Textes, photos et vidéos : Jacques Duchateau
Webmaster : Cédric Dussart

La règle de l’urbex : « ne pas faire de bruit, se garer loin, être très discret ». Et ne laisser derrière soi que l’empreinte de ses pas… @joëllecobblestone est passionnée d’urbex. Elle nous emmène visiter les meilleurs spots de Wallonie.

Un souffle. Un bruit de pas. Un regard. L’appareil photo aux aguets, elle se glisse sous les tuyaux de cette usine de la région liégeoise. Passionnée d’exploration urbaine, Joëlle est une urbexeuse plutôt hors du commun.

Surtout, ne l’appelez pas « Mamy urbex », vous allez la vexer. Joëlle n’est d’ailleurs pas un cas isolé dans le monde plutôt secret des urbexeurs : « Je fais souvent des explorations avec une amie qui a 70 ans. Elle est encore plus mordue que moi. »

On a l’image des fans d’urbex plutôt jeunes, arborant tattoos et piercings et qui écoutent du rock ou du rap à fond. « Mais moi aussi j’écoute du rock », rigole la Lasnoise. Dans la vie de tous les jours, Joëlle est médecin radiologue. Loin de ce quotidien et de ce monde aseptisé, elle consacre ses week-ends à sa passion : l’exploration urbaine. Vieux jeans, bottines et gros pull, elle n’hésite pas à ramper dans la boue pour découvrir des endroits secrets.

Le charbonnage de Cheratte et sa tour néogothique.

« Ça ne fait que 2 ans que je fais de l’exploration urbaine. Mais en si peu de temps, j’ai visité énormément de sites, en Belgique et à l’étranger. Quand j’étais toute petite, j’allais dans les mines de mon village, à Halanzy. J’y jouais tout le temps, donc, d’une certaine manière, c’est une ancienne passion qui ressurgit. »

L’urbex est entouré d’un halo de mystère. Les lieux, les adresses, ne se révèlent pas si facilement. Il faut se faire accepter par cette communauté underground et espérer pouvoir échanger des informations.

« Je voulais explorer une filature. J’ai donc cherché quelle région était active dans ce domaine par le passé et j’ai fini par trouver des filatures abandonnées. Ensuite, j’ai échangé une de ces adresses contre l’adresse d’un hangar rempli de vieilles voitures. C’est comme ça que ça marche. »

Entre Citroën et Chevrolet

Le vent fouette ses cheveux, le long de cette grand-route de la province de Liège. Il faut faire vite, pour ne pas être repérés par les voisins. « Évidemment, ce que l’on fait est un peu interdit », rigole-t-elle. Alors elle se faufile dans les fourrés, rampe sous la tôle pliée et découvre, fascinée, une collection de vieilles voitures abandonnée dans un petit hangar.

Chevrolet Bel Air, Citroën Torpedo, Renault, Mercedes… ces vieilles autos dorment ici depuis des lustres, parfois réveillées par l’un ou l’autre intrus.

Joëlle se glisse d’une voiture à l’autre, ouvre une portière pour s’asseoir dans les sièges encore moelleux. Elle profite pleinement de ce moment empreint de nostalgie.

« Les objets et souvenirs ne manquent pas dans ce genre d’endroit, mais la règle N°1 d’un bon urbexeur c’est de toujours laisser tout en l’état et surtout ne rien emporter. C’est une question de respect envers ces lieux de mémoire. »

Après quelques photos, Joëlle file de nouveau vers les champs de lin qui entourent le hangar, en direction d’un autre terrain de jeu.

Charbonnage

Ancien bassin industriel riche en friches, Charleroi est réputée dans le milieu des urbexeurs. Les anciennes usines sont nombreuses, autant que les tentations. C’est tout naturellement vers un petit charbonnage que notre guide du jour nous emmène.

« Je pense que ce site a été fermé dans les années 30 suite à un accident. Les bâtiments sont encore impressionnants. Et puis il y a cette salle des fêtes, avec un piano… »

Au-delà des ambiances si particulières qui entourent ces lieux abandonnés, ce qui fascine Joëlle, c’est l’histoire qu’il y a derrière. « Les souffrances des gens qui y ont vécu, leurs joies aussi. L’histoire… la vie du passé… Ça me touche beaucoup. » Et c’est cela aussi qui force le respect de ceux qui visitent ces lieux abandonnés.

