Vittorio Villano avait à peine vingt ans lorsqu’il a goûté, du bout des lèvres, au sacre du Standard en 2008. Du bout des lèvres, car le petit « Vitto » n’avait joué qu’un seul (bout de) match de championnat à l’époque. Il n’en affirme pas moins que ce titre, c’est également le sien, car il estime qu’il faisait partie intégrante du noyau des champions. Aujourd’hui, à trente ans, le Carolo a fait une croix sur le foot au plus haut niveau. C’est à Meux qu’on a retrouvé sa trace, en D2 amateurs. Loin, très loin, des projecteurs de Sclessin en 2008. Rencontre.

En dix ans, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts pour Vittorio Villano. Les supporters du Standard, à tout le moins ceux qui voient tout et retiennent tout, se souviendront peut-être de son format de poche (1m65), voire de son aisance technique ou de son côté « rentre-dedans »… Pour l’anecdote, il avait d’ailleurs – bien malgré lui – blessé Steven Defour lors d’un duel à l’entraînement, alors que les « Rouches » n’avaient pas encore la couronne sur la tête.

On fait appel à la mémoire la plus profonde des fans car ils n’avaient guère eu l’occasion de voir Villano à l’œuvre, durant cette folle série de 31 matches sans la moindre défaite, qui avait conduit le Standard au sacre tant attendu, vingt-cinq ans plus tard, à l’issue d’une soirée mémorable bouclée par une victoire 2-0 contre le grand rival anderlechtois.

Si l’on en croit les archives du site spécialisé « Transfermarkt », « Vitto », bien qu’il avait été repris à plusieurs reprises dans la sélection – cinq fois -, n’était monté qu’une seule fois en jeu en championnat, lors d’une courte victoire à Malines. Néanmoins, il estime que ce fameux titre, c’est également le sien.

« J’ai été un membre à part entière de cette équipe. Tout le monde apporte quelque chose. J’étais quand même respecté de tous, on me prenait au sérieux,  c’est une fierté. Je n’avais que 19, 20 ans mais j’avais une grosse force de caractère, » estime-t-il. « ça me fait plaisir que Jorge Veloso (NDLR : l’entraîneur des gardiens du Standard en 2007-2008) dise de moi que j’étais le plus sous-estimé à ses yeux.  Je pense plutôt qu’il n’y avait tout simplement pas de place pour moi. L’équipe était trop forte et n’avait d’ailleurs pas perdu un match avant d’être championne… Combien de ces mecs ne sont pas devenus des stars par la suite, certains d’entre eux font toujours partie du top mondial.»

Quand ses équipiers l’ont applaudi

Alors qu’il énumère les noms de ces «stars », de Fellaini à Witsel, en passant notamment par Mbokani et Jovanovic, Villano se souvient d’un épisode bien précis avec Michel Preud’homme, devenu LE coach dans le cœur des supporters…

« Un jour, il avait souligné ma mentalité, mon mérite, devant tout le monde. Je me souviens que tout le vestiaire m’avait applaudi, » se remémore Vitto, qui se souvient d’un « MPH » proche de son groupe et « visionnaire ».

«Il dormait parfois à l’académie pour préparer les matches.  Il voyait tout avant tout le monde. Ce n’est pas pour rien qu’il a gagné partout où il est passé. Il mettait toujours son groupe en valeur. (…)  Je pense qu’avec un autre coach, ça n’aurait pas tourné de la même manière, » croit savoir Villano. « Au départ, personne ne croyait qu’on avait une équipe pour être champion. »

« Le doublé de Mbokani, le coup de sifflet final et l’heure et demie qui a suivi, avec le podium sur le terrain, c’était magique, » se souvient-il, comme si c’était hier… « C’est le plus beau moment de ma carrière, par rapport à ce que j’ai vécu, pas sur le temps de jeu. » Une telle épopée, à ses yeux, « ça vaut dix ans à Tubize ou à Westerlo ».

« Une anecdote de la nuit du titre ? Je vois encore Jovanovic dans le Carré, assis sur un banc, complètement arraché ! »

« Le Standard de D’Ono »

S’il se dit proche de Nainggolan, qu’il a côtoyé chez les jeunes en sélection nationale, il avoue en revanche qu’il n’a plus vraiment de contact avec les champions de 2008. Et la dernière fois qu’il est retourné à Sclessin, c’était il y a pratiquement deux ans. « C’est un club chaud, c’est un peu tout ou rien. Il faut travailler sur le long terme pour être champion. Preud’homme à Bruges, il n’a pas été champion tout de suite… Il faut un esprit de famille, » estime-t-il, citant notamment en prestigieux exemple le Barça. « J’espère que les supporters ne devront pas attendre à nouveau vingt-cinq ans… »

