Saint-Curé d’Ars:
Au milieu des bois,
l’école désertée de Forest

Au milieu d’un parc arboré, un tout petit pavillon d’à peine 3 classes.  Un cadre idéal pour l’école de votre enfant à Bruxelles ?  Pourtant, l’institut primaire Saint-Curé d’Ars, à Forest, a fermé. Alors que la capitale souffre de surpopulation scolaire, son directeur tente d’expliquer pourquoi il a perdu son combat.


C’est sans doute l’école la mieux cachée de Bruxelles. On peut passer cinq fois devant l’entrée sans la voir.  Et même quand on repère ce chemin en bord de la voie ferrée qui trace en contrebas vers la périphérie, on hésite.  La trouée de terre ondule sous les feuillus puis débouche sur un pavillon des années 60.  Un escalier de béton effrité mène à un oratoire.  En contrebas, trois classes en enfilade reflètent les fougères. Dedans : ni chaises, ni tables.

C’est que l’école primaire Saint-Curé d’Ars, à Forest, a fermé à la fin de l’année scolaire 2018-2019. Après 56 ans d’activité, ses élèves et leurs 4 instituteurs migrent pour cette rentrée à l’Institut Saint-Denis, dans le bas du parc Duden, qui la chapeautait. La verdure sera toujours à leurs fenêtres, certes pas aussi dense. Mais cette école à 20 minutes à pied de leur ancienne cour de récré risque tout de même de les dépayser avec son grand bâtiment de briques et sa cour sans l’ombre des branches.

« Même les riverains s’étonnaient »

« Ça fait plusieurs années que la population scolaire diminuait ». Christophe Wéry, directeur, a tout essayé pour sauver sa petite implantation. Banderoles sur le site, pub sur les réseaux sociaux, lobbying auprès des parents, interpellation du Bourgmestre de Forest : rien n’y a fait.  L’an dernier, il ne comptait que 3 élèves en 1re et 6 en 2e  soit 9 pour la classe du premier cycle. Et à peine plus dans les années supérieures. « Saint-Curé d’Ars, c’est une école qui n’est pas très visible. Même les riverains s’étonnaient parfois de sa présence dans le parc ».

Mais à l’heure où les parents bruxellois pleurent pour un air pur dans les classes, quand ils ne pleurent pas pour une classe tout court, on peut s’étonner que ce cadre idyllique n’ait pas attiré assez d’élèves pour survivre. « Il y a plusieurs facteurs », reprend le directeur fataliste. « D’abord l’accessibilité. C’est la préoccupation N°1 des parents, avant la pédagogie. Ça se joue parfois à quelques dizaines de mètres. Alors quand l’école Arc-en-Ciel a construit au parc du Bempt, ça nous a “coûté” des élèves. Ensuite, une collaboration avec l’école Sainte-Alène, qui envoyait ses 3e maternelles chez nous, a aussi rogné le nombre d’inscrits ».

« Ici, il n’y a pas de surpopulation scolaire »

Enfin, le pavillon commençait à porter son âge. « Il appartient à la Paroisse Saint-Curé d’Ars, dont le PO était locataire. C’est un bâtiment qui pourrit par le bas. L’humidité y cause des cloques aux murs, des champignons…  Malgré des rafraîchissements de peinture.  On a même eu des parents qui ont retiré leur enfant à cause de son asthme. Mais la Paroisse n’a jamais voulu engager de travaux en profondeur ».  Ce qui n’empêchera pas l’école néerlandophone Keerpunt d’y démarrer une classe de 1re secondaire à pédagogie Freinet dès ce 2 septembre.

Tout ça pose tout de même la question de la fameuse surpopulation scolaire à Bruxelles.  Les statisticiens alertent en effet à chaque rentrée, chiffres du boom démographique à l’appui, insistant sur la pénurie toujours croissante de places dans les écoles de la capitale. «Ici, ce n’est pas vrai », assure Christophe Wéry. « Dans mon entité B5, qui réunit les écoles libres de Forest, Uccle et Saint-Gilles, mes collègues me disent qu’il reste de la place partout. Moi-même, je viens encore d’enregistrer la quadruple inscription d’enfants d’une même famille ».