La morphologie de Louvain-la-Neuve s’inspire de l’étude faite par les architectes de l’expérience positive des villes médiévales. Entamée à partir du point le plus haut du site, la construction de Louvain-la-Neuve s’est déroulée dans le sens de la pente générale. Découvrez, avec notre carte narrative, en quelle année et dans quel ordre se sont érigés ces nombreux quartiers. Utilisez les flèches pour découvrir l’évolution
Michel Lepaige (architecte): « La dalle pourrait encore se développer sur 4 à 5 hectares »
Après 35 ans au service de l’université, l’architecte Michel Lepaige est aujourd’hui la mémoire de la construction de la dalle.
Architecte de formation, Michel Lepaige a été engagé par Jean-Marie Lechat, le directeur de l’administration des domaines, en 1984. Il a travaillé durant plus de trente ans au développement du centre urbain de Louvain-la-Neuve.
Aujourd’hui chargé de missions à l’Administration du patrimoine immobilier et des infrastructures (ADPI), à quelques encablures de la fin de sa carrière, il prend soin, à la demande de sa hiérarchie, de consigner ses souvenirs et sa connaissance de la dalle dans un mémoire à l’attention des futurs architectes. Des connaissances précieuses, qu’on ne voudrait pas voir se perdre.
Il est donc un témoin privilégié pour jauger l’évolution de cette cité et répondre à la question de savoir si le développement de la Ville se fait dans la continuité avec les valeurs novatrices qui ont présidé à sa construction (mobilité douce, piétonnier dans le centre, développement durable…) «Ni oui, ni non, répond Michel Lepaige. Les concepts de base restent inspirants, mais il y a eu des adaptations nécessaires au fil des ans. Quand on voit le quartier du Biéreau, premier quartier construit, c’est très différent de conception de ce qu’on a fait aux Bruyères où les rues sont même trop larges à notre goût. Et ce qu’on fait aujourd’hui est encore très différent.»
Le nouveau quartier en cours d’émergence, Athena/Lauzelle sur lequel travaille notamment Michel Lepaige sera, à ce titre, un quartier très particulier: «L’intérieur du quartier ne prévoit pas la circulation des voitures et la plupart des maisons seront construites sans garage. On essaie d’y intégrer tous les concepts de la création urbaine d’aujourd’hui, et on veut densifier la population, grâce notamment à des immeubles de six étages, parce que le terrain est précieux. Mais ce n’est pas nécessairement le produit qu’attend la majorité des candidats acheteurs qui espèrent avoir leur petite maison en briques à Louvain-la-Neuve.
Ce sera un quartier original, mais sera-t-il à la pointe? Nous mettons en tout cas ensemble des idées novatrices pour le penser et lui donner une dimension propice au BW et à LLN.»
«Impossible de refaire LLN»
Mais ce nouveau quartier est loin d’être construit. Les plus optimistes parlent de 2024. Car, si l’UCLouvain aimerait s’accroître rapidement – la dalle mesure aujourd’hui 13,5 ha et pourrait encore se développer sur 4 à 5 ha –, les permis et les diverses exigences administratives la freinent de manière importante dans son élan. «Aujourd’hui, si on voulait refaire Louvain-la-Neuve comme on l’a fait en 1970, ce serait sans doute impossible, affirme Michel Lepaige. Les processus décisionnels et administratifs sont beaucoup plus compliqués. À l’époque, les décisions se prenaient de manières très rapides. C’était presque un dialogue entre Yves du Monceau et les responsables du développement urbain de l’université.»
Curiosité sortie de terre, la ville continue à attirer des urbanistes. La ville nouvelle est une réussite, au contraire d’autres villes nouvelles, même si l’architecture n’est pas son fort, comme le souligne l’expert. «La ville est largement référencée dans la littérature, mais pas pour son architecture, plutôt pour son urbanisme. Le logement, son tissu urbain le plus important, est assez neutre. Qu’on l’aime ou non, ceux qui ont choisi d’y vivre, l’adorent en général. C’est mon cas. Je suis né à Ottignies et je vis et je travaille à Louvain-la-Neuve. Vous avez compris à quel point je l’aime.»
Plus jeune ville du pays, Louvain-la-Neuve compte de nombreux endroits qui ont marqué ses 50 années d’existence. Nous en avons retenu douze.
Annick, une des premières habitantes de LLN
À 24 ans, Annick est arrivée avec son mari et leurs deux enfants dans une ville en chantier. Cinquante ans plus tard, elle y vit toujours.
Arrivée de Kinshasa avec son mari, assistant en architecture, en octobre 1972, Annick Vekemans Lambert est l’une des plus anciennes habitantes de Louvain-la-Neuve.
De beaux souvenirs pour elle, malgré des conditions de vie un peu rudimentaires, dans une ville en chantier total, dans un logement universitaire de la place Galilée. «Les premiers étudiants sont arrivés en même temps que nous. Et le collège du Biéreau a ouvert à ce même moment. En tant qu’architecte, mon mari était bien au courant de ce que la ville allait devenir, et nous y avons cru. Notre deuxième adresse a été la ferme du Biéreau. Nous y avons été à la base de l’animation culturelle, avec des étudiants. Nous organisions des spectacles, des ateliers, etc. C’était passionnant, nous avions le sentiment de participer à la construction d’une ville. Deux de nos quatre enfants sont nés là et tous adoré cette ville.» C’est d’ailleurs à cause d’eux (ou grâce à eux), que le couple a finalement fait construire une maison dans le quartier du Biéreau.
«Mes petits-enfants étudient ici»
L’implication d’Annick dans la vie de Louvain-la-Neuve a été totale et diversifiée: «J’ai voulu participer à la construction de la ville. J’ai été présidente de l’ONE, présidente du PO du collège du Biéreau, présidente de l’ASBL de la Ferme du Biéreau, etc. Aujourd’hui, mon mari est décédé mais mes petits-enfants étudient ici, et viennent souvent me voir. C’est une ville synonyme de liberté pour eux, car il y a le piétonnier, le sport, le culturel, des magasins… Je ne me suis pas battue contre le projet de L’esplanade, je trouvais que l’arrivée de ce complexe était logique dans le développement de la ville. On en profite aussi, tout est à portée de main.»
Les mentalités des habitants ont changé évidemment, au fil du temps…
«Il y a plus d’individualisme, un repli sur soi, alors que la mentalité de propriété n’était pas un idéal, au départ, mais elle a fait son apparition ici comme partout dans la société. Il reste malgré tout qu’on ne vit pas cloisonné chez soi à Louvain-la-Neuve. Les jardins des maisons sont petits. Ils invitent à profiter plutôt des espaces verts extérieurs, à aller à la rencontre des habitants dans les potagers collectifs, à faire jouer les enfants au foot au centre sportif de Blocry, ou à aller se promener dans le bois… Il y a tout ici, mais on partage l’espace.»