Le 15 avril 1912, le Titanic coule en plein Atlantique Nord, causant la mort de plus de 1500 personnes. Le navire, que l’on disait insubmersible, effectuait son voyage inaugural. Dès sa construction, ce navire a fasciné les foules. 110 ans plus tard, c’est toujours le cas.

“Venez vite, nous sommes en danger”

Il est minuit vingt, le 15 avril 1912, quelque part au beau milieu de l’Atlantique Nord. Les marins du Mount Temple, qui sont à l’arrêt dans un champ de glace, n’en croient pas leurs oreilles. L’appel de détresse qu’ils viennent de recevoir provient du Titanic. Un navire que l’on dit insubmersible. Le plus moderne, le plus luxueux et le plus grand du monde, à l’époque : 269 mètres de long, 28 mètres de large, 54 mètres de haut (cheminées comprises), une puissance de 46 000 CV qui lui permet d’atteindre la vitesse de 24 noeuds (44 km/h) et surtout, une capacité totale de 2 600 passagers et 900 membres d’équipage! Si le message se confirme, une catastrophe maritime sans précédent s’annonce… Elle aura bien lieu. Avec un bilan très lourd,même si le navire – qui effectuait son voyage inaugural vers NewYork – était loin d’être rempli. Il n’y avait en effet à bord «que» 1 324 passagers et 899 membres d’équipages . 706 (36 %) seulement sortiront vivants du naufrage. L’océan emportera 1 517 corps.

La course transatlantique

Le Titanic est né de l’imagination et de l’ambition du baron James Pirrie, un entrepreneur qui préside depuis 1906 le chantier naval d’Hartland & Wolff, à Belfast, en Irlande du Nord. À l’époque, plusieurs compagnies font la course pour la traversée de l’Atlantique Nord en bateau. Le plus rapide devient détenteur du Ruban bleu, une distinction honorifique qui a une certaine influence sur les réservations.

Au début de ce XXe siècle, l’Allemagne est dans la course avec des mastodontes comme le Kaiser Wilhelm der Grosse et le Deutschland.Mais les Allemands sont vite dépassés par les ingénieurs anglais de la Cunard Line, avec des bateaux comme le Mauretania ou le Lusitania, construits à Liverpool.

Pour Lord Pirrie, il faut réagir. Il présente à son associé Joseph Bruce Ismay, le patron de la White Star Line, un projet pharaonique : la construction de trois géants des mers, trois «sisterships » qui auront pour noms Olympic, Titanic et Gigantic (NDLR : rebaptisé Britannic).

Le but n’est pas la vitesse, mais le prestige. On dote la 1re classe de cabines privées avec salon, salle à manger, salle de bains, toilettes… Le bateau est aussi équipé de trois ascenseurs, une bibliothèque, une salle à manger luxueuse de 100m2, un café parisien, un salon de coiffure, une salle de gym, des bains turcs…Ismay se laisse convaincre. Le chantier peut débuter.

Désormais, les transatlantiques de cette génération sont à l’abri de tout incident »
Capitaine Edward John SMITH, dans le New York Times en 1907

Voyage retardé

Premier à rejoindre les cales de Belfast le 16 décembre 1908, l’Olympic est vite rejoint par le Titanic le 31 mars 1909. Son premier voyage est programmé le 20 mars 1912.Mais un incident avec l’Olympic – le paquebot heurte le croiseur britannique Hawke dans le port de Southampton le 20 septembre – fera que le voyage inaugural du Titanic sera postposé au 10 avril, l’Olympic nécessitant des réparations d’urgence.

C’est donc finalement le 10 avril 1912 que le Titanic prend la mer, sous le commandement du capitaine Edward John Smith. Le départ est donné dans le port de Southampton, port d’attache de la White Star Line. À son bord, des personnes richissimes, mais aussi des bourgeois et de nombreux émigrants. Le bateau fera également escale à Cherbourg et à Queenstown avant de prendre définitivement la route pour le large.

Si le voyage se déroule tranquillement, quelques messages inquiétants parviennent au capitaine Smith. Plusieurs bateaux signalent des détachements de glace. Cela n’incite pas Smith à la prudence. Il maintient la vitesse de croisière, qui est de 22,5 nœuds et le 14 avril, il rejoint le dîner de gala donné dans le restaurant de 1re classe. La nuit est claire et la mer est très calme.

