Si Ypres est, dans notre pays, la ville symbole de la Première Guerre mondiale par excellence, Bastogne l’est pour la Seconde Guerre et pour la bataille des Ardennes en particulier. Certains avancent même que Bastogne est bien plus connue aux États-Unis que Bruxelles. L’héroïsme des troupes US dans la ville assiégée, la chevauchée fantastique de Patton pour briser cet encerclement ne sont sans doute pas étrangers à cette notoriété.
En ce mois de décembre 1944, quels sont les plans allemands pour Bastogne ? L’ordre est clair : « Si la ville est légèrement tenue, les divisions blindées doivent l’attaquer immédiatement. Si elle est défendue de front, les divisions blindées l’envelopperont et l’attaqueront par-derrière. Si ces deux procédés ne réussissent pas, les divisions blindées poursuivront leur route vers la Meuse, et laisseront à la 26e volksgrenadier le soin de réduire Bastogne. »
En apprenant l’arrivée de renforts US à Bastogne, les Allemands font de la ville un objectif. C’était sans compter sur la ténacité des Américains au Grand-Duché. Von Manteuffel notera plus tard : « La défense courageuse et tenace de la 28e division d’infanterie à Clervaux et à Wiltz a rendu possible la mise en place de la défense de Bastogne. » Une partie des troupes allemandes contourne Bastogne pour foncer vers la Meuse. Le reste met la cité en état de siège.
Un « Nuts » qui va passer à la postérité
18 000 Américains sont pris au piège : « Vous rappelez-vous à quoi ressemble un beignet ? Bon, nous sommes le trou dans le beignet ». Tel est le texte transmis par les assiégés, la nuit du 20 au 21 décembre, à leur état-major américain.
Le 22 décembre, McAuliffe, qui commande la place, reçoit une demande de reddition de la part de troupes allemandes. Sa réponse « Nuts ! », soit « Des clous ! » en français, va passer à la postérité.
« Un homme ayant une telle éloquence doit impérativement être sauvé. »
Non sans humour, Patton, apprenant cette réplique, glisse : « Un homme ayant une telle éloquence doit impérativement être sauvé. » La neige ne cesse de tomber. La Luftwaffe bombarde Bastogne. Mais des airs vient, aussi, le premier salut. Le ciel dégagé du 23 décembre permet un parachutage de vivres et de munitions aux troupes encerclées.
Le siège brisé
Le second salut, lui, vient de l’emblématique général Patton. Alors que McAuliffe entre dans le dictionnaire des citations historiques, Patton, lui, est déjà engagé dans sa folle chevauchée. Il a fait pivoter ses troupes en France pour les lancer à l’assaut de la ville ardennaise.
Le 26 décembre 1944, peu avant 17 heures, le lieutenant Charles Boggess brise l’encerclement. Son Sherman peut porter les inscriptions « First in Bastogne. » Sa poignée de main avec le lieutenant Webster de la 101e aéroportée symbolise la fin du siège de Bastogne.
« Quand Patton est arrivé, je l’ai serré dans mes bras. Je l’ai entraîné dans ma jeep et j’ai fait le tour de la ville avec lui. »
Dans Bastogne, Patton rencontre et décore McAuliffe. Ce dernier commente : « Quand Patton est arrivé, je l’ai serré dans mes bras. Je l’ai entraîné dans ma jeep et j’ai fait le tour de la ville avec lui. Je crois que je ne savais plus très bien ce que je faisais. »
Le siège est certes brisé. Mais il ne l’est qu’en un seul point. Les combats vont se poursuivre. Ce que l’on surnomme « le périmètre de Bastogne » a souffert et souffre encore. Le nom de « triangle de la désolation » est assez évocateur. Ce triangle formé par Villers-la-Bonne-Eau, Lutremange et Lutrebois, verra s’abattre, lors des combats, non moins de 20 000 obus !
Un autre « Nuts ! »
Le « Nuts ! » de McAuliffe est passé à la postérité. Son comportement et celui des troupes US à Bastogne également. Un autre refus de reddition de la part d’Américains est également à épingler lors de cette bataille.
Le 18 décembre, le colonel Samuel Hogan est en mission de reconnaissance pour le compte de la 3e blindée US. Alors qu’il veut rejoindre ses lignes, le 21, il se retrouve face à des chars allemands à Beffe, dans l’actuelle commune de Rendeux. Lui et ses hommes se replient non loin de là, à Marcouray. L’unité est encerclée, manque de carburant. Les parachutages qui doivent lui venir en aide ratent leur objectif.
Le 24 décembre, les Allemands lui font savoir que s’il ne se rend pas, ses troupes seront décimées. Suivant des témoins, Hogan allume une cigarette et commente cette demande : « J’ai reçu l’ordre de me battre s’il le faut jusqu’à la mort. Je suis un soldat et j’exécuterai cet ordre. » La nuit de Noël, Hogan saborde ses véhicules, rassemble ses 400 hommes et rejoint, à pied, les lignes américaines dans la région de Soy (Érezée). Ils participeront à la contre-offensive.
« La tête dans le hachoir ! »
Le 19 décembre 1944, se tient à Verdun une réunion que l’on peut qualifier de crise. Eisenhower préside. Patton écrit dans ses carnets : « Bradley ne dit pas grand-chose. Ike (NDLR : Eisenhower) me demanda lorsque je pouvais attaquer, je répondis : à l’aube du 21 et avec 3 divisions. Lorsque je dis que je pouvais attaquer dans les quarante-huit heures, une sorte d’agitation s’est brutalement propagée dans l’assemblée. Certains étaient médusés mais ravis, d’autres sceptiques et ironiques. Néanmoins, je crois que c’est possible. »
Patton a déjà son plan. La réunion terminée, il passe un coup de téléphone à ses officiers et lance « Play ball » en français : « Démarrez la partie. » Tout était préparé. Il ne manquait que l’ordre. Il vient avec ce code. Les troupes de Patton se mettent en marche immédiatement.
Au sujet de son plan, Patton confie à Bradley : « Les Boches ont fourré leur tête dans un hachoir et c’est moi qui vais tourner la manivelle. » Plus tard, Bradley commentera : « La brillante bifurcation de la troisième armée effectuée par Patton fut un des plus remarquables exemples de commandement durant la guerre en Europe occidentale. »