Du cirque, du théâtre, de la danse, des concerts, des contes et des entresorts : le festival des arts forains fera battre le cœur de Namur du jeudi 26 au samedi 27 mai. L’Avenir vous propose de découvrir dans ce Grand angle quelques-uns des spectacles et des artistes qui animeront cet incontournable événement familial.
« Nous allons partager des émotions fortes ensemble, enfin »
Samuel Chappel, le directeur de Namur en mai, se réjouit du retour du festival des arts forains en pleine possession de ses moyens, du 26 au 28 mai.

Samuel Chappel et son équipe sont fin prêts pour le retour de Namur en mai. « Et on est impatients ! »
Samuel, 2021 a connu une édition réduite. Vous confirmez qu’on renoue cette année avec la formule habituelle, sans restriction ?Je ne dirais même pas que 2021 a été une édition réduite. Il y a eu une représentation-test et un événement qui se voulait militant et revendicatif dont le but était de montrer que la culture était sûre et indispensable. On était en dehors de l’ADN de Namur en mai, avec des spectacles sur réservation. Or l’essence des arts forains, c’est précisément l’ouverture au public… Nous avons lancé l’organisation de cette édition 2022 il y a plusieurs mois et nous voulions être certains que l’événement se déroule, quelle que soit l’évolution de la situation sanitaire. C’est pourquoi nous avons levé le pied sur les spectacles itinérants en rue : leur public est moins facile à canaliser que celui d’une cour ou d’une place. Pour le reste, l’événement sera comme avant.
La thématique de cette année est « Singuliers Pluriels », comment l’interpréter ?
Nous proposons au public un fil rouge, une couleur, une grille de lecture de la programmation, libre à lui de la suivre ou de l’interpréter. C’est lié à ces derniers mois : nous avons tous été fort singuliers car confinés chez nous, à vivre seuls des émotions fortes. Il y a eu peu de démarches collectives et le festival offre l’occasion d’en vivre une, et de partager les mêmes émotions. Chaque artiste vient en outre avec une démarche singulière, un personnage, une vision du monde. Le festival est une pluralité, la somme de ces singularités.
Le festival investit la nouvelle Confluence…
Oui, l’esprit de l’art forain, c’est aussi de s’adapter à une ville qui mue. En 2017, on avait programmé des choses sur le Grognon, qui était alors un parking avec du gravier, et ça n’avait pas pris. Y aller, c’était comme quitter le centre-ville. C’est tout à fait autre chose aujourd’hui. La Confluence devient un des gros centres névralgiques de Namur en mai, les festivaliers y passeront forcément. Nous avons été émerveillés par ce nouveau lieu et par la manière dont les Namurois se le sont rapidement approprié. Le bourgmestre Prévot avait souhaité que Namur en mai y soit présent, il nous a semblé évident d’y être. Namur est une ville d’eau et la Confluence, comme le Delta, permettent de renouer avec les cours d’eau. C’est fou de ce dire que ces deux lieux n’existaient pas lors de la dernière édition de Namur en mai !
Qu’y trouvera-t-on ?
La Confluence accueillera des spectacles gratuits, sur les quais, tout au long de la journée. On trouvera aussi des spectacles sur l’esplanade, ainsi qu’un bar, des animations musicales, des blind-tests. Il y aura aussi le Fouillis Cagibi : des jeux en bois, un manège et des escape-rooms, en collaboration avec les Namurois du Siroteur. Au Delta, nous aurons un spectacle en salle sur réservation et des représentations tout au long de la journée en bord de Sambre et sur la terrasse panoramique.
Le ratio 50/50 entre spectacles gratuits et payants est-il toujours de mise ?
Oui, mais nous ne réfléchissons pas en termes de gratuit/payant sur un plan financier. Notre démarche est de toucher différents publics, indépendamment de la question de l’argent. Les spectacles gratuits viennent chercher en rue le spectateur qui n’a peut-être pas l’habitude de pousser la porte d’une salle de théâtre. Les spectacles payants, dans les cours, se vivent assis, réclament une plus grande qualité d’écoute et se fondent sur un récit suivi.
Avec les « parcours », vous prenez le spectateur indécis par la main…
Le programme est vaste et certains spectateurs peuvent se sentir un peu perdus, ne pas savoir pas quel bout le prendre. Les « parcours » sont là pour les guider, avec une demi-douzaine de rendez-vous, un pêle-mêle complet et équilibré de ce qu’est Namur en mai. Il existe un « parcours famille » dont le nom du tout, et un « parcours singulier » s’adressant à un public curieux, avec des valeurs sûres et des découvertes.
Le chapiteau de la place Saint-Aubain accueille à nouveau des formules cabaret…
Le cabaret plaît beaucoup.  Le cadre est sympa, le public est plongé dans une atmosphère du temps passé. Sur la scène, sous la conduite d’un maître de cérémonie, défilent six numéros d’une dizaine de minutes, dans des disciplines variées. Le « Petit cabaret » s’adresse au public familial, le « Cabaret singulier » se veut spectaculaire et impressionnant, le « Cabaret coquin » titille l’imaginaire sensuel avec délicatesse et poésie.
