Discipline phare des Jeux olympiques d’hiver, le hockey sur glace demeure un sport aussi spectaculaire qu’il est méconnu en Belgique. Avec 1 500 membres toutes catégories confondues, répartis entre les 15 clubs du pays, il tarde à se faire chez nous une place au soleil, à l’instar de ce que réalise actuellement son cousin sur gazon, porté par les exploits des Red Lions sur la scène internationale.

« Le problème principal, c’est évidemment l’infrastructure », lâche Olivier De Vriendt. Le boss des Bulldogs de Liège est un interlocuteur privilégié lorsqu’il s’agit de parler de hockey sur glace en Wallonie. Actif dans ce sport depuis près de vingt ans, celui qui occupe depuis 2008 la présidence de l’un des meilleurs clubs de Belgique a un avis tranché sur la question. Et pour cause : « On a pu en faire nous-mêmes l’expérience lorsque, en 2010, nous avons dû trouver refuge à Maaseik, car la patinoire de Coronmeuse avait brusquement fermé suite à des soucis de délabrement. Et comme notre nouvelle patinoire (NDLR : située à la Médiacité) n’était pas prête, nous avons été contraints d’évoluer durant deux saisons au fin fond du Limbourg, ce qui a provoqué un exode de joueurs. » Près de 75 % des jeunes Bulldogs ont alors arrêté ou ont changé de club. « D’autant qu’il y a une forte rivalité avec Maastricht et Geleen, deux clubs situés de l’autre côté de la frontière hollandaise. »

Le hockey sur glace ne manque pourtant pas d’atouts. « C’est un sport-spectacle, c’est vraiment du showtime à l’américaine. Il y a beaucoup de contacts, mais aussi beaucoup d’intensité, de la rapidité… » Ce qui rend ce sport particulièrement exigeant : « Un joueur reste en moyenne moins d’une minute sur la glace, il y a sans cesse du mouvement et ça se joue avec plusieurs combinaisons d’attaquants et plusieurs combinaisons de défenseurs. Quand on regarde un match, on ne s’ennuie jamais ! »

Il suffit d’ailleurs de scruter quelques minutes d’un entraînement des Bulldogs pour s’en rendre compte. Esquissant ce qui pourrait ressembler à de petits pas d’une danse minutieusement répétée, les hockeyeurs fendent la glace avec une facilité déconcertante, tandis que le bruit de leurs patins cisaillant la surface de jeu sonne comme une mélodie nerveuse sans cesse interrompue par les rageurs coups de crosse fracassant le palet.

Un engouement qui croît

« Avec le retour à Liège et l’ouverture de la patinoire de la Médiacité, nous bénéficions d’un nouvel engouement », poursuit Olivier De Vriendt. « Lors des matches à domicile, nous jouons régulièrement devant 600 à 700 personnes, sans compter les membres du club. Et le nombre d’inscriptions chez les jeunes est en constante augmentation. »

Face à cette croissante popularité, les Bulldogs de Liège ont décidé de mettre sur pied une structure unique en Belgique en ce qui concerne le hockey : « Nous avons développé un programme de sport-étude avec l’école de Liège Atlas. Cela permet aux jeunes de faire 6 à 7 heures de hockey sur la semaine. Nous avons également créé une école de hockey pour les moins de dix ans, ce qui leur permet de découvrir ce sport dans un environnement encadré. Et de le faire sans devoir passer par l’achat de l’équipement complet, qui est, il est vrai, très onéreux (ndlr : pour un jeune joueur, il faut compter 500 euros pour un équipement complet, avec le casque, les protections, etc. ; pour un joueur Élite, cela peut doubler, voire tripler). Si on veut développer ce sport, il faut absolument inculquer cette culture du patinage aux plus jeunes. Aux USA ou au Canada, deux nations à la pointe de la discipline, ils montent sur la patinoire dès l’âge de 4 ou 5 ans. Ils apprennent pratiquement à patiner en même temps qu’ils apprennent à marcher. Car la principale difficulté du hockey, c’est qu’il s’agit en réalité de deux sports réunis en un : or, vous devez oublier que vous patinez pour pouvoir vous concentrer sur le jeu en lui-même. »

Un statut amateur très… international

Vainqueurs de la Coupe de Belgique (NDLR : la compétition la plus relevée au niveau belge) il y a dix jours, les hockeyeurs liégeois font partie des meilleurs au sein de la BeNe League, un championnat composé à l’heure actuelle de 10 clubs hollandais et 3 belges. « Cette compétition regroupe en réalité les meilleures équipes des deux pays, c’est-à-dire les clubs qui évoluaient précédemment en division d’honneur hollandaise, en division 1 hollandaise et en division d’honneur belge. Avant, nous étions 5 ou 6 clubs et nous jouions toujours contre les mêmes adversaires. Avec ce format de compétition, nous pouvons aussi nous développer davantage car nous jouons contre des équipes plus fortes, cela crée une émulation. »

C’est que, contrairement à la plupart des autres sports pratiqués en Belgique, l’internationalisation du hockey sur glace apparaît comme une nécessité s’il veut se développer. « Ce sport possède un statut amateur en Belgique, mais il est très international. » le club liégeois compte par exemple en ses rangs deux joueurs canadiens. « Ils sont un peu cours pour leur championnat national alors ils viennent en Europe pour percer et sont considérés la plupart du temps comme des stars ici, tant la différence de niveaux est grande… »

