À l’occasion de l’ouverture de la saison ballante, nous vous proposons une immersion dans le monde de la balle pelote. Entre traditions, culture et sport de haut niveau, découvrez comment le jeu de balle est passé du sport le plus populaire du pays à une discipline en perdition. Des origines médiévales aux variantes internationales, les jeux de paume sont aussi nombreux que variés. Profitez en également pour vous familiariser avec les principales règles de ce jeu méconnu de beaucoup…

La petite reine blanche

Le plus vieux sport de Belgique

Dans les greniers de l’Hôtel de Ville d’Ath, sous une charpente authentique du XVIIe siècle, nous attend Camille Rasson, conservateur du Musée National des Jeux de Paume. L’endroit n’est pas anodin et révèle déjà à lui seul quelques caractéristiques de notre balle pelote belge : en territoire hennuyer, à la croisée des terres wallonnes et flamandes, et dans la directe lignée des traditions médiévales. Si les terrains de balle pelote ont fleuri un peu partout en Belgique tout au long des XIX et XXe siècles, le Hainaut n’en reste pas moins le berceau local du développement de la balle dans notre pays.

C’est au café du jeu de balle, petit bistrot de village des années 1950 réaménagé sous les combles, que nous démarrons notre exploration des origines de la balle pelote, autour d’une mousse et sous l’œil bienveillant de Ballekepis. Mais à notre interlocuteur, bénévole et passionné (les deux mots sont souvent synonymes), de modérer d’emblée notre curiosité… « Je ne crois pas que nous soyons en mesure de déterminer précisément quand ont démarré les jeux de paume. Et il est difficile de penser que l’on puisse y parvenir précisément un jour. » Les jeux de paume renvoient en effet à une double réalité : celle du jeu avec les mains (la « paume » en tant que creux de la main) et celle du jeu avec une balle (la « paume » est le nom donné aux balles faites de cordes et de ficelles par un « paumier »). À ce titre, on retrouve déjà des références à des jeux de paume dans l’Antiquité, chez les Grecs et les Égyptiens, et même avant chez les Mayas.

Dans les greniers de l’Hôtel de Ville d’Ath, deux salles réaménagées sont consacrées aux jeux de paume, recréant ici une place de jeu de balle, là un café de village.

Le sport des rois et le roi des sports

C’est sans aucun doute au Moyen Âge que la balle pelote telle qu’on la connaît aujourd’hui se développe véritablement. Dès le XIVe siècle, la noblesse s’essaie au jeu paume, avant d’être imitée par toutes les autres couches de la population. Les rois et leur cour ont leurs propres aires de jeu, de plus en plus couvertes. Le terrain, en intérieur, est alors plus petit et on parle de courte paume, tandis que le peuple doit se contenter de jouer sur les places extérieures des villes. Le jeu sur ces terrains plus vastes donne naissance à la longue paume, pratiquée là où l’espace est le plus grand : le parvis des églises… Là où se trouve d’ailleurs encore souvent le ballodrome des joueurs actuels de balle pelote.

Aujourd’hui, la balle pelote n’est qu’un des descendants parmi tant d’autres jeux de paume. Son surnom de petite reine blanche lui vient par exemple du jeu de la petite balle au tamis, sport roi dans le pays jusque dans les années 1950 et dont la grand messe avait lieu chaque année lors du Tournoi du Sablon, décernant la balle d’argent, remise des mains du roi en personne. De sa longue histoire mêlant traditions régionales et villageoises, un questionnement perpétuel colle à la peau de la balle… Est-elle un jeu ou un sport ?

Ententes, ligues et entités

Une organisation difficile du jeu de balle

En tant que jeux les plus populaires et les plus pratiqués jusqu’au début du XXe siècle, les jeux de balle ont du mal à s’organiser : chaque village a ses propres règles. Et c’est une des raisons évoquées par certains pour qualifier la balle pelote de folklore, plus que de sport. Alors que le football ou le cyclisme (toutes jeunes disciplines à côté de la petite balle blanche) se fédéralisent autour d’unions et de sociétés sportives dès 1890, la balle pelote ne se constitue une fédération qu’en 1902 et le premier championnat de Belgique ne débute qu’en 1920.