Les Tops de Samuel Chappel
« Sol Bémol », D’Irque & Fien
« Un spectacle impressionnant, avec les pianos qui voltigent, beaucoup d’humour, de tendresse et de poésie. C’est une création flamande qui a fait le tour de l’Europe et qu’on n’a pas encore vue en Wallonie. »
École Notre-Dame, tout public.
« Le Songe de Prométhée », La Salambre
« Ce spectacle de feu revisite le mythe de Prométhée, qui a volé le feu aux Dieux, avec une grande force narrative et de la musique. »
École Notre-Dame, tout public.
« La Tortue », Pieter Post
« Une création néerlandaise qui invite à prendre son temps, à ralentir, avec humour et second degré, au fil de la construction d’une tortue mécanique. »
Cour des Bateliers, tout public.
« Une parade nuptiale jonglée », Cie Little Garden
« Un jongleur très technique, très précis, qui évoque la saison des amours chez les animaux. »
Jardin des Bateliers, tout public.
Plus de 550 personnes pour révéler la magie de Namur en mai
Combien de personnes cette édition mobilise-t-elle ?
Namur en mai 2022, ce sont 55 spectacles différents, plus de 350 représentations et 200 artistes et techniciens. Du côté de l’organisation, nous sommes, avec les stagiaires, une trentaine au sein de l’ASBL NEM, auquels s’ajoutent pendant le festival environ 300 bénévoles pour l’accueil et le catering des artistes, l’accueil du public, la sécurité, les bars…  Notre défi, après l’arrêt Covid, a été de remobiliser tous ces bénévoles.
A-t-on déjà estimé l’impact économique du festival pour la ville de Namur ?
Nous n’avons pas de vision complète, mais seulement des indicateurs. Il y a quelques années, l’ASBL GAU, devenue Namur Centre-Ville, avait sondé les commerçants. Ceux-ci désignaient Namur en mai comme l’événement le plus porteur pour eux, devant les Fêtes de Wallonie, le marché de Noël et les soldes. Bien sûr, il y a des commerçants pour qui le festival a un impact négatif, mais la majorité en tire parti. Comme les hébergeurs. Là , c’est même la galère pour nous qui devons loger les artistes : les hôtels, gîtes et Air B&B sont complets dans un rayon de 20 kilomètres ! Du point de vue de l’image de la ville, l’impact médiatique du festival est important : je pense qu’il révèle Namur sous son plus beau jour.
Où en est la convention qui vous lie à la Ville de Namur en tant qu’organisateur du festival ?
Nous faisons cette édition puis l’édition 2023. Ensuite, un nouveau marché sera lancé par la Ville. Nous commencerons par lire la convention, mais notre envie est d’être candidats ! 2024 sera très importante pour l’ASBL NEM : ce marché public conditionnera notre demande de contrat-programme auprès de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Actuellement, nous fonctionnons avec des aides au projet, d’année en année, sans garantie sur les budgets. Avec un contrat-programme, on connaît à l’avance les montants qui sont promis, pour cinq ans. On travaille beaucoup à cette demande et on y croit. Nous sommes l’un des plus gros festivals non-musicaux. Si tout se met bien, on peut entrevoir encore de belles années pour Namur en mai.
De l’acrobatie sous assistance respiratoire
Atteint par la mucoviscidose, l’acrobate Jesse Huygh, 30 ans, a choisi d’intégrer la maladie et ses contraintes dans une performance au mât chinois.
Rien que plus normal qu’un acrobate à bout de souffle en fin de représentation, sous les applaudissements du public. Mais un circassien au souffle court avant même d’entrer en scène, est-ce seulement imaginable ?
C’est la réalité de Jesse Huygh, un artiste de cirque professionnel qui vit depuis l’âge de 12 ans avec la mucoviscidose, cette maladie génétique dégénérative qui affecte gravement le système respiratoire. Après avoir pratiqué du sport intensivement dans sa jeunesse, sur conseil médical, il s’oriente contre toute attente vers une carrière d’acrobate.
Deux mètres de tube
Formé à l’École supérieure des arts du cirque à Bruxelles, Jesse Huygh travaille pour différentes compagnies puis se concentre sur des projets plus personnels. Celui qui sera présenté à Namur en mai a été imaginé au début en 2020, alors que le jeune homme était hospitalisé en raison de l’évolution de sa maladie. Celle-ci venait de le priver de plus de la moitié de sa capacité pulmonaire, le contraignant à porter une assistance respiratoire lors des efforts physiques intenses.
« Le premier script a été écrit à l’hôpital, avec une aiguille dans le bras, explique l’artiste dans la présentation de sa création. Il était clair dans ma tête que je n’étais plus en mesure de faire un spectacle entier en solo. »
Pas question de laisser tomber pour autant. Jesse imagine un duo acrobatique au mât chinois. Sa partenaire, son amie Rocio Garrote, lui glisse l’idée d’intégrer les entraves qu’impose la mucoviscidose au cœur de la narration d’un spectacle autobiographique. Celui-ci se nomme À deux mètres, en référence à la longueur du tube qui relie Jesse à sa réserve d’oxygène. Le dispositif médical, porté au dos par les interprètes, est un élément essentiel de la chorégraphie. Ou comment transcender artistiquement la contrainte physique.
