en place pour résister en cas d’invasion soviétique.