Yanis Papassarantis n’a pas toujours eu de la chance dans son parcours. C’est sans doute la raison pour laquelle ce titre lui tient à cœur, même si, comme il le confesse lui-même, il y a participé « un peu de loin ». Âgé d’à peine 20 ans au moment du sacre, il pose dix ans plus tard un regard aussi pertinent que mature sur un parcours semé d’embûches, au sein duquel le titre de 2008 trône fièrement tout en haut de son palmarès. Rencontre.

S’il existe bien un profil atypique au sein du noyau des champions de Belgique 2008, c’est assurément Yanis Papassarantis. Né à Charleroi, formé à Anderlecht et champion avec le Standard : voilà une carte de visite pour le moins insolite dans le milieu du football belge en général et du foot francophone en particulier.

Dix ans plus tard, au moment d’évoquer ce qui reste à ce jour le seul titre de champion de sa carrière mouvementée, cet ancien Diable rouge chez les jeunes esquisse un sourire. « Je me rappelle que le match du titre était contre Anderlecht et que c’est Dieumerci Mbokani (NDLR : autre joueur passé par Anderlecht avant d’éclore au Standard) qui a inscrit les deux buts. »

Ce jour-là, celui qui vient alors de fêter son 20e anniversaire fait encore partie des jeunes du noyau. Il n’est d’ailleurs pas retenu dans l’effectif qui affronte son ancien club. « J’ai participé à tout ça un peu de loin », avoue ainsi Yanis. « J’ai fait les entraînements toute la saison avec le groupe, j’ai même joué en coupe d’Europe cette saison-là (NDLR : lors de la victoire 1-0 contre Käerjeng au deuxième tour de qualification de la coupe UEFA), ce qui est une chance pour un jeune comme moi, et je suis entré deux fois au jeu en championnat. Mais c’est vrai que tu ne fêtes pas le titre de la même façon que si tu as joué tous les matches. » Cela dit, ce n’est pas parce qu’il a peu joué qu’il ne considère pas avoir lui aussi un orteil dans le succès du club liégeois cette saison-là. « Bien sûr. J’ai vécu avec ce groupe qui est devenu champion, je suis donc moi aussi champion de Belgique. »

« Du temps de jeu avec… Charleroi »

Pourtant, il s’en est fallu de peu pour que Yanis ne termine pas la saison au Standard. « Lors du mercato hivernal, je sais qu’il y a eu des propositions, notamment Charleroi qui voulait me louer pour les six mois suivants. Mais le Standard a refusé de me laisser partir. Quand, à la fin de la saison, j’ai appris que mon contrat ne serait pas renouvelé, j’ai regretté de ne pas avoir eu l’autorisation d’aller à Charleroi. » D’ailleurs, quand on lui demande s’il aurait préféré plus de temps de jeu avec Charleroi ou la possibilité de fêter le titre avec le Standard, la réponse fuse : « Du temps de jeu avec Charleroi… »

Cela dit, au moment où Sclessin explose à l’issue de la victoire du titre, Yanis prend pleinement part à la fête. « Ce qui m’a le plus touché, c’est l’euphorie des supporters. C’est là qu’on prend conscience du bonheur que le foot peut donner à des êtres humains. Les gens grimpaient sur les poteaux, dans des arbres. Tout le monde n’a pas la chance de connaître ça. Je me souviens aussi que plus on se rapprochait du titre, plus les supporters venaient nombreux nous voir aux entraînements. Il y avait une grosse attente, une pression. Mais une pression qui nous motivait. Quand tu joues pour le Standard de Liège, tu sais que tu joues pour une équipe qui doit viser chaque saison le titre. Ici, nous avions l’occasion d’écrire l’histoire : après 25 ans d’attente, nous avions l’opportunité de ramener le titre au Standard. »

« Nous avions l’occasion d’écrire l’histoire : après 25 ans d’attente, nous avions l’opportunité de ramener le titre au Standard. »

Comme les autres acteurs de cette époque, c’est l’osmose qui régnait dans le groupe qui a, selon Yanis, été le facteur clé de cette réussite. « Tout s’est rapidement mis en place. On avait un vrai groupe soudé. Il y avait une cohésion entre chaque membre du groupe, on s’amusait toujours. Il faut dire qu’il y avait des gars qui savaient mettre l’ambiance, comme Mbokani, Landry Mulemo ou Dante. Et puis Michel Preud’Homme était un fin tacticien, le meilleur coach que j’ai eu là-bas. »

Le déclic en Coupe

« Il faut dire aussi qu’on a eu le petit brin de réussite nécessaire quand il le fallait », complète-t-il. « Je crois d’ailleurs que, le déclic, c’est lors d’un match de Coupe de Belgique. On avait été battu 4-1 au match aller au Cercle de Bruges (NDLR : au stade des quarts de finale) et, lors du match retour, on s’est qualifié en gagnant 4-0 ! On a senti qu’il se passait quelque chose ce jour-là. Tout le monde savait où il voulait aller, il y avait beaucoup d’envie, beaucoup de plaisir aussi. On sentait qu’il y avait moyen réellement d’aller chercher quelque chose. »

« Les supportrices demandaient des bisous »