Mais, même avec du retard, la pelote belge passe inévitablement à l’étape suivante et gagne, quoi qu’en disent les mauvaises langues, son statut de sport, réglementé et organisé. Les différents clubs de villages se rassemblent d’abord en Ententes régionales, avant d’être regroupés en Ligues provinciales et d’en arriver au système actuel des Entités, depuis 1999.

Des champions de Belgique français mais belges

Au niveau national, on retrouve deux divisions. La Nationale 1, l’échelon le plus haut en Belgique (équivalent à la D1 en football), est largement dominée par les équipes flamandes et du Hainaut, les deux exceptions à la règle étant cette saison les Rochefortois de Mont-Gauthier et les Français de Maubeuge, qui n’ont souvent de français que leur nom d’équipe. Maubeuge est un des rares clubs de balle pelote de l’Hexagone (une vingtaine en France pour 120 localités concernées en Belgique). C’est à ce titre qu’elle a rejoint le championnat de Belgique, qu’elle a d’ailleurs remporté en 2001, avec cinq joueurs… belges !

Maubeuge (ici en 2002), seule équipe française à avoir décroché un titre de champion en Belgique.

Au niveau régional, la Wallonie est morcelée en 5 entités dans un souci de faciliter la tenue de championnats et de limiter les déplacements. Les entités les plus étoffées se partagent les territoires hennuyers et namurois, et alignent jusqu’à 3 sous-divisions et une promotion, dont les champions accèdent à la Ligue Wallonie-Bruxelles (le plus haut niveau régional). On retrouve ainsi côté wallon cinq entités : Hainaut Occidental, Entre-Sambre-et-Meuse, Sambre et Dyle, Haine et Senne et DINAMO. La Flandre, riche en titres mais pauvre en clubs (comparativement à la Wallonie), ne trouve pas la nécessité de se diviser en Entités : il n’y existe que deux niveaux régionaux regroupant tous les clubs flamands.

Rechas et contre-rechas

Maîtriser le vocabulaire pour maîtriser les règles

15, 30, 40 : balle pelote et tennis réunis

La balle pelote, au contraire du football ou du basketball, n’est pas un jeu dont le but est la possession de la balle. Il s’agit plutôt de faire mourir la balle dans le camp adverse, en suivant le principe du « gagne-terrain », matérialisé en balle pelote par les mythiques « chasses ».
Chaque « lutte » (on ne parle pas de match en balle pelote) oppose deux équipes de cinq pelotaris et se joue en 13 jeux gagnants, avec un comptage des points similaire au tennis. Bien que, chronologiquement, ce soit le comptage des points en tennis qui soit similaire à celui de la balle pelote… Chaque point gagné rapporte un « quinze », de sorte que l’équipe qui aligne en premier quatre « quinze » gagne le jeu (15, 30, 40, jeu).
Une des subtilités de la balle pelote réside dans le fait qu’un point peut se gagner de différentes façons…

Laurent Di Santo, Gant d’or en 2003, à la livrée lors d’une lutte avec l’équipe de Terjoden.

Comme dans un match de football américain, les deux équipes alternent phases offensives (« livrées ») et phases défensives (« frappes »), en changeant régulièrement de côté du terrain.
L’équipe à la livrée se positionne dans la partie du terrain appelée « trapèze », face à l’équipe à la frappe installée dans la partie de terrain plus longue et plus étroite appelée « rectangle ».
Le premier livreur prend son élan et doit livrer la balle « à la main basse », c’est-à-dire dans un mouvement de main allant du bas vers le haut pour frapper la balle à main nue après l’avoir lancée, le tout en restant dans une zone rectangulaire délimitée au sol par ce que l’on appelle le « tamis ». La livrée fait office de mise en jeu et c’est le seul moment de la partie ou les joueurs frappent obligatoirement la balle sans gant. Il faut ensuite tenter de renvoyer la balle dans le camp de l’adversaire et faire en sorte qu’elle s’y arrête.

