C’est l’histoire d’un homme que la vie n’a pas épargné mais qui, comme pour mettre KO son destin brisé, a choisi de soulever des montagnes pour se reconstruire.

Il y a seize ans, Arnaud Van Schevensteen, amputé d’une jambe quand il était enfant, devenait un héros malgré lui lorsque, devant les caméras de télévision, il parvenait à réparer son véhicule sans assistance sur le bord du circuit de Spa-Francorchamps, pour ne pas devoir abandonner son rêve de terminer la course.

Six mois plus tard, il levait les bras au ciel au sommet du Kilimandjaro, devenant le premier unijambiste à dompter le sommet de l’Afrique à la force de ses poignets. Il s’attaquera ensuite au mont Blanc et au mont Cervin.

« Je sais que je suis un miraculé. J’ai toujours eu la volonté de prendre ce coup dur de la vie comme une force et non comme un obstacle. »

Marié en 2004 et papa de deux garçons : Ernest (7) et Gabin (3), il vit aujourd’hui dans la ferme familiale en bordure des champs, à Nodebais (Beauvechain).

C’est l’histoire de ce Brabançon, admirable de courage et de volonté, au mental d’acier que nous avions envie de vous conter à travers ce webdocumentaire. Un homme chez qui chacun puisera une leçon de vie.

Atteint d’un cancer des os à l’âge de 9 ans, le jeune garçon doit être amputé à 10 ans, avant de subir une chimiothérapie d’un an et demi parce que la maladie est métastasée dans les poumons. « On accepte beaucoup de choses quand on est enfant, explique-t-il. Ou on les accepte plus facilement. Il y a comme une forme de désinhibition. De plus, j’ai toujours été extraordinairement bien entouré, j’ai eu tout l’amour du monde. Ce qui m’a aidé. »

Enfant féru de sport (tennis, football, équitation), sa première préoccupation a été de savoir s’il allait pouvoir continuer à jouer au hockey qu’il pratiquait depuis ses 6 ans.

« Après mon opération, j’ai essayé de jouer gardien, mais je me suis vite rendu compte que mon handicap posait souci. J’ai renoncé. »

« Never give up » (N’abandonne jamais) deviendra pourtant sa devise quelques années plus tard, car le Brabançon au mental d’acier veut briller dans ce qu’il entreprend.

Alors, comme pour mettre un coup de poing dans la figure de son destin brisé, il excelle dans des sports qui lui sont plus accessibles comme le ski au point d’être présélectionné, à 22 ans, pour les Paralympiques de Lillehamer en 1994.

Après sa rhéto au collège Saint-Michel à Bruxelles, Arnaud van Schevensteen entame l’université à Louvain-la-Neuve, « histoire de rassurer mes parents », dit-il, avant de bifurquer vers des études internationales en communication et en économie. « J’ai travaillé dix ans avec mon père, partenaire du groupe Max Mara en Belgique », précise-t-il. À 26 ans, il quitte l’entreprise familiale pour se consacrer à son autre passion : la course automobile.

Spa-Francorchamps et Paris-Dakar : ses souvenirs

Enfant, le Brabançon s’était toujours juré de piloter un jour une voiture de course sur le circuit de Spa-Francorchamps. Un homme lui a permis de réaliser son rêve en 1999. « La rencontre avec John Goossens, patron de Belgacom, a changé ma vie. Le courant est très vite passé entre nous, explique-t-il. Il était mon mentor. À partir de cette première aventure, il a d’ailleurs sponsorisé chacun de mes grands défis. »

Au sortir de cette enfance perturbée, germait en moi l’envie de me dépasser et d’accomplir quelque chose de bien. J’ai toujours eu la volonté de prendre ce coup dur comme une force et non comme un obstacle.

Presque 20 ans après ses péripéties automobiles, il nous raconte ses souvenirs…

24 heures de Spa-Francorchamps en 1999

Souvenir amusant lors de mon dernier relais de nuit. On vient me chercher dans la caravane, il doit être 4 h 30-5h00. En général, même lors d’une course, on n’est pas frais.