À 23h39’20’’, le 14 avril, la vigie Fleet perçoit une grosse masse sombre – un iceberg – à 500 m. Comme le navire parcourt 700 m à la minute, il est malheureusement trop tard pour réagir. Malgré une tentative désespérée du 1er officier William Murdoch – qui ordonne de mettre la barre à bâbord toute – le flanc droit du Titanic heurte l’iceberg à 23 h 39min 37 s.

La coque d’acier est déchirée sur plusieurs dizaines de mètres. En 17 secondes,le sort des 2 223 passagers et membres de l’équipage vient de tragiquement basculer.

Et le Titanic est entré dans l’Histoire.

Le sauvetage

Dès que le message de détresse du Titanic fut envoyé, plusieurs bateaux – le Caronia, le Frankfurt, le Baltic, le Virginian et l’Olympic – firent route vers lui. Mais c’est le Carpathia, bâtiment de la Cunard commandé par le capitaine Rostron, qui arriva le premier sur les lieux, vers 3 h 30 le 15 avril. Dans un premier temps, il ne trouva rien, car le lieutenant Boxhall – 4e officier sur le Titanic – avait mal calculé la position du navire de plus de 13 milles (24 km) ! Ce n’est donc que vers 4 h dumatin que les premières chaloupes furent aperçues, entourées d’icebergs. L’histoire retiendra que c’est Elizabeth Allen qui fut la première rescapée à monter à bord du Carpathia. À 8 h 50, après de longues recherches éprouvantes dans le froid, le navire de la Cunard reprit la route vers New York. Au total 706 rescapés montèrent à bord, dont Joseph Ismay, le président de laWhite Star Line. Par contre, Thomas Andrews, l’architecte du Titanic, et le capitaine Smith furent au nombre des 1 517 victimes. Le Carpathia arriva à New York le 18 avril 1912. Peu après 21 h, les premiers rescapés débarquèrent dans une certaine cohue. Dans la presse, le capitaine Rostron fut érigé en héros.

Des cloisons étanches inefficaces et des canots manquants

Trois heures et une minute. C’est le temps qui s’est écoulé entre la collision avec l’iceberg (le 14 avril 1912 à 23 h 39) et les dernières lumières du navire aperçues par les rescapés embarqués sur les canots de sauvetage (le 15 avril 1912 à 2 h 40). Aucun navire aux alentours n’aura le temps de se rendre sur place avant que le paquebot ne disparaisse dans les eaux glacées (il fait – 1 °C) de l’Atlantique Nord. Le Carpathia, le navire le plus proche, se trouve à 58 miles, soit une centaine de kilomètres et quatre heures de route à pleine vitesse dans un champ de glace. Une mission impossible. Dès la collision, le lieutenant Murdoch donne l’ordre de fermer les seize cloisons étanches.

Le hic, c’est que celles-ci ne remontent que jusqu’au pont E. Et les milliers de mètres cubes d’eau qui s’engouffrent passent rapidement au-dessus. De plus, le bateau est prévu pour flotter avec trois compartiments remplis d’eau. Là, ce sont cinq compartiments qui sont immergés. Et les pompes sont inefficaces.

À bord, ce ne fut pas tout de suite la panique.Tout le monde n’a pas senti le choc et certains rescapés racontent même que quelques passagers sortis sur le pont ont joué avec les morceaux de glace détachés de l’iceberg. D’autres sont sortis de leur cabine pour s’informer puis y sont retournés…

Ce n’est qu’à minuit quinze que le capitaine Smith ordonne d’abandonner le navire. Mais il sait qu’il va au-devant d’un gros souci. S’il y a bien 3 560 gilets de sauvetage à bord, il n’y a par contre pas assez de canots de sauvetage pour embarquer tout le monde. Les 14 chaloupes de 65 places, les 2 cotres (voiliers) de 35 places et les 4 radeaux pliables ne permettent que de sauver 1 176 personnes. Or, ils sont 2 228 à bord…

Quand les passagers s’en rendent compte, c’est la panique. Les officiers, débordés et mal préparés, auront du mal à faire régner l’ordre. L’un d’eux – on ne saura jamais qui – fera même usage d’une arme. La règle maritime «Les femmes et les enfants d’abord» ne sera pas respectée. Et les chaloupes ne seront pas remplies au maximum.

Cette série de «dysfonctionnements» et de malchance explique en grande partie le bilan humain important de la catastrophe.

Navires fantômes et grosses polémiques

Après la catastrophe, l’une des polémiques concerna la présence de bateaux beaucoup plus proches du Titanic que le Carpathia. Ils auraient donc pu arriver sur les lieux plus rapidement et, peut-être, sauver plus de vies. Le capitaine Moore, du Mount Temple, déclarera s’être trouvé à 50 milles du Titanic, mais bloqué par une barrière de glace. Des passagers le contredirent et parlèrent d’une distance de 10 ou 15 milles. Mais il ne fut jamais inquiété.

