Préparer ses repas à l’avance pour gagner du temps, gaspiller moins et écouler les restes :  Catherine Piette a été précurseur… sans le savoir.

Des carottes et des chicons sont en train de cuire à la vapeur, des ailes de poulet et des légumes mijotent dans une casserole, une pâte à brioche préparée par un multicuiseur est en train de pousser sous un linge dans un coin en attendant son tour pour passer au four, dans lequel des morceaux de potimarron rôtissent…

Dans la cuisine de la maison schaerbeekoise de Catherine Piette, c’est le même rituel deux fois par semaine : des préparatifs dans tous les sens pour les repas des jours qui suivent. Pour gagner du temps au moment du souper, pour moins gaspiller.

Pour le lendemain, et les jours d’après

Deux fois par semaine, Catherine Piette se met aux fourneaux. © EdA – Jacques Duchateau

Une technique pas neuve (nos grands-mères devaient déjà fonctionner comme ça), mais à laquelle on a donné un nom il y a environ deux-trois ans : le batch cooking ou « cuisine en lots ». Une tendance qu’on retrouve dans une pléthore de livres de cuisine et dans au moins autant d’ateliers en tous genres aux quatre coins du pays.

Le batch cooking, Catherine Piette, 56  ans, le pratique depuis… plus longtemps que ça, en fait. Et sans vraiment le savoir.

“Je me suis dit que je pouvais aussi le faire exprès, de me retrouver avec “trop”.”

Ça a commencé timidement quand elle est devenue maman : comme beaucoup, elle s’est parfois retrouvée débordée par la préparation des repas. Sa maman lui a alors filé son cuit-vapeur, « mon premier truc miraculeux ». Et tant qu’à y cuire des légumes pour un soir, Catherine a commencé à remplir tous les étages de son nouvel ustensile et à conserver les aliments pour les réutiliser le lendemain. Et encore après.

Le cuit-vapeur, un grand allié de Catherine Piette. © EdA – Jacques Duchateau

Puis, en 2008, celle qui a « toujours cuisiné et toujours adoré ça », a ouvert Trop Bon, un petit resto bio, de saison et durable de 21 places. « Avec mon associée, on s’est vite retrouvées à trimer, avec juste nos connaissances ménagères. Il a fallu trouver des astuces pour faire plus avec moins. Un jour, alors que j’avais préparé une soupe au céleri-rave et qu’il m’en restait pas mal après le service, je me suis dit que j’allais la réutiliser le lendemain pour faire de la lasagne blanche. »

Et là, le déclic ! « Je me suis dit que je pouvais aussi le faire exprès de me retrouver avec “trop”, pas seulement profiter des occasions. »

La méthode PLACARD

Une méthode qu’elle avait baptisée PLACARD, pour « Planifier les aliments à combiner, assembler, réserver et déguster », avant de la partager en ateliers de cuisine santé. Et de la moderniser récemment sous le label Cuisine santé  organisée, par le biais duquel elle dispense des cours de cuisine en ligne.

Deuzio – La cuisine de Catherine Piette © EdA – Jacques Duchateau

« À partir du moment où on cuisine des légumes de son jardin ou frais du maraîcher, on cuisine santé”, souligne Catherine.

En fait, des dizaines de modules (visuels, auditifs ou sous forme de documents) balayant un tas de thèmes : astuces pour bien acheter, comment ne pas exploser son budget, (bien) cuisiner quand on n’a pas beaucoup de temps, comment réfléchir/penser ses repas quand on veut cuisiner une fois pour toutes la semaine, « glamouriser » les restes, manger moins de viande tout en gardant une assiette appétissante, (re) découvrir les légumes de saison et comment les accommoder, que mettre dans une lunch box équilibrée…

« À partir du moment où on cuisine des légumes de son jardin ou frais du maraîcher, on cuisine santé. Il ne faut pas se mettre la pression avec un tas d’aliments “à la mode”, comme les graines germées. Bien sûr que c’est bon, mais ta grand-mère, elle ne connaissait même pas le quinoa et elle mangeait quand même sain. »

Une bonne organisation en cuisine

Le maître mot du batch cooking, c’est l’organisation. Avant, pendant et après la session de cuisine proprement dite.