Je me réveille et m’habille, il fait encore noir dehors. Je rejoins mon stand, la voiture roule comme une horloge, tout se passe bien. J’attends mon relais, seul sur la « pit lane » des stands, devant le raidillon.

Un officiel vient me voir et on parle, de tout de rien, simplement du bonheur d’être là et de participer à une des plus belles courses d’endurance au monde.

La voiture arrive, on remet de l’essence, je monte à son bord et je pars pour 2 heures de relais. Les phares éclairent encore le circuit, je dois me mettre dans le rythme…

Le jour se lève, la luminosité change, je me sens bien et les tours s’enchaînent à un très bon rythme, c’est la première fois que je roule à cette heure de la journée. J’ai le sentiment d’être parfaitement au bon endroit, au bon moment et je prends alors peut-être pour la première fois depuis le départ, pleinement conscience que je participe aux 24 heures de Francorchamps.

Paris-Dakar-Le Caire en 2000

Concernant ce Dakar, j’ai une multitude de souvenirs parfois cocasse ou surréaliste. L’un deux est certainement cette annonce de menace terroriste qui stoppa le Dakar et nous obligea d’attendre les Antonov Russe pour établir un pont aérien et aller se « réfugier » en Libye… À y repenser, c’était plutôt cocasse comme situation.

La vue de ces immenses avions-cargos arrivant à Niamey (Niger), Nous les attendions en T Shirt et Bermuda au bord de la piste et quand les avions s’immobilisèrent, ils ouvrirent leur nez, gigantesque, laissant apparaître un écran de fumée et au loin des hommes parlaient russes, habillés de combinaisons de cuir en mouton retourné contre le froid… Une vision un peu folle dans ce rallye !

Spa-Francorchamps 2001 et son acte héroïque

Arnaud van Schevensteen s’est sorti d’une mésaventure cocasse lors de sa deuxième participation aux 24 h de Spa-Francorchamps. Immobilisé sur le bord de la piste à cause d’une panne, il n’a pas hésité à sortir de son véhicule et à s’acharner pendant une heure pour le réparer avant de repartir sous les encouragements de la foule.

L’événement de ces 24 heures fut sans nul doute lié à la casse liée à ma boîte de vitesses en sortie des stands. Passé la ligne, je me retrouve dans le raidillon et là, mon sélecteur se bloque, plus moyen d’enclencher une vitesse…

En marche arrière, je me dirige dans l’herbe et me retrouve au pied du raidillon, en face des tribunes, voiture arrêtée. Mes mécanos arrivent à toute allure, les officiels également. Ils nous annoncent que comme j’ai passé la ligne des stands, je ne peux bénéficier d’une aide extérieure.

Heureusement mes mécanos avaient laissé une trousse d’outils dans la voiture et me voilà, en suivant leurs injonctions, en train d’ouvrir ma boîte de vitesses. Je n’ai pas de béquille, je suis donc à un pied, dans la voiture à « mécaniquer ». Ce qui doit arriver arriva, une clé tombe en dessous de la voiture, je suis obligé de pousser celle-ci pour rattraper l’outil nécessaire à l’ouverture de la boîte.

Finalement j’ai pu remettre le sélecteur dans une vitesse (la fourchette de boîte était cassée ), en 4e, refermer la boîte, démarrer ma Lamborghini et repartir pour un tour afin de ramener la voiture dans mon stand pour de vraies réparations ! On a finalement terminé vingtième et troisième de notre catégorie, le « Never Give Up » qui était mon slogan n’a jamais eu autant de sens que durant cette course.

Cette scène n’a pas échappé aux nombreuses caméras de télévision. « J’ai fait l’ouverture du journal de RTL, c’était incroyable, se souvient-il. C’est à ce moment-là que les médias ont commencé à s’intéresser à moi. » En Flandre, il devient même un « bekende Vlaming » (NDLR : une personnalité extrêmement connue).