Le Samson,un voilier norvégien, se trouvait selon certains témoignages à 3 milles (5 km) du Titanic. Mais ce chasseur de phoques, illégal et sans radio, préféra fuir, craignant avoir été repéré. De toute façon, ce voilier n’aurait pas pu embarquer beaucoup de rescapés.

Ce n’était par contre pas le cas du Californian, bateau commandé par le capitaine Stanley Lord qui faisait route vers Boston en provenance de Liverpool. Il est apparu lors de l’enquête que le Californian était à l’arrêt à 20 milles nautiques lors de la nuit tragique. Comme la veille radio n’était pas obligatoire, l’opérateur radio était parti se coucher ! Ce n’est que le lendemain que l’équipage prit conscience de la tragédie. Le Californian mit tout de suite le cap vers le lieu du naufrage, mais confronté à des champs de glace qui l’obligèrent à naviguer à moins de 10 noeuds, il arriva après le Carpathia.

Le capitaine Lord fut accusé de non-assistance à personne en danger et dû quitter son poste à la Leyland Line. Il mourut en 1962. Ce n’est qu’en 1966 qu’il fut réhabilité.

75 pour cent de morts en 3e classe

Sur le Titanic, les passagers étaient répartis suivant le prix du billet. 75 % des passagers de 3e classe ont trouvé la mort.

À bord du Titanic, ils étaient donc 1 324 passagers et 899 membres d’équipage. Chaque passager était orienté dans une partie du bateau selon son rang social.

En troisième classe se trouvaient 710 passagers, essentiellement des émigrants qui rêvaient d’une vie meilleure aux USA. Le Titanic leur offrait un confort digne d’une 2e classe sur les autres bateaux. Les hommes et les femmes seuls dormaient dans de grands dortoirs à l’avant et à l’arrière du bateau. Les familles avaient des cabines. Une pièce commune meublée était à leur disposition, ainsi qu’un fumoir et un bar pour les hommes. Ils avaient aussi un pont pour se promener. Une cabine double coûtait en moyenne 40 $ (deux mois de salaire d’un Irlandais).

La deuxième classe était fréquentée par la bourgeoisie de l’époque. Ils étaient 285.Fumoir, bibliothèque étaient très bien décorés, et la carte du restaurant offrait tous les jours le choix entre une entrée, deux plats et plusieurs desserts. Les cabines, situées à l’arrière, étaient joliment meublées. Prix du billet ? En moyenne 65 dollars…

Enfin, les 329 passagers de première classe étaient vraiment choyés. Ils avaient droit au luxe absolu sur un bateau : gymnase, piscine avec plongeoir, salle à manger de 1000m, jardins d’hiver, bain turc, pont promenade abrité… sans oublier le double grand escalier, reconstitué dans toute sa splendeur dans le Titanic de James Cameron. La première cabine était accessible au prix de 125 $. Mais certains dépensèrent jusqu’à 4 500 dollars (225 mois de salaire d’un Irlandais) pour des suites somptueuses.

Lors du naufrage, les passagers de troisième classe payèrent un lourd tribut : 536 (75%) trouvèrent la mort, contre 166 de 2e classe (60 %) et 130 de 1re classe (40 %). Quant à l’équipage, 685 (sur 899)moururent (soit 76%). Parmi eux, beaucoup travaillaient aux machines.

De nombreux films – souvent américains – ont développé la thèse – plus séduisante – que les troisièmes classes ont été empêchées par le personnel de bord de rejoindre les chaloupes.Mais plusieurs témoignages contredisent ce fait. La cause d’une plus forte mortalité parmi les passagers de 3e classe s’explique par leur position plus éloignée dans le bateau, par la méconnaissance des dédales de celui-ci et par l’absence d’exercice d’évacuation avant le naufrage.

GEORGES ALEXANDRE KRINS

Premier voyage en bateau pour ce musicien belge

Le violoniste liégeois Georges Krins était membre de l’orchestre du Titanic, dirigé par Wallace Hartley. Ce Belge a grandi à Spa. À sa sortie du Conservatoire de Liège en 1908, il travaille dans de prestigieux hôtels à Paris et à Londres. C’est en jouant au Ritz de Piccadilly qu’il se fait remarquer par les frères Black, de la Black Talent Agency, une agence qui gérait l’animation musicale de la White Star Line. George est à peine âgé de 23 ans. Le Titanic est sa première affectation en mer… Il ne survit pas au drame du 15 avril et son corps ne fut jamais retrouvé. Sa famille liégeoise en fut très affectée et fit du sort de son fils un sujet tabou. Paradoxalement, des descendants (des neveux principalement) portèrent le prénom de Georges. Une plaque commémorative placée à Spa rappelle aujourd’hui son passage à l’hôtel Cardinal.