Dix ans plus tard, « c’est un autre Standard. C’est un club complètement différent du Standard de D’Ono. C’était un king. Les joueurs qu’il ramenait ! Conceiçao, Runje, Rapaic…»

« J’ai craqué avec Mazzu »

C’est surtout l’année qui a suivi le titre avec le Standard qu’on a davantage vu Vittorio Villano à l’oeuvre sur les pelouses de Pro League, sous les couleurs de Tubize, où il avait été transféré définitivement et peut-être un peu vite (lire ci-dessous)…

Il n’avait pas pu aider les « Sang & Or » à se maintenir au plus haut niveau, mais le Carolo avait été l’un des joueurs les plus en vue de la formation brabançonne wallonne, à l’instar de Jérémy Perbet et Grégory Dufer.

Buteur (4) et passeur décisif (4) à plusieurs reprises,  auteur d’une saison assez pleine sur un plan purement individuel, Villano s’attendait à retrouver de l’embauche au sein d’un autre club de l’élite… Et pour avoir assisté à la majorité de ses matches cette saison-là, on ne pouvait que le comprendre. Las, c’est en D2 – la division ne s’appelait pas encore « D1B » – qu’il avait dû poursuivre sa carrière, toujours sous les couleurs de Tubize mais sous les ordres de Felice Mazzu cette fois.

« J’ai craqué mentalement avec Felice, » regrette celui qui travaille désormais comme commercial pour Brutélé. « J’étais international espoir, j’avais joué une trentaine de matches avec Tubize, marqué des buts… Quand j’ai vu que je ne quitterais pas Tubize, j’ai  eu les jambes coupées. Je me suis même retrouvé dans le noyau B ! Avec les deux saisons que je venais de vivre, je ne voulais pas me retrouver en D2. J’ai accusé le coup durant tout le premier tour de la compétition (en 2009-2010)… Perbet a eu la force de caractère (NDLR : et décroché un transfert à Lokeren quelques mois plus tard), j’ai fait le contraire et j’ai lâché. J’étais jeune à ma décharge.»

Et la descente « aux enfers » n’était pas finie. Après quatre saisons passées en Brabant wallon, dont trois en D2, Villano s’est même retrouvé sans club. « Je me suis dit que c’était fini le foot pro.»

Pourquoi a-t-il quitté le Standard aussi vite après le titre ?

Dans la foulée de la fiesta avec le Standard, plutôt que de filer à la va-vite à Tubize, Villano estime qu’il aurait «peut-être dû faire la préparation (avec le Standard) et prendre une décision plus tard dans le mercato (estival) ». Histoire de se donner un peu de temps pour tenter de convaincre Bölöni, qui avait succédé à Preud’homme. « Mangala et Mehdi (Carcela) ont percé cette saison-là (2008-2009). Est-ce que j’aurais joué moi aussi ? Je ne sais pas… »

« Il y a les prestations sur le terrain et puis il y a les choix que tu fais en dehors. À vingt ans, t’es un peu fou, tu veux jouer. J’aurais dû aller à Tubize mais en prêt (NDLR : et pas aussi vite donc). Vu la saison que je faisais (avec le promu brabançon wallon), le Standard aurait levé l’option. J’ai été mal conseillé par mon agent et c’est aussi de ma faute, parce que c’est le joueur qui prend la décision finale. »

Comment n’a-t-il pas pu continuer à évoluer au plus au niveau après le mercato estival 2009, cela restera une énigme… « Du titre en D1 à la descente en D2 en à peine un an, ça fait un choc quand même. »

« Dans le foot, on t’oublie vite. Les années passent. Si tu n’avais pas les bonnes connexions, les bons agents, tu restais là où t’étais… »

« Je me souviens d’un match entre Charleroi et Courtrai, il doit y avoir deux ans et demi ou trois ans, j’avais vu Felice (Mazzu) et il m’avait dit : ‘tu devrais être sur ce terrain (en Pro League) ! T’es un de mes plus grands regrets’. »

« J’ai eu l’intelligence de me reconvertir, je le savais que c’était fini. Je n’ai pas été gêné de prendre une telle décision et je ne le regrette pas. J’ai trouvé un bon équilibre de vie. Il n’y a pas plus grande richesse que la famille que j’ai construite, » confie-t-il, en référence à son mariage et à ses jeunes jumeaux. « Tout ce que j’ai emmagasiné sur ces dix dernières années va me servir pour les vingt prochaines ! Je crois qu’un jour, je reviendrai dans le circuit pro après avoir passé les diplômes de coach. Je suis amoureux du foot et je le reste.»

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