Dans ce souci de développer le club, les Bulldogs ont également jeté leur dévolu sur un coach américain, ancien joueur professionnel. « Paul Vincent est le meilleur coach du championnat, on n’a jamais eu quelqu’un de tel ici. Étant jeune, il a joué au sein de l’AHL, la ligue de développement de la très réputée NHL. Nous l’avons engagé pour donner les entraînements de toutes nos équipes, depuis les plus jeunes jusqu’à notre équipe élite. L’objectif est de développer un même style de jeu dans toutes les catégories du club et de former ainsi nos jeunes hockeyeurs pour qu’ils puissent plus facilement faire le grand bond vers l’équipe élite et prendre la relève des joueurs actuels. »

Ancien joueur professionnel, l’Américain Paul Vincent entraîne tous les joueurs du club liégeois, des plus jeunes aux joueurs Élites

Des Belges aux JO : pas demain la veille, mais…

Mais est-il pensable de voir un jour débarquer une équipe belge de hockey sur glace aux JO ? « Pourquoi pas », clame Jordan Paulus, le capitaine des Bulldogs et membre de l’équipe nationale. « Tout est possible, mais il faut avoir des jeunes comme on en forme pour le moment, avec des coaches étrangers comme on a pour le moment pour développer les jeunes. Je ne dis pas dès l’année prochaine, mais pourquoi pas prochainement… »

Pour Olivier De Vriendt, le palier à franchir semble encore très haut : « On peut rêver d’avoir un joueur ou l’autre exceptionnels, capables de tenter leur chance à l’étranger. Au Canada, c’est un joueur sur 10 000 qui perce au plus haut niveau. En Belgique, on compte à peu près 150 joueurs par catégories d’âge, tous clubs confondus… Il faut prendre le temps et passer les étapes une à une. La prochaine en ce qui nous concerne sera de passer sous statut semi-professionnel, sur le modèle de ce qui se fait en France. Mais cela demandera plus d’implications encore à tous les niveaux. Et des déplacements toujours plus grands. Mais bon, depuis 5 ans, on voit que la relève arrive : des jeunes commencent à percer au sein de l’équipe élite et, pour la première fois, des équipes wallonnes ont la possibilité de devenir championnes de Belgique (NDLR : les U16 et U19 des Bulldogs Liège, ainsi que les U14 des Charleroi Red Roosters, le seul autre club de hockey sur glace en Wallonie).

« Le hockey, c’est pas du tricot »

Affublée de son casque et de ses impressionnantes protections, Valentine Maka virevolte sur la glace pendant l’entraînement des Bulldogs U19, lequel précède celui des Élites. C’est qu’il n’est pas évident d’être une femme dans ce sport de contact…

« J’ai toujours été un peu garçon manqué », sourit Valentine, du haut de ses 23 ans. « Le hockey, c’est un sport fort exigeant. C’est pas du tricot ! Ça forge le caractère… Ma mère a joué au hockey et j’ai toujours été attirée par ce sport. J’ai débuté à 15 ans et mon plus grand regret est de ne pas avoir eu la permission de commencer plus tôt. Car mon père avait peur que je me fasse mal… Avant ça, j’avais quand même fait d’autres sports, comme de l’équitation et d’autres con**** du genre (sic), mais c’est pas pareil ! »

Valentine Maka, membre des Bulldogs Ladies et de l’équipe nationale belge

Et si Valentine, originaire de la région de Walcourt, empile les buts sur la patinoire de Liège, c’est parce qu’elle y a trouvé la seule équipe féminine wallonne : les « Bulldogs Ladies ». « En tant que femme, on n’a pas beaucoup de possibilités. On peut évoluer avec les garçons dans les équipes d’âge : je m’entraîne donc avec les U19 des Bulldogs en semaine, ainsi qu’avec la D1 (NDLR : sorte de réserve des Élites) en plus des Ladies. Et chaque lundi, je m’entraîne aussi avec l’équipe nationale. »

L’équipe nationale : un rêve devenu réalité pour celle qui ne vit que pour sa passion. « Quand j’ai commencé, j’avais deux objectifs : intégrer l’équipe nationale -c’est fait – et jouer au Canada -c’est fait aussi (NDLR : elle a pris part à la Winnipeg High School Hockey League lors d’une seconde rhéto effectuée dans la province canadienne du Manitoba). De toute façon, en Belgique, on ne sait pas aller beaucoup plus loin. Avec les Ladies, on est par exemple obligées de jouer au sein d’un championnat régional en Allemagne, avec des clubs proches de la frontière, car il n’y a que deux équipes féminines en Belgique (NDLR : Liège et Malines). »

Mais cela n’entame en rien le moral de la jeune sportive, laquelle ne semble pas près de ranger ses patins. « Je m’étais dit que j’arrêterais à 25 ans, mais, plus ça s’approche, moins j’ai envie d’arrêter. Aujourd’hui, je joue avant tout pour le plaisir… »

Les Bulldogs, héritiers d’une longue tradition

Vainqueur 4-2 face à Herentals Hyc, les Bulldogs ont remporté début février la deuxième Coupe de Belgique de leur histoire, après celle glanée en 2014 face à Turnhout. « Il s’agit de la compétition la plus importante au niveau belge », explique Olivier De Vriendt. « Et je pense que l’on peut dire qu’Herentals et les Bulldogs sont les à l’heure actuelle les deux meilleurs clubs de Belgique. C’est en tous les cas notre ambition : devenir le numéro un belge ! D’autant que Liège a une véritable histoire dans le hockey sur glace puisque nous avons célébré en 2012 les 100 ans d’un club de hockey à Liège. Nous sommes les héritiers d’une longue tradition. Le Liégeois est un adepte du hockey sur glace. On se souvient aussi que, dans les années 60, Liège faisait partie du top européen ! Mais il n’y avait que des Canadiens. Aujourd’hui, nous sommes limités à deux étrangers par équipe au sein de la BeNe League. »