Des héros improvisés du drame Sur demande du Capitaine Smith, l’orchestre a courageusement poursuivi de jouer alors que le Titanic commençait à sombrer. Prenant d’abord place dans le salon, ensuite sur le pont, ils interprètent divers morceaux, parmi une foule agitée.

Différents témoignages de rescapés affirment avoir entendu le mythique Nearer,My God, to Thee (Plus près de toi mon Dieu), bien que d’autres avancent qu’une telle musique aurait déclenché la panique parmi les passagers. Certains affirment qu’ils jouaient encore 20 minutes avant que le bateau ne soit complètement englouti. Parmi les autres musiciens, citons Theodore Brailey, John Hume, Percy Taylor, Frederick Clarke, John Woodward et Robert Bricoux. Aucun d’entre eux ne survécut.

Retrouvée en 1985, l’épave devrait avoir disparu dans 40 ans

Dès que le Carpathia eu quitté les lieux du naufrage avec les 706 rescapés, d’autres navires – le Mackay Bennett, le Minia, le Montmagny et l’Algérie – se rendirent sur les lieux pour récupérer un maximum de corps. Hélas, les flots en avaient déjà englouti une bonne partie. Finalement, 347 furent retrouvés : 78 furent rendus aux familles, 119 immergés et 150 ensevelis dans trois cimetières d’Halifax, au Canada.

Les recherches pour retrouver l’épave commencèrent peu après la catastrophe. Ce sont d’abord des riches familles qui confient cette mission à la société Merritt & Chapman. Mais à l’époque, les moyens techniques manquaient cruellement. Ensuite, ce fut la valse d’idées toutes plus ou moins farfelues (ballons gonflés d’hydrogène, balles de pingpong (!), injection de vaseline (!)) pour tenter de renflouer le bateau.Mais où se trouvait-il ? Dans la précipitation, le lieutenant Boxhall avait noté la position 41° 46’ nord et 50° 14’ ouest.Mais il n’y avait rien à cet endroit. Ce n’est qu’en 1976 que l’on remit cette donnée en cause.

À 3 821 m de fond

En 1985, des recherches conjointes sont menées par l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et l’institut océanographique de Woods Hole. Le 1er septembre, l’océanographe américain Robert Ballard, à la tête du navire Knorr, retrouve le Titanic grâce à un sonar dernier cri. L’épave gît, brisée en deux, par 3 821 m de fond, à la position 41°43’ nord et 49°56’ ouest.

À partir de cette découverte, deux thèses s’affrontèrent. Les Américains étaient très réticents à toute nouvelle plongée, estimant qu’il fallait respecter ce sanctuaire. Ce ne fut pas l’avis des Français qui s’associèrent à des Britanniques pour pratiquer une pêche aux objets les plus divers. Le Titanic reçut encore de nombreuses visites jusqu’en 2004, et notamment celle du cinéaste James Cameron, qui a réalisé un documentaire Les fantômes du Titanic en 2003.

Certains espéraient trouver un trésor au fond de l’eau. Ils durent déchanter. Car rien à ce sujet n’a jamais été prouvé. Quant à un hypothétique renflouage, il est de plus en plus compromis. Une tentative a échoué en1996.Et les microorganismes rongent de plus en plus la structure. Les scientifiques estiment qu’elle aura totalement disparu entre 2025 et 2050…

Titanic au cinéma : mensonges et vérités

Avant, bien avant le « Titanic » de James Cameron, le cinéma s’était emparé du mythe. Et pas toujours de façon fidèle.

Docu, action, et même science-fiction : depuis 1912, le cinéma a modelé, transformé et même brutalisé le mythe du Titanic pour le rendre conforme à ses standards, et attirer le public dans les salles. Tour d’horizon des films à revoir… ou pas.

Titanic (1996)

La découverte de l’épave, en 1985, relance la «titanic mania». Et un an après la série homonyme de quatre heures de la CBS (avec Catherine Zeta Jones), Cameron sort son chef d’oeuvre, une romance de 200 millions $ qui restera en tête du box office américain 15 semaines et raflera onze oscars, égalant le record de Ben Hur