Perches, tamis, rectangle… Le ballodrome dispose de ses propres termes et zones de jeu.

Une fois propulsée par le livreur, la balle peut prendre différentes trajectoires…
– Soit le livreur envoie la balle entre les « perches » délimitant la fin du rectangle adverse. Dans ce cas, la balle est dite « outre » et le quinze est directement attribué à l’équipe du livreur. Le tennis a ses « aces », la balle pelote ses « outres »…
– Soit la balle livrée est « mauvaise » car elle sort directement des limites du jeu avant même de faire un premier rebond (le service du tennisman serait lui considéré comme « out »). Le quinze revient alors à l’équipe adverse.
– Soit la balle livrée ne franchit pas le trapèze et retombe dans la zone occupée par l’équipe du livreur : la balle est « courte » et le quinze adjugé à l’équipe d’en face (équivalent à un service dans le filet au tennis).
Ces trois cas de figures sont relativement simples à juger et faciles à assimiler puisqu’ils donnent lieu à l’attribution directe des « quinze », toujours de manière semblable au jeu de tennis.

Une fois livrée, la balle peut soit rapporter un quinze direct à l’une des deux équipes, soit engager un échange pour l’obtention d’une chasse une fois la balle arrêtée.

Les chasses, ou comment le filet du tennis se met à bouger…

Mais une balle livrée peut aussi atterrir dans la partie adverse (le rectangle), sans en quitter les limites, et un échange peut à ce moment s’engager entre les deux équipes, pour autant que la balle ne fasse pas de deuxième rebond ou ne se mette à rouler sur le sol.

Les joueurs à la frappe ont ainsi le droit de renvoyer la balle soit de volée, soit après le premier rebond. Le joueur vient alors « rechasser » la balle. Reviennent alors deux possibilités connues : balle outre (point pour l’équipe qui a rechassé) ou balle mauvaise (point pour l’équipe du livreur). L’équipe du livreur peut à son tour, et en cas de bonne balle rechassée, renvoyer une nouvelle fois la balle en face dans une action qualifiée alors de « contre-rechas ». Et ainsi de suite, même si l’on voit rarement des échanges de plus de trois frappes. Jusqu’ici, le spectateur novice ne se sera guère éloigné d’un match de tennis…

Mais les perspectives changent dès lors que l’on apprend que, de part et d’autre, une balle ayant fait plus d’un rebond ou ayant commencé à rouler sur le terrain ne donne pas lieu à un quinze pour autant ! Toute balle n’ayant pas pu être frappée continue sa route jusqu’à ce qu’un joueur ne l’arrête (du pied ou de la main) ou jusqu’à ce qu’elle ne sorte des limites du terrain (elle est dite « décordante »). L’arbitre vient alors marquer d’un coup de craie au sol l’endroit où a été stoppée la balle. Sur le bord du terrain, un rappel de chasse est posé par terre (généralement un bidon lesté et géré par un enfant du village) pour marquer l’endroit de la chasse. Une fois que les équipes ont réalisé une ou deux chasses (en fonction de l’avancement des quinze), les joueurs changent de camp.

La plaquette métallique numérotée (1) est placée au sol le long des limites du terrain pour indiquer l’endroit où a été arrêtée la balle, et où la chasse sera jouée lors du changement de côté.

C’est à ce moment que le principe du gagne-terrain prend tout son sens : la chasse peut se comprendre comme un filet imaginaire (qui bouge donc de chasse en chasse) séparant le terrain en deux territoires à défendre. Après changement de côté, l’équipe prenant place à la livrée devra donc faire en sorte que la balle soit arrêtée au-delà de cette ligne imaginaire pour gagner un quinze, et inversement pour l’équipe fraîchement positionnée à la frappe. Autrement dit, il est primordial de poser les chasses le plus loin possible de son camp car il sera plus facile de renvoyer la balle au-delà après avoir changé de côté… Poser une chasse est donc une étape intermédiaire pour gagner un quinze ; jouer (et gagner une chasse) est l’étape ultime rapportant le quinze. Une fois la première chasse jouée, on passe à la seconde selon les mêmes règles.

