Chaque année, artistes, sculpteurs et magiciens de l’art éphémère se donnent  rendez-vous à Valloire pour les concours internationaux de sculpture sur glace  et sur neige. En trois jours et trois nuits, ils donnent vie à des créations majestueuses.

Au cœur de la montagne et des paysages enneigés, sur le plateau exceptionnel des Verneys, à 2 km du centre du village de Valloire (en Savoie), se dressent, en cercle et en plein air, des sculptures de glace aux tailles impressionnantes et aux détails pourtant si minutieux.

Une référence à travers le monde

Chaque année, en janvier, la station savoyarde se transforme en capitale de l’art éphémère de montagne en organisant le concours international de sculpture sur glace et, la semaine suivante, le concours international de sculptures sur neige.

Un événement unique en France. « Initialement, ces concours avaient été organisés pour faire vivre le village et attirer les touristes durant le mois de janvier, rappelle Pascal Delannoy, responsable Animation de Valloire Tourisme.

Sur les 20 sculpteurs sur glace accueillis, cette année, 15 nationalités étaient représentées.

Aujourd’hui, après 37 éditions du concours international de sculpture sur neige, et 29 du concours international de sculpture sur glace, Valloire s’est construit une solide réputation en matière d’organisation de concours de sculptures monumentales, devenant ainsi la référence dans cette discipline artistique, et ce à travers le monde.

Preuve en est, sur les 20 sculpteurs sur glace accueillis, cette année, 15 nationalités étaient représentées, dont des artistes originaires du Mexique, des Philippines, de Taïwan, d’Ukraine, de Mongolie… sélectionnés parmi les quelque 80 dossiers de candidature que nous recevons. »

D’une beauté transparente et éphémère

Pendant trois jours et trois nuits, ces 20 sculpteurs de l’extrême donnent vie à leurs cinq blocs de glace. À coups de tronçonneuse, puis en utilisant des outils plus précis (tels que ciseaux à glace, pics, limes, meuleuses et même fers à repasser), ils font preuve de créativité, de sang-froid et de maîtrise, pour façonner cette glace et élaborer de véritables œuvres d’art.

Valloire attire de nombreux touristes au cours de ses concours de sculpture sur glace et sur neige.

Au fil des heures et des jours, des morceaux de glace extirpés des blocs, les sculptures figuratives ou plus abstraites se dévoilent aux visiteurs.

« Lors de la sélection des sculpteurs, nous veillons à ce qu’ils présentent un projet original et étonnant afin que les personnes puissent rester admiratives devant ces œuvres monumentales et transpercées de lumière, souligne Alain Lovato, sculpteur et président du jury. Ensuite, pour établir le palmarès, à côté de l’originalité, nous prenons aussi en compte la manière avec laquelle les artistes parviennent à maîtriser la glace, son état “vivant”, son caractère éphémère, son instabilité (selon les aléas de la météo), sa transparence et sa translucidité. »

Alain Lovato salue également l’initiative de Valloire Tourisme d’organiser ce concours en plein air. « Cela permet d’amener l’art dans l’espace public, et au contact direct du public. On n’est plus dans l’image élitiste et réductrice de l’art, mais on veut montrer qu’il peut “parler”, interpeller, questionner et procurer des émotions à des personnes d’horizons divers. »

Seize tonnes de glace

 

“To moon”(Mongolie)

« Tous les artistes sont logés à la même enseigne et doivent utiliser au maximum les cinq blocs de glace de 1 m x 0,5 m x 0,25 m mis à leur disposition, précise Pascal Delannoy. Il s’agit d’une glace totalement transparente et, comme il est impossible d’en trouver une aussi pure à l’état naturel en raison des impuretés présentes dans les glaciers et les lacs, nous faisons fabriquer nos 16 tonnes de glace à Narbonne, dans le sud de la France. »

S’adapter à la météo

 

“Dripping snow” (Russie)

Travaillant en plein air, les sculpteurs doivent s’adapter aux conditions météorologiques. Pour cette édition, ils ont dû composer avec le soleil.

« Ce ne sont pas tant les températures positives à certains moments de la journée qui posent problème, mais davantage les rayons UV qui, en pénétrant dans la glace, la fragilisent et la cristallisent. Si le soleil frappe trop sur la sculpture, elle s’effrite et perd de sa transparence. »

Pour éviter ce phénomène, les sculpteurs déposaient les outils à l’heure du midi et emmitouflaient leurs créations dans des couvertures de survie.

Une mise en lumière

 

“Mermaid” (Philippines)

Si, en pleine journée, les œuvres monumentales et translucides se confondent dans le blanc de la neige ou le bleu du ciel, Valloire Tourisme propose traditionnellement, en clôture du concours, un final grandiose et éblouissant de mille et une couleurs.

Cette mise en lumière permet d’appréhender encore mieux les détails des sculptures et la finesse des gestes posés par les artistes.

Pour profiter des œuvres avant que la nature impose ses règles et les fasse disparaître du paysage.

Des prix décernés

Pour cette édition 2020 du concours de sculpture sur glace, le premier prix du jury a été attribué au Danois Dusavitskiy pour son œuvre Sustainability.

“Sustainability” (Danemark)

“Heritage” (Ukraine)

Ont également été primés : Dripping Snow de Konstantin Evdokimov (Russie), No one say it was easy de Cédric Hennion (France) et Heritage d’Oleksiy Poda (Ukraine).