Coke

Retour à Liège. Les anciens sites industriels ne manquent pas non plus. L’usine aux tuyaux, telle que l’appellent les urbexeurs, est un site que l’on ne visite pas aisément. Il faut trouver une ouverture dans les barbelés, s’immiscer loin des regards des gardiens du site. « Je me suis déjà fait arrêter par des vigiles ou même par la police. Bon, ça fait partie du jeu… »

Ce que Joëlle apprécie dans ce décor digne de Mad Max, ce sont les machines rouillées, envahies par la végétation. Au milieu des amas de coke, de houille, elle se dirige vers le gazomètre. Ce grand réservoir vide, percé de lucarnes, posé tel un ovni au milieu de son carcan de passerelles et d’échelles, est impressionnant. Le site est immense, les endroits insolites nombreux. Mais il ne faut pas s’attarder à découvert…

 « Je trouve souvent que c’est plus joli quand c’est abandonné. Parce qu’il y a la végétation qui reprend ses droits. J’adore les peintures écaillées, les vieux objets. Je trouve plus de charme aux vieilles choses qu’aux modernes. »

Le site suivant sur notre liste nous fait à nouveau traverser la Wallonie pour retrouver la région de Charleroi.

Cooling tower

Ils sont nombreux à venir des quatre coins de l’Europe pour visiter certains lieux. Comme la Cooling tower. Cette ancienne tour de refroidissement d’une centrale électrique est un véritable mythe de l’urbex, connu dans le monde entier.

C’est une cathédrale. Haute. Imposante. Sa façade est percée d’une petite porte d’acier, tout en haut d’un grand escalier. À l’intérieur, le vide, l’écho. On n’est pas venus seuls dans cet endroit. Des Hollandais, des Français, un couple de sexagénaires en costume et mocassins. La Cooling tower, c’est un must. Plutôt facile d’accès. Aujourd’hui, du moins. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Cela fait des années que sa démolition est annoncée, toujours reculée. Tant mieux pour ses nombreux fans. Certains aimeraient d’ailleurs qu’elle soit préservée, sécurisée. Ce serait un véritable atout touristique pour la ville. Mais elle perdrait alors son côté mystérieux, l’interdit, ses secrets. L’urbex ne se commercialise pas…

Il n’a pas plu depuis quelques jours, nous en profitons pour nous faufiler sous le bâtiment. En rampant sur une palette posée dans la boue, dans un étroit passage, on découvre l’envers du décor : cette grande étoile de béton qui soutient toute la structure.

Ce lieu est définitivement magique !

Passion urbex

Les gens qui font de l’exploration urbaine ne sont pas tous passionnés par les mêmes choses. Au-delà des divers sites (usines, anciennes prisons, châteaux abandonnés, maisons particulières, théâtres ou anciennes facultés), leur façon de les visiter diffère. Pour certains, le but est juste de les découvrir et d’y entrer. Sans plus. Pour d’autres, il faut immortaliser ces moments en faisant des photos. Mais tous observent la même règle du respect des lieux.

La passion de Joëlle se définit également par la photo. Des images qu’elle publie ensuite sur son compte Instagram.

Elle garde aussi précieusement de nombreux souvenirs de ses visites interdites. Comme celle d’un site, en France où la gendarmerie veillait et chassait les intrus.  Elle se cachait avec un autre urbexeur derrière un mur. Entre deux chuchotements, quelques questions :

  • « Tu fais quoi toi dans la vie ? »
  • « Je suis médecin. Et toi ? »
  • « Moi ? Je suis flic »…

Il leur fallut dès lors réprimer un grand éclat de rire…

Ce qui attriste Joëlle, c’est quand un site disparait, comme le château Miranda, à Celles. « J’étais là quand les travaux de démolition ont débutés. J’étais très triste. »

Par contre, quand d’autres sites sont restaurés, comme l’université du Val Benoît, à Liège, elle ne peut que s’en réjouir… Même si alors, c’est un de ses terrains de jeu qui disparait…

Quelques liens :

Le compte Instagram de Joëlle : https://www.instagram.com/joellecobblestone/

Facebook Visites interdites : https://www.facebook.com/visitesinterdites/

Facebook Urbexery Abandoned Places : https://www.facebook.com/Urbexery/

Notre précèdent webdocumentaire sur l’urbex, publié en 2014 : https://www.lavenir.net/extra/urbex