Balles en plastique, parkings, arrêt Bosman

Vers le déclin de la balle pelote

Si les règles peuvent paraître compliquées pour un débutant, elles ne sont pas responsables du déclin des jeux de balle. Alors que le sport surclassait le football en popularité dans les années ’50 et ’60, force est de constater que nos ballodromes se vident de leurs spectateurs. Manque d’attention médiatique, peu de place laissée à la formation des jeunes, querelles de comités… Certaines décisions, tantôt internes tantôt externes aux fédérations, auront porté ci et là quelques coups (parfois de grâce) à des clubs ou à la balle pelote dans son ensemble.

Avant l’avènement (regretté par de nombreux pelotaris) des balles en plastique, les balles étaient faites de cordes et de tissus recouverts d’une peau de chèvre cousue à la main.

Le plastique, c’est moins de spectacle

En tant que jeu millénaire, le jeu de paume a connu de multiples évolutions de son matériel, à commencer par la balle. « On peut supposer que les premières balles étaient en réalité des fruits » commente Mr Rasson. Elles ont ensuite évolué en pierres enrobées de feuilles, puis de tissu, avant d’être faites de déchets de sable et de peau lorsqu’elles étaient confectionnées par les paumiers au Moyen Âge. Durant l’âge d’or de la petite balle au tamis et de la balle pelote, les balles étaient faites d’une boule de tissu et de corde (d’où le nom de pelote) recouverte de peau de chèvre cousue à la main. Ce type de balle était en vigueur jusqu’en 1977 en Belgique, date à laquelle les balles synthétiques ont pris le dessus sur les balles en peau.

De gauche à droite : une balle synthétique de balle pelote (utilisée depuis 1977), une balle en peau, plus légère (années 1960) et une petite balle pour le jeu au tamis (pratiqué jusque dans les années 1950).

Conséquence dans le jeu : les balles deviennent plus douloureuses à la frappe (car plus épaisses) et volent beaucoup plus loin. Pour parer aux chocs, les gants évolueront en permanence, réglementairement ou non. Du simple gant de laine, le gant passe au cuir pour protéger la main. Mais de plus en plus, le gant ne sert plus à protéger mais à propulser… Pour donner plus de force et de distance à la balle, les pelotaris n’ont eu de cesse de trouver des astuces, pas toujours autorisées. « Ils ont commencé par glisser une carte à jouer ou un carton de bière dans leur gant pour le renforcer et envoyer la balle plus loin. Ensuite, certains joueurs ont eu l’idée de lester leur gant de billes de plomb ou de mercure. C’est d’ailleurs pour cela que les gants sont perforés en plusieurs endroits : pour que l’arbitre puisse vérifier facilement que le gant n’est pas alourdi illégalement. » La recherche de la puissance atteint son apogée lorsque les gants renforcés se marient avec les balles en plastique injectées de gaz. Les livreurs envoient les balles de plus en plus loin, accumulant les quinze rapidement et raccourcissant fortement les échanges. « Du temps des balles en peau, ajoute Camille Rasson, on jouait au « tric-trac » et le spectacle était au rendez-vous, avec des échanges de trois, quatre voire cinq frappes. Aujourd’hui, cela n’arrive presque plus et c’est bien dommage. »

Les gants en cuir, désormais perforés pour permettre à l’arbitre de vérifier que le joueur ne l’a pas lesté de billes de plomb.