Du Kilimandjaro au Cervin : trois ascensions en deux ans

En rentrant du Paris-Dakar-Le Caire en 2000, Arnaud van Schevensteen reçoit un appel de son ami Bernard de Launoit, producteur et documentariste. « Il m’a un jour charrié en me disant : “c’est bien d’appuyer sur un champignon dans le désert, mais est-ce que tu es capable de grimper des montagnes ?”, se souvient-il. J’ai pris le pari à la lettre »

À la tête de l’équipe de « Belgium to the tops », ce Brabançon – également président exécutif de la Chapelle Musicale Reine Élisabeth – s’est donné pour objectif de conquérir le toit de chaque continent et d’en ramener des images pour en faire un film. Le documentaire intitulé D’un Sommet à l’autre dresse un portrait d’Arnaud van Schevensteen à travers l’ascension du mont Blanc et du mont Cervin.

Pour réaliser ses ascensions, le Brabançon unijambiste a été préparé tel un sportif de haut niveau. « D’abord, j’étais très affûté physiquement puisque je me suis entraîné deux à quatre fois par semaine avec un préparateur physique pendant un an. Pour le Cervin, j’ai pu compter sur une équipe de choc de guides qui avaient fait l’Everest. Ils étaient un peu la Rolls des guides, je ne risquais absolument », précise-t-il.

Je ne me suis jamais mis aucune limite dans ce que je réalisais. J’étais tellement bien entouré que je savais que ça ne représentait aucun danger.

Du Kilimandjaro au Cervin : trois ascensions en deux ans

En rentrant du Paris-Dakar-Le Caire en 2000, Arnaud van Schevensteen reçoit un appel de son ami Bernard de Launoit, producteur et documentariste. « Il m’a un jour charrié en me disant : “c’est bien d’appuyer sur un champignon dans le désert, mais est-ce que tu es capable de grimper des montagnes ?”, se souvient-il. J’ai pris le pari à la lettre »

À la tête de l’équipe de « Belgium to the tops », ce Brabançon – également président exécutif de la Chapelle Musicale Reine Élisabeth – s’est donné pour objectif de conquérir le toit de chaque continent et d’en ramener des images pour en faire un film. Le documentaire intitulé D’un Sommet à l’autre dresse un portrait d’Arnaud van Schevensteen à travers l’ascension du mont Blanc et du mont Cervin.

Pour réaliser ses ascensions, le Brabançon unijambiste a été préparé tel un sportif de haut niveau. « D’abord, j’étais très affûté physiquement puisque je me suis entraîné deux à quatre fois par semaine avec un préparateur physique pendant un an. Pour le Cervin, j’ai pu compter sur une équipe de choc de guides qui avaient fait l’Everest. Ils étaient un peu la Rolls des guides, je ne risquais absolument », précise-t-il.

Je ne me suis jamais mis aucune limite dans ce que je réalisais. J’étais tellement bien entouré que je savais que ça ne représentait aucun danger.

Le Kilimandjaro (1999) – 5891 mètres d’altitude

À l’aide de ses béquilles munies de crampons, le Brabançon signe l’ascension du Kilimandjaro à la force de ses bras. Un périple de sept jours durant lequel il n’a jamais accepté d’être aidé. « No way, je ne voulais pas que quelqu’un me porte, sourit-il. Ça faisait partie du challenge… » Dix-huit ans plus tard, il revient sur cet exploit :

L’ascension du sommet fut épique… On s’est levé très tôt, vers 2 h du matin pour attaquer la montagne, mal réveillé, un peu nauséeux, on devait être aux alentours de 4,600 m d’altitude. Il fait froid, nous somme dans le noir. Après quelques heures, le jour se lève, la savane au loin est immense et belle. L’ascension passe par le Huhuru Peak, sorte de petite montagne de glace, enneigée… sublime mais haut ! les pas sont lents, très lents, je me rappelle faire un bond toutes les 3 à 5 secondes, on approche du sommet à 5 895 m d’altitude.

Enfin, le sommet atteint, il faut redescendre, cela parait bête mais le sol est parsemé de petits cailloux et me concernant les sauts avec mes béquilles faisait que je glissais à chaque pas, j’étais exténué, j’avais l’impression que mes poignets allaient casser. On a atteint le camp après 17 h de marche, je pense que ce fut le plus grand effort physique jamais réalisé.