Présente à ses côtés depuis plus de dix ans, Ebru se rappelle, elle aussi, de la fête du titre. « Je me rappelle surtout que, lors de l’envahissement de terrain, toutes les supportrices venaient demander des bisous et toutes sortes de choses, comme ses jambières. Et Yanis, gentil comme il est, il n’osait pas dire non », rigole aujourd’hui celle qui avoue avoir été jalouse ce jour-là. « J’étais encore jeune et donc je n’ai pas pu rester toute la fête, je suis repartie avec les parents d’un autre joueur, vers 1h du matin. » La fête, elle, a perduré jusqu’aux petites heures du matin…

« Il y avait vraiment une bonne ambiance, y compris dans les VIP où on se trouvait. Il faut dire qu’on s’entendait bien entre les copines des joueurs. Qu’on soit carolo, liégeoise, francophone, néerlandophone… : on restait toutes ensemble. Ce n’était pas comme ce que j’ai connu par après dans les divisions inférieures. L’ambiance était plus chouette au Standard ! »

« Je suis monté trop tôt en équipe première »

Entouré de ses deux filles, Dalya et Meliha, Yanis Papassarantis n’élude pas non plus les moins bons moments de sa carrière et, notamment, les lendemains difficiles du titre. « Ma plus belle carrière, c’est ma femme et mes deux filles », plaisante-t-il d’ailleurs.

« Je crois en fait que je suis monté un peu trop tôt dans le noyau de l’équipe première », avoue-t-il. « J’étais comme un gamin qui était déjà content d’être là et je n’ai pas vraiment joué pour gagner ma place (NDLR : ses concurrents directs se nommaient tout de même Steven Defour, Marouane Fellaini, Axel Witsel, voire lors de sa première saison chez les Rouches Milan Rapaic et Karel Geraerts). La première année, j’ai d’ailleurs déconné et j’ai été rétrogradé dans le noyau B en cours de saison. Mais j’ai eu la chance de revenir dans le noyau A avec Johan Boskamp la saison suivante. Il me témoignait beaucoup de confiance. »

« J’étais comme un gamin qui était déjà content d’être là et je n’ai pas vraiment joué pour gagner ma place. »

Et si Yanis n’a donc plus quitté le noyau pro jusqu’au lendemain du titre, il a néanmoins dû faire ses valises au terme de la saison.

« Quand tu arrives en fin de contrat et qu’en mars tu ne vois toujours rien venir, tu as compris… », reprend-il. « J’ai alors dû trouver un autre club et mon agent m’a envoyé à Roulers, club qui évoluait aussi en D1 et qui m’avait fait une très belle proposition. »

Titularisé d’entrée de jeu face à Courtrai, lors de la première journée, Yanis Papassarantis fait alors partie intégrante du onze qui entame le championnat sur un triste 2 sur 21. « On a changé d’entraîneur et, comme on dit, « nouvel entraîneur, nouveau joueur ». Et quand Dennis van Wijk est arrivé, je n’ai plus joué. Ensuite j’ai eu une pubalgie qui m’a tenu éloigné des terrains pendant huit mois, alors j’ai cassé mon contrat. »

La Grèce ? La Suisse ? L’Espagne ?… Ce sera finalement la D3 belge

La suite voit plusieurs offres arriver sur la table de Yanis, prêt à rebondir à l’étranger. « Je pouvais aller en Grèce, à Panserraikos, où se trouvait à l’époque Hugo Broos. J’avais en même temps une offre d’un club en D2 suisse et mon agent m’a conseillé d’opter pour cette deuxième solution. Mais quand je suis arrivé là-bas, tout ce qui avait été convenu n’était absolument pas respecté, je n’avais pas la moitié de ce qui avait été promis… » Yanis rentre alors en Belgique, mais pas pour longtemps. « Je suis allé en Espagne où j’avais reçu une proposition mais mon agent n’est pas venu. Et ça ne s’est donc pas fait. J’ai alors arrêté de passer via un agent… »

Finalement, la suite de la carrière de Yanis s’écrira en Belgique, mais dans les divisions inférieures. « C’est Dante Brogno (NDLR : alors coach de l’Union Saint-Gilloise en D3) qui un jour m’a appelé. »

Passé ensuite par Tienen en D2, il poursuit par Dender, La Louvière et même Solières au début du présent exercice, où l’affaire tourne vite cours. « Le papa d’Eden Hazard est venu me chercher en prévision de la saison prochaine. Je viens donc de commencer les entraînements à Braine, on verra. J’ai failli arrêter le football. Mais c’est ma femme et mes filles qui m’encouragent à continuer. » Et poursuivre une passion qui, si elle a connu des hauts comme des bas, demeure intacte dans le chef de Yanis.

Le foot qui rassemble

Quand sa compagne Ebru, issue d’une famille d’origine turque, ramène à la maison Yanis, un Grec, la tension entre ses grands frères et le jeune joueur est palpable. « Mais aujourd’hui, je ne sais plus qui est la sœur ou le frère », rigole Ebru. « Il faut dire que mes deux frères adorent le foot ! » Et on comprend mieux pourquoi la belle s’est amourachée d’un footeux…

Plus le « vrai » Standard

Quand il évoque le Standard champion en 2008, Yanis n’y va pas par quatre chemins : « C’était le vrai Standard. Le club a perdu un peu de son identité avec le départ de Lucien. Les frères D’Onofrio, c’était le Standard. »

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