Un arrêt Bosman qui se répercute aussi sur la balle pelote

En 1995, l’arrêt Bosman révolutionne le monde du football, mais pas seulement. Cette décision met fin aux quotas de joueurs étrangers sur les terrains et, surtout, au système d’indemnités à payer pour les transferts de joueurs en fin de contrat. Dans le sport moderne où l’argent est roi, les joueurs commencent à négocier eux-mêmes (puis via des agents) leurs contrats et leurs transferts. En balle pelote, cet arrêt aura de fortes répercussions sur la formation des jeunes pelotaris. Alors que chaque village mettait un point d’orgue à préparer ses jeunes pour les intégrer en équipe première (le règlement de balle pelote a longtemps stipulé que les équipes se devaient d’être formées de joueurs locaux), ceux-ci peuvent désormais rejoindre n’importe quelle formation, la plus offrante ayant toujours gain de cause. Le coup au moral des bénévoles formant ces jeunes qui ensuite partent « pour rien » fut rude. « La grande équipe de Tollembeek n’a pas survécu longtemps à cet arrêt Bosman. En dépensant près de cinq millions d’anciens francs pour s’assurer les services de cinq des meilleurs joueurs de l’époque juste avant la décision, les finances du club ne s’en sont jamais vraiment remises quand ceux-ci ont pu aller voir ailleurs sans avoir à s’acquitter d’indemnités de départ… »

Le ballodrome est un parking qui s’ignore

Concentrés depuis toujours sur les places de villages et devant les églises, les ballodromes sont avant tout dessinés sur des places publiques. Quand la balle pelote était reine en Belgique, chaque village mais aussi chaque ville avait sont terrain de balle, et pas seulement dans le Hainaut. Bruxelles et ses environs ont aussi connu de belles heures et de grandes gloires de la balle, autour des quartiers du Sablon, de Laeken, de Molenbeek et jusqu’à Anderlecht. Aujourd’hui, la balle pelote a disparu ou presque dans la capitale (hormis le traditionnel Grand Prix de la Ville de Bruxelles sur la Grand-Place), la faute en partie aux parkings qui, pour répondre au trafic croissant, ont réquisitionné les places locales. Malheur à la balle qui, absente des grandes villes, devient vite absente des médias et donc des attentes sportives du grand public… Aujourd’hui, seuls les grosses affiches de nationale et les tournois prestigieux brassent encore les foules : le 8 de Septembre à Ath (à la veille duquel une lutte entre équipes de dames est organisée), le Grand Prix de Sirault, le Grand Prix de Tilburck à Braine-le-Comte, le Grand Prix de la Ville de Bruxelles sur la Grand-Place ou encore la Balle du Gouverneur sur la Place Saint-Aubain de Namur…

Lors du Grand Prix de la Ville de Bruxelles, événement majeur de la saison ballante, les 4 meilleures équipes du championnat s’affrontent sur la Grand-Place.

Chacun son jeu

La pelote belge au milieu des jeux de balles internationaux

Il y a certainement autant de jeux de paume et de pelote que de régions, chacun avec ses spécificités propres mais partageant le goût de la balle bien frappée. Si la balle pelote est l’apanage des Belges, les Hollandais ont le jeu de balle frison sur gazon (sport n°1 dans une certaine région du pays), les Espagnols jouent au llargues dans les rues, les Italiens sont adeptes de la pallapugno et les Français sont maîtres de la pelote basque… Et la liste est loin d’être terminée.

Llargues en Espagne, balle au tamis en France, jeu frison aux Pays-Bas… Il y a autant de jeux de paume que de pays, chaque nation ayant sa (ou ses) variante(s) régionale(s).

Des championnats du monde en Belgique en 2020

Toutes ces disciplines convergent lors des compétitions internationales de jeux de paume. Chaque pays ayant ses propres variantes, ces championnats mondiaux mettent en compétition des pays autour de quatre disciplines : on retrouve systématiquement le jeu international (se jouant à main nue avec une balle ressemblant à celle de tennis), le llargues (discipline espagnole, très proche de la balle pelote et où le gant est fait de bandes de sparadrap à même la main) et le One Wall (consistant à frapper la balle contre un mur, successivement entre adversaires, à l’instar du squash mais sans la raquette). Enfin, chaque mondial accueille une discipline locale, déterminée par le pays hôte. Lors des derniers Mondiaux, en 2017 en Colombie (considérée comme une des meilleures nations du jeu de paume), cette quatrième discipline était la chaza. Les Belges se sont plus que bien défendus là-bas et sont rentrés avec deux médailles d’argent (en llargues et au jeu international), une médaille de bronze en chaza et une quatrième place en One Wall. Mais l’exploit belge dans un mondial reste certainement la médaille d’or décrochée en llargues, face aux Espagnols, maîtres de la discipline sur leurs propres terres, en 2014.