Faire ses courses

Dans les courses, d’abord : regrouper les déplacements, profiter du marché qui s’installe à deux pas de chez soi, acheter les denrées non périssables en grande quantité, éventuellement se faire livrer des paniers de légumes…

(Ar)ranger

Dans le rangement de la cuisine ensuite. On installe les huiles au plus près de l’espace de cuisson, on stocke dans des pots transparents plutôt qu’opaques, on regroupe tout ce qui concerne le petit-déjeuner dans un même espace, on réserve une place sur le plan de travail aux appareils qu’on utilise le plus souvent et on range les autres sur les étagères juste au-dessus de l’espace sur lequel on les descendra quand on en aura besoin…

Cuisiner

Au moment des préparations enfin. On dégage (et on nettoie) le plan de travail, on veille à avoir à portée de main les ingrédients et les ustensiles nécessaires… et on fait la vaisselle au fur et à mesure pour ne pas se laisser déborder. On lance également plusieurs cuissons en même temps (au cuit-vapeur, au four, à la casserole…)

L’idéal est d’avoir tout à portée de main. © EdA – Jacques Duchateau

« Du coup, on minimise ses pas et ses mouvements et c’est ce qu’il faut, dans une cuisine, pour gagner du temps. »

Parce que le batch cooking, en plus de faire gagner du temps, permet de faire des économies d’échelle au niveau de l’achat des matières premières et en amène aussi au niveau de la manutention.

 Bien conserver au frigo ou au congélo

Le congélateur : « loin des yeux, loin du cœur » ?

Avec les années (et l’expérience), Catherine Piette a appris à (bien) gérer son congélateur. « Le congélateur n’est pas une poubelle différée. Si on ne sait pas à l’avance ce qu’on va en faire plus tard, ça ne sert à rien d’y mettre quelque chose. Surtout si on a moyennement aimé, par exemple. »

Et puis, il faut absolument noter ce qui se trouve dans les boîtes « parce qu’au congélateur, on ne voit pas bien les choses et on risque plus facilement de les oublier : “loin des yeux, loin du cœur”, ça marche aussi en cuisine. » Il faut également bien dater ses boîtes (on a six mois pour les manger).

“Quand je fais une préparation pour faire des cookies, j’en fais le double : une première fournée pour manger tout de suite et l’autre, au congélateur.”

Autre astuce de Catherine Piette : congeler pièce par pièce (des blancs de poulet sur un plateau en plastique, par exemple) puis seulement les rassembler dans une boîte, un sachet, « comme ça, ça ne colle pas ensemble » et on sait ensuite facilement dégeler le nombre de pièces dont on a besoin.

Les boules de cookies peuvent être mises au congélateur.

« Je fais pareil avec les boulettes de cookies. Quand je fais une préparation pour faire des cookies, j’en fais le double : une première fournée pour manger tout de suite et l’autre, au congélateur. Je forme les boules, je les fais congeler à plat sur un couvercle en plastique, puis je les remets ensemble dans un sachet. Et quand j’ai envie de cookies, je n’ai plus qu’à les sortir, mettre les boules sur la plaque du four et juste ajouter deux minutes de cuisson. » Même chose avec la pâte (à quiche, à tarte, à pizza…) maison.

Quant à la conservation en armoire des autres denrées (farine, café, épices…), là aussi, Catherine Piette a ses petits trucs : des épices dans un tiroir sur les bouchons desquels on rajoute une étiquette pour ne pas devoir tirer chaque pot pour voir ce qu’il contient, du vrac dans des pots en verre transparent disposés sur des étagères…

La conservation est indéniablement une des étapes les plus importantes du processus quand on cuisine en quantité, pour plusieurs jours. L’idée de base, c’est de stocker un maximum de choses au frigo. Parce qu’on l’ouvre plus souvent que le congélateur, qu’on peut plus facilement voir ce qu’il y a dedans.

L’astuce de la pro ? Mettre ses préparations dans des plats en verre. Transparents, donc. Comme ça, on voit ce qu’ils contiennent.

Sous vide, c’est encore mieux

Il y a quelques années, Catherine Piette a aussi investi dans un système qui lui permet de faire le vide d’air, grâce à des couvercles spéciaux mais adaptables à la plupart des plats qu’on a tous chez soi, même ceux de récupération. « Le sous-vide, ça veut dire trois ou quatre  jours de conservation en plus. »

Acheter un appareil de mise sous vide, c’est un bon plan pour conserver plus longtemps ses aliments.

Dans le bac qui leur est réservé, les légumes sont conservés dans leur sac en papier ou en tissu, pour éviter qu’ils dessèchent trop vite. Et dans la porte du frigo, toujours à portée de main, une bouteille de vinaigrette maison préparée en une fois et qu’on ressortira au fil des repas de la semaine. Ou encore des oignons hachés conservés dans un peu d’huile d’olive : plutôt que de sortir chaque soir sa planche à découper, son couteau et son oignon, « autant ne pleurer qu’une fois » en en faisant plusieurs en même temps et en les conservant ensuite.