Je me souviens avoir téléphoné à John Goossens du haut du sommet – son ami et patron de Belgacom – c’était un coup de fil émouvant, surréaliste avec un téléphone satellite.

L’ascension du mont Blanc (2001)

Insatiable, Arnaud van Schevensteen relève un autre pari six mois après avoir participé pour la seconde fois aux 24 heures de Spa-Francorchamps : celui d’atteindre le sommet du mont Blanc.

Il le dompte de son courage et de son mental d’acier le 26 juillet 2001 et devient, à 29 ans, le premier unijambiste à conquérir le célèbre sommet. « Je ne suis pas le seul à l’avoir grimpé, mais je suis le seul à l’avoir descendu à ski par la face nord », ajoute-t-il du bout des lèvres.

Mon souvenir du Mont Blanc est celui du sommet ou pour la première fois de ma vie j’étais à la fois extrêmement heureux d’avoir atteint le sommet et à la fois j’avais une fatigue profonde et je me rendais compte qu’il me fallait encore descendre cette face nord à ski.

Je me demandais ou j’allais encore trouver la force nécessaire à ce chalenge de la descente. Pour être franc, nous avons déballé la première face du mont Blanc pour les images de l’hélicoptère, après cela nous nous sommes arrêtés un moment car je n’en pouvais plus.

Néanmoins j’ai pris un immense plaisir à skier cette face Nord, ce fut sans nul doute mon plus bel accomplissement à ski, avec un saut notoire sous les séracs…

Quand nous sommes arrivés au sommet du mont Blanc, on voyait bien le Cervin, alors on s’est dit : prochain objectif ?

L’ascension du mont Cervin (2003)

En 2003, son dernier exploit entre ciel et terre l’emmènera sur le toit du mont Cervin.

Le Cervin, c’est la montagne par excellence, celle que l’on dessine sans le savoir quand on est petit. Quelle débauche d’énergie, je pense avoir perdu 8 kg pendant toute l’ascension.

Le grand moment de stress se passa lors de la première tentative, nous étions arrivés au refuge Solvay relativement rapidement, au point de se dire que le sommet était accessible dans la même journée. Le temps commençait à se gâter et les guides ont entendu « les abeilles », ce fameux bourdonnement qui annonce un orage proche.

L’orage est la chose à éviter en montagne, d’abord parce que nous avons beaucoup de fer sur nous, ensuite parce que la foudre pourrait également nous expulser du rocher. Bref, les guides ont ordonné une redescente rapide, très rapide, dont je me souviens encore aujourd’hui. J’étais exténué en arrivant au refuge Solvay et à bien y réfléchir, à deux doigts d’abonner l’ascension, j’ai eu peur et j’avais besoin de récupérer. On est reparti le lendemain matin et tout se déroula normalement.

Physiquement, c’était très dur, j’ai dû aller puiser loin dans mes ressources. Je me suis rendu compte à la fin de ce dernier périple que j’étais à bout de force et que j’avais puisé au plus profond de moi-même. Après ça, mon corps ne m’a plus permis de continuer.

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Traversée de la Manche pour CAP 48 (2005)

En 2005, une équipe d’animateurs de la RTBF dont Jean-Louis Lahaye, accompagné de Jean-Paul Philippot (administrateur général de la chaîne publique) a traversé la Manche en jet-ski au profit de l’opération Cap 48. Arnaud faisait partie du voyage. Cette expédition leur a permis de récolter 13 000 €.

Au Cap Nord en motoneige (2006)

En 2006, toujours dans le cadre de Cap 48 – Le Raid et toujours avec la même équipe dont Armelle, un autre challenge était proposé à Arnaud van Schevensteen : une aventure en motoneige cette fois, en direction d’Alta au cap Nord, tout au nord de la Norvège.

En deux journées, la fine équipe a parcouru 500 kilomètres à travers les plaines norvégiennes, les lacs gelés et les fjords dans des paysages à couper le souffle.