La Belgique, championne du monde de llargues en battant l’Espagne (10-9) chez elle à Valence lors des Mondiaux de 2014.

En 2020, la Belgique accueillera les Mondiaux de jeux de paume. Nul doute qu’elle aura de quoi nourrir de grands espoirs en balle pelote, qui sera à coup sûr la variante locale choisie en guise de quatrième discipline.

Qui va à la chasse perd sa place

Jeux de balle et expressions de la langue française

Il est amusant de voir que certains dictons et expressions bien connus de notre langue nourrissent des origines communes, plus ou moins avérées, avec les jeux de paume. Lors de la visite du musée d’Ath, Jean-Marie, l’un des trois passionnés proposant des visites guidées, semble intarissable à leur sujet… « Il y a tout d’abord le dicton « qui va à la chasse perd sa place ». Cette expression a bien sûr des origines encore plus lointaines que le jeu de paume (on situe sa genèse dans les textes bibliques) mais certains y voient aussi un lien avec le jeu de balle ». En effet, comme les règles le rappellent, une fois la chasse marquée, il faut changer de place avec l’équipe adverse pour engranger le point.

D’autres expressions sont restées et sont, elles, bel et bien issues des jeux de balle au Moyen Âge. Alors que les nobles se construisent des terrains de courte paume en intérieur et sur lesquels ils jouent d’abord avec des gants, ensuite avec des raquettes, naissent les premiers tripots. « À l’époque, ces endroits n’avaient pas de connotation péjorative comme aujourd’hui, précise l’un des guides du musée. C’étaient des lieux où la noblesse se réunissait pour ses loisirs, allant du jeu de paume aux cartes et où commencèrent à se produire les artistes et les comédiens. » C’est de là que vient une expression comme « enfant de la balle », qui désigne des artistes nés dans un milieu d’artistes. Suivant leurs parents dans les tripots, les enfants s’adonnaient au jeu de balle pendant que les plus grands montaient sur scène. Et, au fil des développements de ces tripots, on commence à construire des galeries autour des terrains de paume pour accueillir des spectateurs… Les nobles se sont alors mis à « épater la galerie » !

Toujours à cette même époque médiévale, les nobles cherchent à mettre de la distance avec le peuple. « C’est pour cela qu’ils proclament des édits interdisant le jeu de paume aux manants ou qu’ils se construisent des terrains couverts pour se couper d’eux. Mais le peuple n’en a cure et continue de pratiquer le jeu de paume. Faute de moyens, il est contraint à y jouer à mains nues. Or, à l’époque, ces personnes des classes populaires étaient appelées les vilains. » D’où le célèbre « jeux de mains, jeux de vilains »…

« Jeux de mains, jeux de vilains », une expression née au Moyen Âge lorsque les manants (appelés « vilains ») ne pouvaient faire autrement que de jouer à la balle à main nue.

Enfin, le musée lève un coin du voile sur une expression bien de chez nous, plus récente mais moins connue : « passer à côté de la montre en or ». En 1874, lors de la finale du Prix de la ville d’Anvers, Charleroi bat Alost. Mais l’équipe vaincue porte réclamation, affirmant que Charleroi a aligné un joueur non qualifié. « Jusqu’à l’avènement de la balle pelote moderne, il était en fait obligatoire de composer son équipe avec des joueurs du cru. Et Alost a pu démontrer qu’un joueur de l’équipe de Charleroi était originaire de La Louvière… Les Carolos sont donc passés à côté de la récompense : cinq montres en or pour les cinq vainqueurs ! »