Le public a, quant à lui, salué le travail du Philippin Rogel Cabisidan qui a imaginé et donné vie à une époustouflante sirène de glace (Mermaid).

Maximus, le sculpteur libre

 

Maxime Van Besien était l’unique représentant belge.  Après avoir appris à travailler le bois à l’institut Saint-Luc,  de Ramegnies-Chin (Tournai), il prend plaisir à tailler la glace.

Il est 10 h sur le plateau des Verneys, le thermomètre approche du 0 °C. Maxime Van Besien a déposé ses outils après avoir travaillé toute la nuit pour finaliser son ambitieuse création.

« À 3 h du matin, j’ai eu de nouvelles idées, comme le fait d’aussi travailler le socle en neige pour appuyer le sens de ma création, sourit le sculpteur belge. Mais, à un moment donné, il faut pouvoir s’arrêter et attendre tranquillement le passage du jury pour peaufiner les tout derniers détails. »

Maximus, de son nom d’artiste, participe pour la seconde fois au concours international de sculpture sur glace de Valloire.

Des rencontres  et du partage

L’hiver, il troque ses rondins et troncs de bois pour la neige et la glace. Le sculpteur quitte son atelier de la côte belge pour le grand air.

« J’ai déjà participé à plusieurs compétitions de sculpture sur glace ou sur neige, comme l’année dernière au Canada. J’ai aussi le projet de me rendre l’hiver prochain en Suède pour participer à un projet de construction d’un hôtel de glace. Et lorsque je suis en Belgique, j’apprécie de pouvoir me rendre sur divers marchés de Noël pour réaliser une démonstration de sculpture sur glace devant les visiteurs. »

“Nous pouvons nous nourrir des expériences, des techniques, des idées… des uns des autres pour enrichir notre travail personnel.”

Maxime Van Besien tient à transmettre sa passion. Et c’est cet esprit de rencontre et de partage que l’homme de 26 ans retrouve aussi en prenant part au concours de Valloire. Un partage d’abord avec ses collègues sculpteurs.

« Nous venons tous de pays différents et nous n’avons pas nécessairement les mêmes approches de la sculpture. Certains sculptent habituellement le bois, d’autres la pierre, la résine ou encore le métal. Les sculpteurs ont aussi chacun leur préférence entre le modelage, le moulage, la fonte ou la taille. Nous pouvons nous nourrir des expériences, des techniques, des idées… des uns des autres pour enrichir notre travail personnel. »

Une création à son image

Une rencontre avec des artistes, mais aussi avec le public, et surtout avec les enfants intrigués par son look de bûcheron, à la barbe et moustache rousses.

« C’est chouette de voir qu’ils s’intéressent à notre travail et donc je pense que c’est normal de pouvoir répondre à leur curiosité et leur envie d’en apprendre plus, insiste Maximus qui a lui-même été formé à l’ébénisterie et à la sculpture à Saint-Luc Tournai. Je prends ainsi le temps de leur expliquer comment je réfléchis une œuvre et comment je la réalise ensuite. Ils sont souvent émerveillés et ont leurs yeux qui pétillent en voyant la glace prendre forme. »

La petite statue posée sur le socle de neige permet aux visiteurs de déjà s’imaginer la sculpture de 3,50 m qui se dévoile, peu à peu, au fil des heures. « Dans cette création, j’ai voulu me représenter à l’image d’un sculpteur libre qui se délivre de son bloc de glace, précise Maxime Van Besien. Faire parler sa créativité et son imagination est en quelque sorte une liberté d’exprimer notre vision des choses et de libérer tout ce qu’il y a en nous. »

Avec de la paille, de la neige ou du foin

Valloire est capitale de l’art éphémère en montagne, mais pas uniquement de sculpture sur glace. Alors que les dernières traces des statues givrées s’effaçaient peu à peu du plateau des Verneys, des blocs de neige ont fait leur apparition dans une rue du centre du village.

Pendant trois jours, les sculpteurs façonneront cet or blanc pour le transformer en œuvres. « Le travail de la neige est plus difficile et physique que celui de la glace, explique Pascal Delannoy, responsable Animation de Valloire Tourisme.

Et c’est pour cela que le concours se déroule par équipes de trois sculpteurs. » Cette année, 17 équipes venues des quatre coins du monde ont travaillé jour et nuit pour permettre à leurs créations de prendre vie.

En été, comme elle est proche du col Galibier, la station savoyarde fait régulièrement figure de terrain de jeu des cyclistes du Tour de France, mais elle a aussi d’autres atouts à faire valoir. Quelques mois après les translucides sculptures sur glace et les imposantes créations sur neige, Valloire Tourisme organise un événement artistique unique au monde : le concours de sculptures géantes sur paille et sur foin.

Son thème est libre, mais le terme « sculpture » est générique. Il s’agit dans les faits d’une construction qui est remplie et habillée de paille et foin. Par équipes de deux, les sculpteurs taillent, coupent et cisaillent le foin pour créer des œuvres majestueuses.

Cette année, ce concours se déroulera du mardi 30 juin au dimanche 5 juillet. Et comme le foin et la paille font office de matériaux bien moins éphémères que la glace et la neige, les douze sculptures resteront visibles tout l’été.

Texte : Pauline Deneubourg
Photos et vidéo : Pauline Deneubourg, Valloire tourisme
Développeurs : Cédric Dussart et Géraldine Ducat