Le céleri-rave à toutes les façons.

Un seul céleri-rave. Décliné sur plusieurs jours. Une partie en soupe, une autre en morceaux dans un plat de légumes, une autre encore en « steaks » à la poêle (relevés avec de l’huile d’olive, du cumin, du paprika, de la poudre d’ail, du sel et du poivre) et quelques morceaux pour agrémenter une galette de céréales (lire ci-dessous).

Et avec ce qui reste, Catherine Piette fait une (délicieuse) sauce béchamel. De la farine et du beurre dans une casserole ; des morceaux de céleri-rave, de l’eau et de la muscade, « le marqueur de la sauce blanche », passés au mixer et auxquels on rajoute la farine et le beurre avant de mixer le tout ensemble.

Au final, on obtient une sauce blanche onctueuse pour garnir des chicons au gratin, par exemple. Une bonne façon de faire manger des légumes aux plus récalcitrants sans qu’ils s’en rendent compte.

En clair, cinq façons de cuisiner le céleri-rave de départ, « sans avoir l’impression d’en avoir mangé tous les jours ».

Une recette en 4 étapes: des galettes de céréales

1. Les restes de la veille

Chez Catherine Piette, la veille, on avait mangé du riz et du poulet carottes/champignons/curry. Il en restait. Pour une personne « mais on n’a pas nécessairement envie de manger la même chose deux jours de suite ».

Pour ce type de restes, Catherine Piette a un secret : « les galettes de céréales : ma maman en faisait tout le temps. » L’idée étant de transformer un plat en galette pour en faire ainsi un autre repas, à l’apparence, à la consistance et au goût bien différents du plat d’origine.

Première étape ? Écraser à la fourchette et bien mélanger les différents ingrédients pour déjà les agglomérer ensemble.

2. On améliore la base

Catherine Piette rajoute un œuf, du sel, du piment d’Espelette et du parmesan – « un des meilleurs exhausteurs de goût en cuisine » – au plat de départ.

« On pourrait aussi y ajouter des petits lardons, par exemple. Ce qu’on a sous la main ou ce qu’on veut, en fait. Moi, là, je vais y mettre quelques morceaux qui me restent de mon céleri-rave (celui qui a servi entre autres à préparer la sauce béchamel, lire en page 11, NDLR). »

On goûte, évidemment, et on rectifie le cas échéant. « C’est un des secrets en cuisine : toujours goûter ses plats pour vérifier l’assaisonnement. » C’est prêt, il n’y a plus qu’à mettre en moules et puis au four.

3. Au four à 180°C

La préparation obtenue est ensuite disposée à la cuillère dans un moule à tartelettes en silicone. « Si on n’en a pas, un moule à muffins fera aussi très bien l’affaire mais on ne met alors de la préparation que jusqu’à mi-hauteur du moule. »

Le moule peut être enfourné entre 15 et 20 minutes, dans un four préchauffé à 180 °C. On vérifie la cuisson au toucher (si c’est encore fort mou, ce n’est pas assez pris/cuit) et quand c’est bon, on sort le moule du four.

Pour éviter que les galettes collent au moule, on les laisse reposer quelques instants, le temps qu’elles se « resserrent » et perdent de leur humidité, ce qui facilitera leur démoulage.

4. Avec une sauce saté

Une fois cuites, les galettes peuvent être dégustées chaudes ou laissées à refroidir pour être mangées plus tard, en lunch box par exemple.

« On peut aussi les repasser à la poêle comme un steak » et les accompagner d’une sauce tomate et d’un légume ou d’une salade, pour en faire « un vrai plat ». Ou les servir comme tapas en apéro.

Catherine Piette, elle, aime les manger avec une sauce saté maison. « Je mélange de la purée de cacahuètes crunchy au sel marin avec de la crème de coco, un peu de tabasco pour relever et de la sauce soja à la place du sel. »

On obtient ainsi une sauce/pâte qu’on peut étaler sur les galettes.

Nouilles d’inspiration chinoise

Voici une autre recette, en images, de nouilles préparées par Catherine Piette.

Texte : Anne-Françoise Bertrand
Photos et vidéo : Jacques Duchateau
Développeurs : Cédric Dussart & Géraldine Ducat