« La thématique du spectacle, détaille l’acrobate de 30 ans, tourne autour de l’idée d’offrir du soutien, d’en recevoir, d’en demander à quelqu’un d’autre, d’aller trop loin dans cette demande… »
Sur un camion perchés
Les limites imposées par la maladie à son art ont questionné Jesse sur l’accessibilité au spectacle. En plus de la version destinée aux festivals,  il a imaginé une déclinaison mobile de sa création.
« Mon objectif est de l’amener dans les hôpitaux et les maisons de repos, dit-il. Nous avons pensé à aménager un camion sur lequel installer le mât chinois et avec lequel nous pouvons passer devant les fenêtres. C’est une façon de dire que même dans les moments durs, il y a toujours moyen d’espérer. Que si on est obligé de ralentir, ça ne signifie pas qu’on doit s’arrêter et qu’il serait dommage de se priver de rêver. »
École Notre-Dame, rue du Lombard. À partir de 5 ans.
Aspect pratique
Plus gratuit que payant
Plus de la moitié des 55 spectacles programmés à Namur en mai sont gratuits, ou proposent au public de participer en conscience « au chapeau ». On les découvre en rue, sur les places, sur les quais. Les spectacles organisés dans les cours et jardins sont pour leur part payants. Pour y accéder, il faut se procurer la monnaie officielle du festival : le NEM. D’une valeur unitaire de 3 €, les NEM sont en vente aux billetteries situées sur les places d’Armes et Saint-Aubain.
Les entrées aux spectacles coûtent entre 1 et 4 NEM, selon notamment la durée de la représentation. C’est gratuit pour les moins de 3 ans et le tarif enfant s’applique jusqu’à 13 ans.
Un pass pour les gourmands
Pour les gros consommateurs, la formule du Pass est conseillée.
Le Pass donne accès à tous les spectacles, sauf les cabarets et les entresorts. Pour 1 jour (14,5 € enfants, 29 € adultes) ou pour les 3 jours de festival (22 € enfants, 44 € adultes).
Pour les acharnés qui ne veulent pas perdre de temps et ne rien rater, la solution est le Pass Prior, un coupe-file prioritaire en vente uniquement en ligne (37,5 € enfants, 75  € adultes). Les bénéficiaires Article 27 peuvent obtenir des entrées pour les spectacles payants au prix de 1,25 €.
Laissez passer !
À noter aussi que les personnes porteuses de handicap, les personnes à mobilité réduite et les femmes enceintes peuvent toujours se glisser dans les files prioritaires, et ce quels que soient le spectacle et le mode de paiement.
www.namurenmai.org
[email protected]
081 81 84 55
« Michel, deux fois » plutôt qu’une
Michel a-t-il posé les bons choix dans la vie ? Et vous, qu’auriez-vous fait à sa place ? , interroge la Cie des Bonimenteurs.
Les gens comme tout le monde, les gens sans histoire, ceux dont l’existence semble toute tracée, prennent eux aussi des décisions qui orientent radicalement le fil de leur vie. C’est le thème de Michel, deux fois, la dernière création de la Compagnie des Bonimenteurs, à découvrir à Namur en mai.
« Les personnages sont des gens ordinaires, ils sont dans la quarantaine et s’interrogent sur les choix qu’ils ont posés à différentes étapes importantes de leur vie, détaille le Namurois Vincent Zabus, interprète et coauteur du spectacle. Nous avions envie de parler de ces gens d’une apparente banalité dont l’existence recèle tout de même des secrets. »
Michel intime
Le spectacle est déambulatoire. « Nous jouons quatre scènes, en quatre lieux différents, qui passent en revue la vie des personnages. Nous emmenons le public, qui est muni d’un petit tabouret pliable. À chaque étape, un grand dessin évocateur de la destinée des personnages est encollé au mur. Les dessins sont l’œuvre d’Hippolyte et donnent une dimension street-art au spectacle. »
Si les Michel se questionnent sur les options qu’ils ont prises, le public y est lui aussi confronté, par le truchement d’une trouvaille de mise en scène. Michel, deux fois prend l’allure d’une fable existentielle contemporaine, introspective et intimiste.
« Nous ne sommes pas amplifiés, notre jeu est naturaliste, nos costumes ne sont pas théâtraux, c’est volontaire. Nous voulions un spectacle drôle et tendre, souriant et touchant. »
On est loin de l’esprit forain et gouailleur qui fait la réputation de la Compagnie des Bonimenteurs depuis 25 ans. « Avec ce genre de travail, nous pouvons explorer d’autres univers, d’autres thématiques, nous réinventer et retrouver le plaisir de créer.  C’est aussi pour le public l’occasion de nous découvrir sous une facette différente. Nos aspirations artistiques suivent le fil de nos vies, en fait. Avec l’expérience, on est plus à même de jouer dans la subtilité, comme ici, sans aboyer comme un bonimenteur !â€